Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen, par deux demandes distinctes, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre, d'une part, de l'année 2012, d'autre part, des années 2013 et 2014.
Par un jugement nos 1802435, 1802436 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2020 et le 21 mai 2021, M. D..., représenté par la société d'avocats Fidal, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, une réduction tenant compte de l'application de la cascade complète prévue à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en lui demandant, dans le cadre de la vérification de comptabilité dont faisait l'objet la société à responsabilité limitée (SARL) E..., des renseignements d'ordre personnel se rapportant, en ce qui concerne l'année 2012, à une obligation solidaire envers une tierce société et à une pension alimentaire dont il était redevable, le vérificateur a, en réalité, débuté, en ce qui concerne cette année, un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, l'administration n'ayant ensuite fait état d'un contrôle sur pièces que pour régulariser, a posteriori, la procédure ; un tel contrôle sur pièces ne pouvait d'ailleurs valablement être diligenté, comme il l'a été, dans les locaux de la SARL E... ; ce comportement caractérise un détournement de procédure qui doit être sanctionné par la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondants ; au surplus, il a été induit en erreur sur le caractère contraignant ou non de ces demandes de renseignements, compte-tenu du contexte de la vérification de comptabilité dont la SARL E... faisait l'objet, dans le cadre de laquelle ces demandes de renseignements lui ont été adressées ;
- les renseignements ainsi obtenus par l'administration dans des conditions irrégulières ne pouvaient valablement fonder les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige, le vérificateur ayant, en outre, manqué, en agissant ainsi, à son devoir de loyauté à son égard ;
- l'administration a remis en cause dans des conditions irrégulières la déduction des frais professionnels réels qu'il avait portés, à hauteur d'un montant de 6 000 euros, sur la déclaration de revenus souscrite par lui au titre de l'année 2012 et ne pouvait régulièrement ne retenir qu'un montant de 1 200 euros comme déductible de ses revenus à ce titre ; or, dès lors que l'administration a, s'agissant de cette année, procédé, en réalité à un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, sans lui offrir les garanties attachées à ce contrôle et prévues par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, tenant au bénéfice d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, dans le cadre duquel il aurait été à même d'apporter des justificatifs des frais dont il avait fait état, il est fondé à solliciter la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondants ;
- les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de la réintégration, dans ses revenus imposables de l'année 2012 en tant que revenus de capitaux mobiliers, de sommes regardées comme distribuées par la SARL E... sont, comme l'administration l'a d'ailleurs précisé à cette société, atteints par la prescription ;
- les dépenses d'entretien de véhicule dont l'administration a remis en cause, à tort, la déductibilité, par la SARL E..., en tant que charges d'exploitation, se rapportent à des véhicules qu'il avait mis gratuitement à la disposition de l'entreprise, afin qu'ils soient notamment utilisés par ses commerciaux, ainsi que ceux-ci en attestent, ces véhicules étant plus adaptés que ceux appartenant à la flotte professionnelle de cette société, lesquels étaient d'ailleurs souvent indisponibles ; ces dépenses ont ainsi été regardées à tort comme correspondant à des avantages occultes ayant la nature de revenus distribués imposables entre ses mains ;
- les achats de carrelage effectués auprès de l'entreprise A..., dont la déduction, par la SARL E..., en tant que charges d'exploitation, a également été remise en cause, à tort, par l'administration, alors que ces achats ont bénéficié à la société, ont également été regardés à tort comme correspondant à des avantages occultes ayant la nature de revenus distribués imposables entre ses mains ;
- les autres dépenses dont la déduction, en tant que charges d'exploitation, par la SARL E..., a été, à tort, remise en cause par l'administration comme correspondant à des écritures fictives ont été, en réalité, exposées auprès de fournisseurs qui sont identifiables et correspondent à des charges réelles, exposées dans l'intérêt de l'entreprise ; elles ont été, en conséquence, regardées à tort comme correspondant à des dépenses d'ordre personnel ayant la nature d'avantage occultes imposables entre ses mains en tant que revenus distribués ;
- il est fondé à demander la décharge, par voie de conséquence, des intérêts de retard mis à sa charge ;
- l'administration n'était pas fondée à lui refuser, au motif qu'il n'en aurait pas fait la demande, le bénéfice de la cascade complète prévue à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, alors, d'une part, que ni la SARL E..., ni lui-même n'ont été informés de la possibilité de formuler une telle demande, d'autre part, qu'ils ont bel et bien formé une telle demande et qu'il justifie avoir remboursé à la SARL E... les avantages qu'elle lui avait servis et versé une somme de 122 240,53 euros à la caisse sociale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- en ce qui concerne l'année 2012, l'administration a seulement tiré les conséquences, sur les revenus de M. D..., des rehaussements notifiés à la SARL E... et a procédé à un contrôle sur pièces de la déclaration de revenus souscrite par l'intéressé, contrôle dont elle n'était pas tenue de l'aviser et dans le cadre duquel elle était fondée, en application de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, à demander à ce dernier de justifier des éléments portés sur sa déclaration ; la circonstance que le contribuable ait fourni au vérificateur, dans les locaux de la SARL E..., les éléments demandés est, sur ce point, sans incidence ; l'administration ne s'est aucunement livré à un contrôle de la cohérence entre les revenus ainsi déclarés par M. D... et le patrimoine de celui-ci ; en conséquence, le moyen tiré de ce que l'administration aurait procédé, en ce qui concerne cette année et y compris s'agissant des frais professionnels réels déclarés, à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. D... sans lui offrir les garanties attachées, par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, à un tel contrôle n'est pas fondé ;
- M. D... ne peut utilement s'appuyer sur des éléments notifiés à la SARL E... pour en tirer la conséquence que les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à sa charge au titre de l'année 2012, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, seraient atteints par la prescription ;
- l'administration était fondée à remettre en cause la déduction, par la SARL E..., en tant que charges de l'entreprise, de dépenses d'entretien de deux véhicules appartenant au gérant de cette société, M. D..., et d'un véhicule appartenant à un ancien salarié ; M. D... n'a produit, au soutien de son allégation relative à la mise à la disposition de la SARL E... des deux véhicules lui appartenant, aucun document contractuel conclu avec cette société ; l'intéressé a d'ailleurs reconnu, au cours de la vérification de comptabilité de la SARL E..., que les dépenses ainsi prises en charge présentaient un caractère personnel ; en se bornant à produire des attestations, au demeurant imprécises, établies par des salariés de cette société et, dès lors, dépourvues de caractère probant, M. D... ne justifie pas de l'utilisation effective et exclusive de ces véhicules pour les besoins de l'exploitation de la SARL E... ; l'attestation établie par l'assureur de la SARL E... n'est pas davantage probante ; le service chargé de la vérification de comptabilité de la SARL E... a d'ailleurs relevé que, durant la période vérifiée, cette société avait versé, à son gérant ainsi qu'à ses commerciaux, des remboursements de frais exposés par eux dans le cadre de l'utilisation professionnelle de leurs véhicules personnels et qu'elle disposait de véhicules de société pris en location ; enfin, si M. D... soutient que la SARL E... a sous-loué ces véhicules de société, il ne l'établit pas en produisant des contrats non signés et qui concernent d'ailleurs d'autres véhicules, dont cette société est propriétaire ;
- M. D... n'a apporté aucun élément de nature à établir que les achats de carrelage effectués par la SARL E... auprès de la société A... répondraient à un intérêt pour l'entreprise, l'intéressé ayant d'ailleurs reconnu, au cours de la vérification de comptabilité de la SARL E..., le caractère personnel de ces dépenses ;
- la SARL E... n'a pas produit les factures permettant de justifier de plusieurs écritures de charges passées par elle au cours des exercices clos en 2013 et en 2014 ; en outre, l'exercice, par le service qui a opéré la vérification de comptabilité de cette société, de son droit de communication lui a permis de constater qu'aucune trace de ces opérations ne figurait dans la comptabilité de chacun des fournisseurs concernés ; au cours de ce contrôle, M. D... a reconnu que ces écritures avaient permis de prendre en charge des dépenses sans rapport avec l'exploitation de la société ; en outre, l'examen, par le service, des flux financiers, à partir des éléments recueillis dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, a permis d'établir que des règlements avaient été libellés au nom de M. D... ou de la société civile immobilière (SCI) D..., dont celui-ci est le gérant ; dans ces conditions, l'administration était fondée à retenir que les sommes correspondantes constituaient, pour M. D..., des revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des 1° et 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts ; l'intéressé était, d'ailleurs, le maître de l'affaire pour détenir 99 % des parts de la SARL E... et en être le gérant statutaire et pour être titulaire du pouvoir d'engager cette société à l'égard des tiers, en signant déclarations et chèques, de sorte qu'ayant la libre disposition des fonds de cette société, il doit être regardé comme le bénéficiaire des sommes en cause ;
- la SARL E... n'ayant formulé, dans le délai de trente jours imparti pour formuler des observations sur les rectifications qui lui ont été notifiées, aucune demande tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, M. D... ne peut invoquer le bénéfice de ces dispositions ; il n'établit d'ailleurs pas avoir effectivement reversé la somme de 72 762 euros dans la caisse sociale de la société, l'attestation d'abandon produite ne pouvant suffire à cet égard ;
- pour les motifs développés dans les écritures produites par l'administration devant les premiers juges, les autres moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) E..., qui exerce une activité de vente et de location de matériels de voirie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2015. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé que M. D... avait bénéficié, de la part de la SARL E..., dont il est le gérant et l'associé majoritaire, de revenus distribués. M. D... a, par ailleurs, fait l'objet d'un contrôle sur pièces, portant sur la déclaration de revenus souscrite par lui au titre de l'année 2012, et d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. Ces contrôles ayant conforté l'appréciation de l'administration en ce qui concerne les revenus distribués perçus par l'intéressé, l'administration lui a notamment fait connaître, par deux propositions de rectification qu'elle lui a adressées le 18 décembre 2015, en ce qui concerne l'année 2012, et le 12 décembre 2016, en ce qui concerne les années 2013 et 2014, qu'elle entendait imposer les sommes correspondantes entre ses mains, sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. Par les mêmes documents, l'administration a porté à la connaissance de M. D... qu'elle entendait remettre partiellement en cause des déductions pratiquées, sur les déclarations de revenus souscrites par l'intéressé au titre des années 2012 à 2014, en ce qui concerne des frais professionnels réels, une pension alimentaire et un engagement de caution à l'égard d'une tierce société. M. D... ayant formulé des observations qui n'ont pas amené l'administration à revoir son analyse, les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant des rehaussements ainsi notifiés ont été mis en recouvrement les 31 juillet et 30 septembre 2017, à hauteur d'un montant total, en droits et pénalités, de 246 026 euros. Ses réclamations ayant été rejetées, M. D... a porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen, en lui demandant, par deux demandes distantes, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre, d'une part, de l'année 2012, d'autre part, des années 2013 et 2014. M. D... relève appel du jugement du 2 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ces demandes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En vertu de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions se rapportent aux contrôles sur pièces, l'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. Selon ce même article, l'administration contrôle également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat. Le même article précise qu'à cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés.
3. La circonstance que le vérificateur en charge de la vérification de comptabilité de la SARL E... ait, au cours de ce contrôle, demandé à M. D..., avec lequel il s'était entretenu en raison des fonctions de gérant que ce dernier exerçait au sein de la société vérifiée, de lui fournir, dans le cadre du contrôle sur pièces que ce fonctionnaire menait par ailleurs, la justification de mentions portées dans la déclaration de revenus souscrite par lui au titre de l'année 2012, afférentes à des frais professionnels réels, à une pension alimentaire et à un engagement de caution souscrit auprès d'une tierce société, tout autant que la circonstance que M. D... lui ait fourni, dans le même contexte, les justifications demandées ne sont pas de nature à caractériser, par elles-mêmes, l'engagement irrégulier d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, sans que le contribuable en ait été préalablement avisé et sans qu'il ait alors bénéficié des garanties y afférentes, tenant notamment au débat oral et contradictoire avec le vérificateur. En effet, en vertu de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, un tel examen contradictoire de situation fiscale personnelle consiste à contrôler la cohérence entre, d'une part, les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal. Or, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait, pour ce qui concerne l'année 2012, procédé à un tel contrôle de cohérence. En outre, l'administration est en droit, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, de demander au contribuable, en application de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés, cette demande, non contraignante par elle-même, n'étant pas assujettie à un formalisme particulier.
4. M. D... n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles il aurait été induit en erreur en ce qui concerne l'absence de caractère contraignant de cette demande de justifications, le seul fait que celle-ci ait été formulée au sein des locaux de la SARL E... et à l'occasion d'un entretien s'inscrivant dans le cadre de la vérification de comptabilité dont celle-ci faisait l'objet étant insuffisant à cet égard. Au demeurant, M. D... a fourni, en temps utile, les justifications demandées, dont l'administration a tenu compte. Il suit de là que les moyens tirés du détournement de procédure et de l'irrégularité de la demande de justifications ne peuvent qu'être écartés. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le vérificateur aurait tenté de tirer profit du contexte de la vérification de comptabilité dont la SARL E... faisait l'objet, pour contraindre M. D... à produire, dans des conditions contraires à son obligation de loyauté à l'égard des contribuables, des documents sans rapport avec cette vérification de comptabilité.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne la prescription :
5. En vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.
6. Il résulte de l'instruction que l'administration a adressé à M. D..., afin de porter à sa connaissance les rehaussements de ses revenus imposables envisagés par le service au titre de l'année 2012, une proposition de rectification le 18 décembre 2015. Il n'est pas contesté que M. D... a reçu ce document interruptif de la prescription le 19 décembre 2015, date à laquelle l'administration pouvait valablement exercer son droit de reprise. Par suite, le moyen tiré de ce que les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige au titre de l'année 2012 seraient atteints par la prescription doit être écarté.
En ce qui concerne le fondement légal des impositions en litige :
7. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ".
8. Le rehaussement des résultats d'une société ne saurait, par lui-même, révéler l'existence de bénéfices ou produits non mis en réserve ou incorporés au capital, taxables entre les mains de leur bénéficiaire comme revenus distribués. Pour soumettre à l'impôt sur le revenu de tels revenus sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, il incombe à l'administration d'établir qu'ils ont été mis à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts. La circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer soit le maître de l'affaire est, à cet égard, sans incidence.
9. Il ressort des termes mêmes des propositions de rectification adressées à M. D... le 18 décembre 2015 et le 12 décembre 2016, d'une part, que l'administration a entendu fonder les rehaussements notifiés à l'intéressé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur les dispositions précitées du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts et, d'autre part, qu'elle a entendu se prévaloir de la présomption attachée à la qualité de seul maître de l'affaire, qu'elle a attribuée à M. D.... Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, il appartient à l'administration, pour justifier le bien-fondé d'un rehaussement notifié, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, d'établir que le contribuable qu'elle entend imposer a effectivement appréhendé les sommes regardées comme distribuées. Pour ce faire, l'administration ne peut utilement invoquer la présomption attachée à la qualité de seul maître de l'affaire. Cependant, en soutenant que les rehaussements contestés en l'espèce sont susceptibles de trouver par ailleurs leur fondement dans les dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, le ministre doit être regardé comme demandant que ces dispositions soient substituées à celles du 2° du 1. de cet article, sur lesquelles le service a initialement établi les rehaussements en litige. Dès lors que cette substitution ne prive M. D... d'aucune garantie offerte par la loi aux contribuables, rien ne s'oppose à ce qu'il soit fait droit à cette demande de substitution de base légale. Sur le nouveau fondement, le ministre peut utilement invoquer la présomption d'appréhension attachée à la qualité de seul maître de l'affaire, mais il lui incombe, au préalable, de démontrer, d'une part, que les sommes regardées comme distribuées ont effectivement été désinvesties et, d'autre part, que le contribuable peut être regardé comme le seul maître de l'affaire.
10. D'une part, la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL E... a donné lieu, ainsi que le fait valoir le ministre, à un rehaussement des bénéfices imposables déclarés par cette société au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. En outre, aucun des éléments relevés par le vérificateur dans les propositions de rectification adressées à cette société, dont une copie est versée à l'instruction, ne fait état d'une délibération des porteurs de parts de la SARL E... d'investir ou de mettre en réserve tout ou partie des résultats de cette société, de sorte que ceux-ci doivent être regardés comme ayant fait l'objet d'un désinvestissement.
11. D'autre part, le ministre fait valoir, sans être contredit, que M. D..., détenteur de 99 % des parts sociales de la SARL E..., dont il est le gérant statutaire, disposait seul, en cette qualité, du pouvoir de signer, au nom et pour le compte de cette société, les déclarations auxquelles celle-ci était astreinte, d'engager cette société à l'égard des tiers et de mouvementer ses liquidités en émettant des chèques tirés sur le compte bancaire ouvert au nom de cette société. Par ces éléments, qui ne sont pas contestés et alors qu'il n'est pas allégué qu'une autre personne aurait exercé, en droit ou en fait, des pouvoirs équivalents, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, que M. D... était, au cours des années d'imposition en litige, le seul maître de l'affaire. Eu égard à la présomption d'appréhension qui s'attache, pour l'application des dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, à cette qualité, M. D... ne peut utilement alléguer que les sommes que l'administration a regardées comme correspondant à des revenus distribués entre ses mains par la SARL E... ne lui auraient pas été effectivement versées par celle-ci. Dès lors, il y a, lieu de faire droit à la demande de substitution de base légale formée par le ministre.
En ce qui concerne les revenus distribués procédant de la remise en cause par l'administration de dépenses déduites de ses résultats imposables par la SARL E... :
12. La SARL E... a porté en charges, des dépenses d'entretien afférentes, d'une part, à deux véhicules appartenant à M. D..., son gérant, d'autre part, à un véhicule dont le propriétaire est un ancien salarié. M. D... soutient qu'il avait, au cours des années d'imposition en litige, mis gratuitement ses deux véhicules à la disposition de la SARL E... afin qu'ils puissent être utilisés par les commerciaux de celle-ci, d'autant que ces véhicules étaient plus adaptés à leur mission que ceux appartenant au parc de véhicules d'entreprise que la société prenait en location et dont la disponibilité était peu importante du fait de leur sous-location à d'autres entreprises. Toutefois, M. D... ne produit aucun élément permettant de corroborer ses allégations, ni même aucun document contractuel susceptible de régir la mise à disposition des véhicules lui appartenant à la SARL E.... En outre, les attestations établies dans des termes convenus par les salariés de cette dernière, plusieurs années après celles en litige, ainsi que l'attestation établie par son assureur, selon laquelle les véhicules en cause auraient été assurés pour une utilisation professionnelle, ne sont pas, à elles seules, de nature à justifier d'une utilisation effective de ces véhicules pour les besoins de l'exploitation. Au surplus, il n'est pas contesté qu'au cours du débat oral et contradictoire avec le vérificateur, M. D..., en sa qualité de gérant de la SARL E..., a reconnu le caractère personnel des dépenses d'entretien de véhicules prises en charge par cette dernière, qui, au demeurant, a continué, au cours de la période vérifiée, à verser des remboursements de frais de déplacement à ses commerciaux, en contrepartie de l'utilisation de leurs véhicules personnels. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le caractère de charges déductibles que la SARL E... avait attribué à ces dépenses et qu'elle a regardé les sommes correspondantes comme ayant la nature de revenus distribués imposables entre les mains de M. D.... Enfin, le requérant n'est pas fondé à invoquer les énonciations du paragraphe n°10 de la doctrine administrative publiée le 3 février 2016 sous la référence BOI-BIC-CHG-40-20-40, selon lesquelles les dépenses d'entretien portant sur des biens affectés à l'exploitation sont déductibles, dès lors que ces énonciations ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont le présent arrêt fait application.
13. L'administration a remis en cause la déductibilité par la SARL E..., en tant que charges de l'exercice correspondant, de dépenses d'achat de matériels électriques auprès de la société B..., qui a émis des factures à l'adresse de la SARL E... comportant la mention " commande SCI D... ". L'administration a également remis en cause la déduction par la SARL E... de dépenses d'achat de carrelage auprès de la société A.... M. D... soutient que ces achats s'inscrivaient dans le cadre de la réalisation de travaux d'aménagement, dans les locaux de la SARL E..., d'un magasin de pièces détachées, d'un vestiaire et d'une cuisine. Toutefois, alors qu'il n'est pas contesté que M. D... a reconnu, au cours du débat oral et contradictoire avec le vérificateur, dans le cadre de la vérification de comptabilité dont la SARL E... a fait l'objet, que ces achats revêtaient un caractère privé, les photographies versées au dossier et les attestations établies, plusieurs années après celles en litige, par les salariés de cette société ne peuvent suffire à justifier de ce que les dépenses correspondantes auraient été exposées dans l'intérêt de celle-ci. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déductibilité de ces dépenses en tant que charges d'exploitation et qu'elle a regardé les sommes correspondantes comme ayant la nature de revenus distribués imposables entre les mains de M. D.... Enfin, le requérant n'est pas fondé à invoquer les énonciations du paragraphe n°10 de la doctrine administrative publiée le 3 février 2016 sous la référence BOI-BIC-CHG-40-20-40, selon lesquelles les dépenses d'entretien portant sur des biens affectés à l'exploitation sont déductibles, dès lors que ces énonciations ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont le présent arrêt fait application.
Sur les intérêts de retard :
14. M. D... ne soulève pas de moyen spécifique au soutien de ses conclusions tendant à la décharge des intérêts de retard dont ont été assorties les impositions supplémentaires en litige, mais se borne à en demander la décharge par voie de conséquence de la décharge des rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige. Or, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 13 que les moyens soulevés par M. D... à l'appui de ses conclusions à fin de décharge des impositions supplémentaires en litige doivent être écartés.
Sur le bénéfice de la cascade complète :
15. Aux termes de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales : " En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice, sauf demande expresse des contribuables, formulée dans le délai qui leur est imparti pour répondre à la proposition de rectification. (...) ".
16. Il ne résulte pas de l'instruction que M. D..., ni même la SARL E..., auraient formulé, dans le délai de trente jours qui leur était, à chacun, imparti pour répondre aux propositions de rectification qui leur ont été adressées, une demande tendant au bénéfice des dispositions précitées de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales. Si M. D... soutient que ces propositions de rectification ne les auraient pas informés de la possibilité de former une telle demande, ni même du délai dont ils disposaient pour ce faire, il ressort des mentions mêmes de ces documents que ce moyen manque en fait. Enfin, si M. D... a engagé, avant la saisine des premiers juges, une discussion avec l'administration, dans le cadre de laquelle il a sollicité le bénéfice de la cascade complète de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, il ne résulte pas de l'instruction que cette discussion aurait été introduite dans le délai d'un mois suivant la réception des propositions de rectification par M. D.... Dès lors, l'administration était fondée à ne pas mettre en œuvre le mécanisme prévu par ces dispositions.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 30 juin 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2022.
Le rapporteur,
J.-F. PapinLe président de chambre,
C. Heu
La greffière,
N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°20DA01164
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N°"Numéro"