La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2022 | FRANCE | N°20DA01163

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 12 juillet 2022, 20DA01163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Groupe Mercurys Finance a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2012, 2013, 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2015, des suppléments de cotisation sur la

valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Groupe Mercurys Finance a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2012, 2013, 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2015, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, ainsi que des amendes mises à sa charge sur le fondement des articles 1788 A, 1737 et 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1802434 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, prononcé la décharge des intérêts de retard afférents à un rappel de droits de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 69 614 euros, d'autre part, substitué la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts à la majoration de 80 % prévue, en cas de manœuvres frauduleuses, par le c. du même article, dont avaient été assortis les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la réintégration de dépenses déduites en tant que charges d'exploitation et de la rectification des déductions de taxes y afférentes, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 août 2020, le 21 mai 2021 et le 15 juin 2021, la SARL Groupe Mercurys Finance, représentée par la société d'avocats Fidal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dépenses d'entretien de véhicules dont l'administration a remis en cause la déductibilité en tant que charges d'exploitation se rapportent à des véhicules que son gérant a mis gratuitement à la disposition de l'entreprise, afin qu'ils soient utilisés par ses commerciaux, ainsi que ceux-ci en attestent, ces véhicules étant plus adaptés que ceux de sa flotte professionnelle, lesquels étaient d'ailleurs souvent indisponibles ; elle était également fondée à prendre en charge des dépenses de réparation d'un véhicule appartenant à un apporteur d'affaires ; les véhicules ainsi mis à sa disposition étaient d'ailleurs assurés contre les risques liés à une utilisation professionnelle ; la prise en location de ces véhicules aurait constitué pour l'entreprise une charge plus onéreuse que le simple entretien de véhicules mis gratuitement à sa disposition, de sorte que la charge supportée à ce titre répond à son intérêt ; dans ces conditions, ces dépenses, dont la réalité est justifiée par des factures régulières, constituent des charges déductibles ; le paragraphe n°10 de la doctrine administrative publiée le 3 février 2016 sous la référence BOI-BIC-CHG-40-20-40 conforte sa position sur ce point ;

- l'administration a remis en cause, également à tort, la déductibilité, en tant que charges, des achats de matériel électrique effectués par elle auprès de la société B..., alors que ces achats lui ont bénéficié, comme il en est attesté, quand bien même les factures correspondantes comportent la dénomination d'une autre société, à la suite d'une erreur commise par ce fournisseur ; le paragraphe n°10 de la doctrine administrative publiée le 3 février 2016 sous la référence BOI-BIC-CHG-40-20-40 conforte sa position sur ce point ;

- les dépenses de carrelage qu'elle a exposées en lien avec cette opération répondent aussi à l'intérêt de l'entreprise ;

- l'administration n'était pas davantage fondée à remettre en cause la déductibilité, en tant que charges, des sommes versées à un ancien collaborateur, qui a réalisé, à deux reprises, des prestations de maintenance de son système informatique, comme en attestent plusieurs de ses salariés ; si cet ancien collaborateur, qui n'est pas un professionnel, ne peut délivrer des facture, il a valablement établi deux documents, dans lesquels il atteste des prestations qu'il a réalisées et des sommes qu'il a perçues à ce titre ; ce type de justificatif est admis par le paragraphe n°1 de la doctrine administrative publiée le 19 mai 2014 sous la référence BOI-BIC-CHG-10-20-20, tandis que les doctrines administratives publiées sous les références BOI-CF-IOR-10-20 et BOI-CF-IOR-50-20 recommandent à l'administration de faire preuve d'un certain réalisme économique ;

- le dégrèvement, prononcé le 25 mai 2018, soit antérieurement à la saisine du tribunal administratif, d'une somme de 69 614 euros en droits a mis fin au litige en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

- les premiers juges, pour prononcer la décharge des intérêts de retard établis sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 69 614 euros qui a fait l'objet d'un dégrèvement avant la saisine du tribunal administratif, ont estimé, à juste titre, que ces intérêts n'avaient eux-mêmes pas été dégrevés ;

- il appartiendra si la cour, si elle accueille son argumentation en ce qui concerne le caractère de charges déductibles des dépenses dont la déduction a été remise en cause par l'administration, d'en tirer les conséquences en matière d'intérêts de retard et de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises ;

- c'est à tort que l'administration a mis à sa charge l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, pour non désignation du bénéficiaire d'une distribution qui n'est, en réalité, pas intervenue, dès lors que sa cliente n'a pas réglé le prix du véhicule électrique que celle-ci a directement acquis, à son insu, auprès d'un fournisseur ; en outre, elle a répondu, dans le délai imparti et dans des termes suffisamment précis, à la demande de désignation du bénéficiaire que l'administration lui a adressée sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, sans qu'il soit nécessaire qu'elle obtienne un contreseing de la personne désignée ; la doctrine publiée le 22 août 2017 sous la référence BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40 conforte, en son paragraphe n°360, sa position sur ce point ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle se serait livrée, à l'occasion de la vente d'un véhicule électrique, à des manœuvres frauduleuses de nature à justifier l'application de la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts, alors qu'elle n'a mis en œuvre aucun procédé destiné à masquer la vente directe de ce véhicule, par un fournisseur, à sa cliente ; s'il peut lui être reproché d'avoir, à cette occasion, fait preuve d'incurie, cette circonstance ne suffit pas à caractériser des manœuvres frauduleuses ; par ailleurs, ainsi que l'a estimé à juste titre le tribunal administratif, l'administration n'a pas apporté la preuve de manœuvres frauduleuses en ce qui concerne la remise en cause de charges non justifiées, l'absence de justificatif n'étant pas suffisante à cet égard ;

- la déduction de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a opérée sur une acquisition intracommunautaire résulte d'une erreur de sa part et ne saurait suffire à l'administration, même lorsque cette erreur concerne l'enregistrement d'une facture régulièrement établie, à apporter la preuve, qui lui incombe, d'une intention de sa part d'éluder l'impôt ; cette erreur, qui n'a d'ailleurs causé aucun préjudice au Trésor public, aurait dû seulement justifier le prononcé de l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts ; la doctrine administrative publiée le 13 mai 2013 sous la référence BOI-BIC-BASE-40-10 conforte, en son paragraphe n°20, sa position sur ce point, de même que la doctrine administrative publiée le 8 mars 2017 sous la référence BOI-CF-INF-10-20-20, en son paragraphe n°30 et la doctrine administrative publiée le 6 mai 2015 sous la référence BOI-CF-INF-20-20, en son paragraphe n°90 ;

- l'administration n'apporte pas davantage cette preuve, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, s'agissant des sommes versées par elle à son ancien collaborateur ; en particulier, l'absence de justification ne peut suffire à établir une intention délibérée d'éluder l'impôt et l'absence de facture ne peut suffire à établir une absence de justification d'une opération comptable ;

- c'est à tort que l'administration lui refuse, malgré sa demande, le bénéfice de la cascade complète prévue à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut, d'une part, au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de 16 636 euros et au rejet du surplus des conclusions de la requête, d'autre part, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il prononce la décharge d'une partie des intérêts de retard mis à la charge de la SARL Groupe Mercurys Finance et qu'il substitue la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts à celle de 80 % prévue, en cas de manœuvres frauduleuses, par le c. du même article, et à ce que ces intérêts de retard et cette majoration soient remis à la charge de la SARL Groupe Mercurys Finance.

Il soutient que :

- l'administration était fondée à remettre en cause la déduction, par la SARL Groupe Mercurys Finance, en tant que charges de l'entreprise, de dépenses d'entretien de deux véhicules appartenant au gérant de cette société et d'un véhicule appartenant à un ancien salarié ; la SARL Groupe Mercurys Finance ne produit, au soutien de son allégation relative à la mise à sa disposition des deux véhicules appartenant à son gérant, aucun document contractuel conclu avec ce dernier, qui a d'ailleurs reconnu, au cours du débat oral et contradictoire, que les dépenses ainsi prises en charge présentaient un caractère personnel ; en se bornant à produire des attestations, au demeurant imprécises, établies par ses salariés et, dès lors, dépourvues de caractère probant, la SARL Groupe Mercurys Finance ne justifie pas de l'utilisation effective et exclusive de ces véhicules pour les besoins de son exploitation ; l'attestation établie par l'assureur de la SARL Groupe Mercurys Finance n'est pas davantage probante ; durant la période vérifiée, la société a d'ailleurs versé, à son gérant ainsi qu'à ses commerciaux, des remboursements de frais exposés par eux dans le cadre de l'utilisation professionnelle de leurs véhicules personnels et disposait de véhicules de société pris en location ; si elle allègue avoir sous-loué ces véhicules de société, elle ne l'établit pas en produisant des contrats non signés et qui concernent d'ailleurs d'autres véhicules, dont elle est propriétaire ;

- en produisant des attestations établies par ses salariés, la SARL Groupe Mercurys Finance ne justifie pas de ce que les travaux facturés par la société B... et qui comportent la mention d'une société tierce, auraient été effectués pour les besoins de son activité ; l'attestation établie par la société B... et, qui ne fait pas mention de la destination des matériels acquis, ne peut suffire à apporter une telle preuve ;

- les documents, présentés comme des reçus, établis par un ancien salarié de la SARL Groupe Mercurys Finance et qui font mention de montants forfaitaires, ne permettent pas de justifier de la réalité des prestations que l'intéressé aurait effectuées en contrepartie de ces paiements, dont la déductibilité en tant que charges de l'entreprise a, par suite, été à bon droit remise en cause ;

- le dégrèvement, prononcé le 25 mai 2018, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée résultant du constat d'une insuffisance de taxe collectée au titre de l'exercice clos en 2015 ne remet pas en cause le bien-fondé de l'autre rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Groupe Mercurys Finance au titre du même exercice, au regard des règles d'exigibilité prévues aux a. et c. du 2 de l'article 269 du code général des impôts ;

- dès lors que la reconstitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée due par la SARL Groupe Mercurys Finance au titre de l'exercice clos en 2015 a été correctement effectuée par le service vérificateur, c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé la décharge des intérêts de retard appliqués sur ce rappel ;

- la SARL Groupe Mercurys Finance ayant sciemment mis en place un système d'enregistrement d'écritures fictives à travers l'utilisation de comptes de fournisseurs afin de dissimuler un désinvestissement réalisé au profit de son gérant, d'égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et de récupérer concomitamment une taxe sur la valeur ajoutée fictive, c'est à tort que le tribunal administratif a substitué la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts à celle de 80 % prévue, en cas de manœuvres frauduleuses, par le c. du même article, que le service avait appliquée à ce chef de rehaussement ;

- la SARL Groupe Mercurys Finance, qui a dissimulé la cession d'un véhicule électrique qu'elle avait porté en immobilisations, a continué à déduire des amortissements pour ce véhicule et a échappé au paiement des impositions et de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette cession ; en conséquence, la majoration de 80 % prévue, en cas de manœuvres frauduleuses, par le c. de l'article 1729 du code général des impôts a été appliquée à bon droit à ce chef de rehaussement ;

- la SARL Groupe Mercurys Finance, qui a comptabilisé comme réalisé auprès d'un fournisseur français un achat opéré auprès d'un fournisseur belge qui présentait ainsi le caractère d'une acquisition intracommunautaire, a déduit la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette opération, tout en s'abstenant de déclarer, dans le cadre du régime d'auto-liquidation, la taxe intracommunautaire collectée ; ces modalités d'enregistrement comptable d'une facture régulièrement établie par le fournisseur belge résultent, non pas d'une erreur, mais d'une intention délibérée d'éluder l'impôt, de sorte que le service a appliqué à bon droit, à ce chef de rehaussement, la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, sans qu'ait d'incidence le fait, d'ailleurs contesté, que ce procédé n'aurait occasionné aucun préjudice pour le Trésor ;

- la SARL Groupe Mercurys Finance, qui a versé des rémunérations à un ancien salarié, sans disposer de justificatif permettant d'établir la réalité des prestations réalisées en contrepartie, a ainsi manifesté son intention délibérée d'éluder l'impôt ; c'est donc à bon droit que le service a appliqué à ce chef de rectification la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts ;

- les moyens soulevés par la SARL Groupe Mercurys Finance devant le tribunal administratif et dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel ne sont pas fondés, pour les motifs énoncés dans les observations produites par l'administration en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Groupe Mercurys Finance, qui exerce une activité de vente et de location de matériels de voirie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2015. A l'issue de ce contrôle, l'administration a entendu remettre en cause la déduction, en tant que charges, de dépenses dont l'intérêt pour l'entreprise ne lui apparaissait pas établi. Elle a fait connaître sa position à la SARL Groupe Mercurys Finance par des propositions de rectification qu'elle lui a adressées le 16 décembre 2015, en ce qui concerne l'exercice clos le 30 juin 2012, et le 23 juin 2015, en ce qui concerne les exercices clos les 30 juin 2013, 2014 et 2015. La SARL Groupe Mercurys Finance ayant présenté des observations qui n'ont pas amené l'administration à revoir son approche, les suppléments d'impôt sur les sociétés, ainsi que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des rehaussements ainsi notifiés ont été mis en recouvrement le 31 octobre 2017, à hauteur des sommes respectives de 198 515 euros et 218 976 euros, en droits et pénalités. L'administration a également mis à la charge de la SARL Groupe Mercurys Finance des amendes sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts, de l'article 1737 de ce code et de l'article 1759 du même code, à hauteur des montants respectifs de 380 euros, 450 euros et 16 636 euros. Sa réclamation ayant été rejetée, la SARL Groupe Mercurys Finance a porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2012, 2013, 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2015, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, ainsi que des amendes mises à sa charge sur le fondement des articles 1788 A, 1737 et 1759 du code général des impôts.

2. Par un jugement du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, prononcé la décharge des intérêts de retard afférents à un rappel de droits de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 69 614 euros, d'autre part, substitué la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts à la majoration de 80 % prévue, en cas de manœuvres frauduleuses, par le c. du même article, dont avaient été assortis les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la réintégration de dépenses déduites en tant que charges d'exploitation et de la rectification des déductions de taxes y afférentes, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande. La SARL Groupe Mercurys Finance relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du même jugement, en tant, d'une part, qu'il prononce la décharge d'une partie des intérêts de retard mis à la charge de la SARL Groupe Mercurys Finance et, d'autre part, qu'il substitue la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts à celle de 80 % prévue, en cas de manœuvres frauduleuses, par le c. du même article.

Sur l'étendue du litige :

3. Par une décision du 6 janvier 2021, postérieure à l'introduction de la requête, l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord a prononcé, en pénalités, un dégrèvement de 16 636 euros en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Dans cette mesure, les conclusions de la requête de la SARL Groupe Mercurys Finance sont devenues sans objet.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la remise en cause de la déductibilité de dépenses en tant que charges :

4. En vertu du 1. de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment les frais généraux de toute nature. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions susmentionnées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 de ce code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

5. La SARL Groupe Mercurys Finance a porté en charges, des dépenses d'entretien afférentes, d'une part, à deux véhicules appartenant à son gérant, d'autre part, à un véhicule dont le propriétaire est un ancien salarié. La SARL Groupe Mercurys Finance soutient que son gérant avait, au cours de la période vérifiée, mis gratuitement à sa disposition ses deux véhicules afin qu'ils puissent être utilisés par ses commerciaux, d'autant que ces véhicules étaient plus adaptés à leur mission que ceux appartenant au parc de véhicules d'entreprise qu'elle prenait en location et dont la disponibilité était peu importante du fait de leur sous-location à d'autres entreprises. Elle ajoute que son ancien salarié a effectué, pour son compte, des missions de prospection commerciale à l'aide de son véhicule personnel, ce qui justifie, à ses yeux, la prise en charge des dépenses d'entretien y afférentes. Toutefois, la SARL Groupe Mercurys Finance ne produit aucun élément permettant de corroborer ses allégations, ni même aucun document contractuel susceptible de régir la mise à sa disposition des véhicules appartenant à son gérant. En outre, les attestations établies dans des termes convenus par certains de ses salariés, plusieurs années après celles en litige, ainsi que l'attestation établie par son assureur, selon laquelle les véhicules en cause auraient été assurés pour une utilisation professionnelle, ne sont pas, à elles seules, de nature à justifier d'une utilisation effective de ces véhicules pour les besoins de l'exploitation. Au surplus, il n'est pas contesté qu'au cours du débat oral et contradictoire avec le vérificateur, le gérant de la SARL Groupe Mercurys Finance a reconnu le caractère personnel des dépenses d'entretien de véhicules prises en charge par cette dernière, qui, au demeurant, a continué, au cours de la période vérifiée, à verser des remboursements de frais de déplacement à ses commerciaux, en contrepartie de l'utilisation de leurs véhicules personnels. Enfin, la SARL Groupe Mercurys Finance n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des prospections commerciales que son ancien salarié aurait réalisées dans l'intérêt de son exploitation. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le caractère de charges déductibles que la SARL Groupe Mercurys Finance avait attribué à ces dépenses. Enfin, la société requérante n'est pas fondée à invoquer les énonciations du paragraphe n°10 de la doctrine administrative publiée le 3 février 2016 sous la référence BOI-BIC-CHG-40-20-40, selon lesquelles les dépenses d'entretien portant sur des biens affectés à l'exploitation sont déductibles, dès lors que ces énonciations ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont le présent arrêt fait application.

6. L'administration a remis en cause la déductibilité, en tant que charges de l'exercice correspondant, de dépenses d'achat de matériels électriques auprès de la société B..., qui a émis des factures à l'adresse de la SARL Groupe Mercurys Finance comportant la mention " commande SCI C... ", laquelle société civile immobilière a pour gérant M. C..., qui est aussi le gérant de la SARL Groupe Mercurys Finance. L'administration a également remis en cause la déduction de dépenses d'achat de carrelage auprès de la société A.... La SARL Groupe Mercurys Finance soutient que ces achats s'inscrivaient dans le cadre de la réalisation de travaux d'aménagement, en ses locaux, d'un magasin de pièces détachées, d'un vestiaire et d'une cuisine. Toutefois, alors qu'il n'est pas contesté que son gérant a reconnu, au cours du débat oral et contradictoire avec le vérificateur, que ces achats revêtaient un caractère privé, les photographies versées au dossier et les attestations établies, plusieurs années après celles en litige, par certains de ses salariés ne peuvent suffire à justifier de ce que les dépenses correspondantes auraient été exposées dans son intérêt. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déductibilité de ces dépenses en tant que charges d'exploitation. Enfin, la SARL Groupe Mercurys Finance n'est pas fondée à invoquer les énonciations du paragraphe n°10 de la doctrine administrative publiée le 3 février 2016 sous la référence BOI-BIC-CHG-40-20-40, selon lesquelles les dépenses d'entretien portant sur des biens affectés à l'exploitation sont déductibles, dès lors que ces énonciations ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont le présent arrêt fait application.

7. La SARL Groupe Mercurys Finance a porté en charges des sommes versées à un ancien salarié en contrepartie de prestations de maintenance de son système informatique. Elle précise avoir fait appel à cet ancien collaborateur dans l'attente de la conclusion d'un contrat de maintenance avec une entreprise spécialisée. Toutefois, les deux reçus établis par cet ancien salarié, qui portent au demeurant sur des montants forfaitaires, ne peuvent, même rapprochés des attestations de salariés produites, suffire à la SARL Groupe Mercurys Finance à justifier de la réalité des prestations de maintenance qui auraient été effectuées, dans l'intérêt de son exploitation, par cet ancien collaborateur. Dès lors, l'administration était fondée à remettre en cause la déductibilité, en tant que charges, de ces dépenses. Enfin, la SARL Groupe Mercurys Finance n'est pas fondée à invoquer, à cet égard, le paragraphe n°1 de la doctrine administrative publiée le 19 mai 2014 sous la référence BOI-BIC-CHG-10-20-20, qui rappelle que les déductions opérées sur les résultats imposables doivent être appuyées par des pièces justificatives de nature à établir la réalité des prestations correspondantes, ni davantage les doctrines administratives publiées sous les références BOI-CF-IOR-10-20 et BOI-CF-IOR-50-20, qui recommandent à l'administration de faire preuve d'un certain réalisme économique lorsqu'elle met en œuvre les procédures de rectification et d'imposition d'office.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

8. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, aux termes du 2 de l'article 269 de ce code, la taxe est, en principe, exigible, en ce qui concerne les livraisons, mentionnées au a) du 2, lors de la réalisation du fait générateur et, en ce qui concerne les prestations de services, mentionnées au c) du 2, lors de l'encaissement des acomptes, du prix ou de la rémunération.

9. Au cours de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL Groupe Mercurys Finance, qui exerce une activité de vente et de location de matériels de voirie, le service vérificateur a constaté une insuffisance de déclaration, par cette société, de la taxe sur la valeur ajoutée collectée par elle au titre de la période allant du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015, un montant de 69 173 euros ayant été identifié par le service comme ayant été omis et les écritures comptables de la SARL Groupe Mercurys Finance ayant permis de corroborer ce montant de taxe collectée omise. La société requérante ne conteste pas l'insuffisance de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée collectée qui lui est imputée. Si, par une décision du 25 mai 2018, antérieure à la saisine du tribunal administratif, l'administration, acceptant de tenir compte de régularisations opérées sur des déclarations postérieures, a prononcé un dégrèvement de 69 614 euros en droits, ce dégrèvement, dont se prévaut la SARL Groupe Mercurys Finance, d'une part, a eu pour objet de remédier à une situation de double taxation, d'autre part, n'a pas remis en cause le surplus des rappels de taxe sur la valeur ajoutée maintenus à la charge de cette société au titre de la période allant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2015. Par suite, en faisant état de ce dégrèvement, la SARL Groupe Mercurys Finance ne conteste pas utilement les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, restant en litige, qui ont été mis à sa charge en conséquence d'une insuffisance de taxe collectée et de la remise en cause de la déductibilité de la taxe ayant grevé des dépenses d'entretien de véhicules, ainsi que des achats de matériels électriques et de carrelage, qu'elle a exposés. Pour les motifs énoncés aux points 4 à 6, sa contestation du bien-fondé de ces rappels ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne les suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :

10. La SARL Groupe Mercurys Finance ne présente pas de moyens distincts de ceux soulevés par elle pour contester les suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie en conséquence de la remise en cause de la déductibilité, en tant que charges, des dépenses d'entretien de véhicules, des achats de matériels électriques et de carrelage ainsi que des rémunérations qu'elle a versées à un ancien salarié. Pour les motifs énoncés aux points 4 à 7, ces moyens ne sont pas fondés.

Sur l'intérêt de retard appliqué en matière de taxe sur la valeur ajoutée :

11. Pour prononcer la décharge des intérêts de retard afférents au rappel de droits de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 69 614 euros qui a fait l'objet d'un dégrèvement le 25 mai 2018, avant l'introduction de la demande de première instance, le tribunal administratif a estimé qu'il ne résultait pas de l'instruction que ces intérêts avaient eux-mêmes fait l'objet d'un dégrèvement. En faisant valoir que ce dégrèvement, destiné à corriger une situation de double imposition, a laissé subsister d'autres rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant d'une insuffisance de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée collectée par la SARL Groupe Mercurys Finance et que le service était fondé à majorer des intérêts de retard dans les conditions prévues au IV de l'article 1727 du code général des impôts, le ministre ne critique pas utilement le motif de décharge retenu par le tribunal administratif. Par suite, les conclusions qu'il présente, par la voie de l'appel incident, en ce qu'elles tendent à ce que soient remis à la charge de la SARL Groupe Mercurys Finance les intérêts de retard dont la décharge a été prononcée par les premiers juges, doivent être rejetées.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis. ".

En ce qui concerne la majoration pour manœuvres frauduleuses :

13. D'une part, l'administration a appliqué la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts, en cas de manœuvres frauduleuses, aux suppléments d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée consécutifs à la remise en cause de la déduction des dépenses de réparation des véhicules appartenant à son gérant, ainsi que des dépenses afférentes à l'achat de matériels électriques et de carrelage et à un achat chez un bijoutier, de même qu'aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible afférents à ces dépenses.

14. Pour justifier l'application de cette majoration aux suppléments d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de ce chef de rectification, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification adressée le 23 juin 2016 à la SARL Groupe Mercurys Finance, que cette société avait, de façon systématique, porté en comptabilité, en tant que charges, des dépenses dont elle ne pouvait ignorer qu'elles étaient engagées, non dans l'intérêt de l'entreprise, mais dans l'intérêt personnel de son gérant et qu'elle avait justifié l'une de ces écritures, celle correspondant à l'achat effectué auprès d'un bijoutier, en présentant une facture fictive émise par un prétendu fournisseur. Si la justification d'une écriture comptable au moyen d'une facture fictive constitue, par elle-même, une manœuvre frauduleuse, quand bien même l'entreprise qui a porté cette écriture en comptabilité n'est pas l'auteur de cette facture, le comportement consistant, pour la SARL Groupe Mercurys Finance, à réduire indûment sa charge fiscale en pratiquant, de manière systématique, des déductions non justifiées au niveau de ses résultats imposables et en matière de taxe sur la valeur ajoutée, présente le caractère, non pas d'agissements destinés à égarer l'administration dans son pouvoir de contrôle, mais de manquements délibérés. Par suite, le ministre est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que des manœuvres frauduleuses ne pouvaient pas être imputées à la SARL Groupe Mercurys Finance en ce qui concerne la dépense couverte par la facture émise par le bijoutier et a substitué, en ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la réintégration de cette facture, à la majoration de 80 % prévue, en cas de manœuvres frauduleuses, par le c. de l'article 1729 du code général des impôts, la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de ce même article. En conséquence, le ministre est fondé, par la voie de l'appel incident, à demander que la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts soit, dans cette seule mesure, remise à la charge de la SARL Groupe Mercurys Finance.

15. D'autre part, l'administration a également appliqué la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts aux suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause de la déductibilité d'amortissements se rapportant à un véhicule électrique qui est demeuré inscrit à son actif immobilisé malgré sa vente à une tierce personne, non constatée par une écriture comptable.

16. Pour justifier l'application de cette majoration aux suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de ce chef de rectification, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification adressée le 23 juin 2016 à la SARL Groupe Mercurys Finance, que cette société avait maintenu le véhicule électrique en cause dans l'actif de l'entreprise et avait ensuite porté des écritures d'amortissement, alors même que ce véhicule avait été cédé à une tierce personne, concomitamment à son achat, le 10 octobre 2012, auprès du fournisseur. L'administration fait également valoir que cette revente à un tiers n'a fait l'objet d'aucune inscription en comptabilité et qu'aucun flux financier portant sur cette opération n'y est retracé. Enfin, l'administration relève que cette vente dissimulée n'a pu être découverte par le service que dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès des services de la préfecture et de cette cliente. Compte tenu de ces éléments, que le ministre reprend dans ses écritures d'appel, et alors que l'enchaînement des faits révèle que la SARL Groupe Mercurys Finance avait, dès l'acquisition de ce véhicule électrique, l'intention de ne pas l'inscrire dans son actif immobilisé mais de le céder et qu'en immobilisant celui-ci, elle a entendu créer une apparence justifiant artificiellement la déduction d'amortissements, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de la mise en œuvre, par cette société, d'un procédé destiné à égarer l'administration dans son pouvoir de contrôle, sans qu'ait d'incidence, sur ce point, la circonstance, invoquée par la SARL Groupe Mercurys Finance, qu'elle n'aurait finalement pas perçu le prix réclamé en espèces à sa cliente. C'est donc à bon droit que l'administration a fait application à ce chef de rehaussement de la pénalité prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts.

En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :

17. D'une part, l'administration a appliqué la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts, en cas de manquement délibéré, aux suppléments d'impôt sur les sociétés consécutifs à la remise en cause de la déduction de rémunérations ou indemnités versées à un ancien collaborateur, à qui cette société a, selon ses déclarations, confié à titre transitoire des prestations de maintenance de son système informatique.

18. En faisant seulement valoir, dans la proposition de rectification adressée le 23 juin 2016 à la SARL Groupe Mercurys Finance, dont le ministre s'approprie les termes sur ce point, que cette société a délibérément déduit de ses résultats imposables, à deux reprises, des sommes versées à un ancien salarié, non immatriculé en tant que travailleur indépendant au registre du commerce, sans être en mesure de justifier de la réalité des prestations de maintenance réalisées par celui-ci en contrepartie de ces versements, ainsi que des remboursements de divers frais supportés par cet ancien salarié, l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui aurait animé la SARL Groupe Mercurys Finance et qui ne saurait être caractérisée, en l'espèce, par une insuffisance de justification de deux écritures portées en comptabilité, à un intervalle de cinq mois, en ce qui concerne des opérations de même nature et pour des montants modestes. Par suite et dès lors que le ministre ne demande pas qu'une majoration procédant d'un autre fondement juridique y soit substituée, la SARL Groupe Mercurys Finance est fondée à demander la décharge de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts, qui a été appliquée par l'administration aux suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de ce chef de rectification.

19. D'autre part, l'administration a également appliqué la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause d'une déduction de taxe que la SARL Groupe Mercurys Finance a indûment pratiquée sur une acquisition intracommunautaire effectuée auprès d'une entreprise exerçant en Belgique.

20. Le service vérificateur a relevé, dans la proposition de rectification adressée le 23 juin 2016 à la SARL Groupe Mercurys Finance, que cette société a justifié cette déduction de taxe en substituant au nom du véritable émetteur belge de la facture régulière correspondant à cette acquisition intracommunautaire celui d'un fournisseur français qui n'est aucunement intervenu dans cette opération et que cette substitution, qui lui a permis de récupérer indûment de la taxe sur la valeur ajoutée et n'a pu être mise à jour que par l'exercice, par le service, de son droit de communication auprès de la banque et du fournisseur français mentionné dans les écritures comptables afférentes à cette opération, ne peut résulter d'une simple erreur d'imputation. Ce faisant, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée qui a animé la SARL Groupe Mercurys Finance d'éluder l'impôt. Les circonstances, invoquées par la SARL Groupe Mercurys Finance, que cette déduction n'aurait entraîné, par elle-même, aucun préjudice au Trésor et qu'elle était susceptible de justifier le prononcé de l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts demeurent, en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé de cette majoration. C'est donc à bon droit que l'administration a fait application à ce chef de rehaussement de la majoration prévue, en cas de manquement délibéré, au a. de l'article 1729 du code général des impôts. Enfin, la SARL Groupe Mercurys Finance n'est pas fondée à invoquer les énonciations du paragraphe n°20 de la doctrine administrative publiée le 13 mai 2013 sous la référence BOI-BIC-BASE-40-10, ni celles du paragraphe n°30 de la doctrine administrative publiée le 8 mars 2017 sous la référence BOI-CF-INF-10-20-20, ni même celles du paragraphe n°90 de la doctrine administrative publiée le 6 mai 2015 sous la référence BOI-CF-INF-20-20, dès lors que ces énonciations ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont le présent arrêt fait application.

Sur l'amende pour absence de désignation du bénéficiaire d'une distribution :

21. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Aux termes de l'article 1759 de ce code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ". Lorsqu'une société est invitée par l'administration à désigner le bénéficiaire de sommes réintégrées dans ses résultats, la réponse qu'elle donne ne peut être assimilée à un défaut de réponse lorsqu'elle n'est pas dénuée de vraisemblance.

22. Si le ministre, en faisant état du dégrèvement, mentionné au point 3, que l'administration a prononcé le 6 janvier 2021, en cours d'instance d'appel, fait valoir qu'il n'existerait plus de litige afférent à l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, il ressort des mentions de l'avis de dégrèvement correspondant que ce dégrèvement a été prononcé, en pénalités, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, et qu'il ne concerne, dès lors, pas l'amende infligée à la SARL Groupe Mercurys Finance sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. Il y a donc lieu de statuer sur les conclusions de la SARL Groupe Mercurys Finance tendant à la décharge de cette amende.

23. Pour infliger cette amende à la SARL Groupe Mercurys Finance, l'administration a relevé qu'en revendant à une tierce personne, dès son achat auprès d'un fournisseur, un véhicule électrique inscrit dans son actif immobilisé, sans que cette vente, ni aucun flux financier correspondant, n'aient été retracés dans sa comptabilité, cette société avait non seulement déduit indûment des amortissements de ses résultats imposables mais avait, en outre, nécessairement procuré un avantage, revêtant la nature d'un revenu distribué, à un tiers non identifié. Dans la proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 23 juin 2016, l'administration a demandé à la SARL Groupe Mercurys Finance de désigner ce bénéficiaire. La SARL Groupe Mercurys Finance a apporté, dans le délai qui lui avait été imparti, une réponse à cette demande, en désignant, à titre conservatoire, son gérant. L'administration, regardant cette réponse comme dénuée de vraisemblance, a décidé d'infliger à la société l'amende, égale à 100 % des sommes distribuées, prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

24. Toutefois, la SARL Groupe Mercurys Finance, qui a engagé une procédure judiciaire dans le but d'obtenir, auprès de la personne qui lui a acheté ce véhicule, le paiement en espèces qu'elle lui avait réclamé et dont il n'est pas allégué qu'il serait inférieur au prix payé au fournisseur, ne peut être regardée comme ayant, dans le cadre de cette opération, octroyé un avantage à ce tiers, ni même à son gérant. Dans ces conditions, l'administration, qui n'a pas entendu écarter, comme ne lui étant pas opposable, la vente conclue entre la SARL Groupe Mercurys Finance et la personne ayant acquis le véhicule en cause, n'était pas fondée à estimer, par les éléments relevés au point précédent, que cette opération consistait à octroyer à un tiers non identifié un avantage occulte ayant la nature d'un revenu distribué, ni à adresser à la SARL Groupe Mercurys Finance la demande de désignation prévue par les dispositions précitées de l'article 117 du code général des impôts. Dès lors, c'est à tort que l'administration a infligé à la SARL Groupe Mercurys Finance l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. Par suite, la société requérante est fondée à demander la décharge de cette amende.

Sur le bénéfice de la cascade complète :

25. Aux termes de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales : " En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice, sauf demande expresse des contribuables, formulée dans le délai qui leur est imparti pour répondre à la proposition de rectification. (...) ".

26. Il ne résulte pas de l'instruction que la SARL Groupe Mercurys Finance aurait, ce qu'elle ne soutient d'ailleurs pas, formulé, dans le délai de trente jours qui lui était imparti pour répondre à la proposition de rectification qui lui a été adressée le 23 juin 2016, le bénéfice des dispositions précitées de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales. Si elle soutient que cette proposition de rectification ne l'aurait pas informée de la possibilité de former cette demande ni du délai dont elle disposait pour ce faire, il ressort des mentions mêmes de ce document que ce moyen manque en fait. Dès lors, l'administration était fondée à ne pas mettre en œuvre le mécanisme prévu par ces dispositions.

27. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la SARL Groupe Mercurys Finance est fondée à soutenir, dans la seule mesure de ce qui a été dit aux points 18 et 24, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande et, d'autre part, que le ministre est seulement fondé à demander que la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses, dont ont été assorties les impositions supplémentaires relatives au chef de rectification mentionné au point 14, à laquelle ce même jugement a substitué la majoration de 40 % pour manquement délibéré, soit remise à la charge de la SARL Groupe Mercurys Finance. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, au titre des frais exposés par la SARL Groupe Mercurys Finance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Groupe Mercurys Finance, à concurrence du dégrèvement de 16 636 euros prononcé, en pénalités, en cours d'instance, en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

Article 2 : Il est accordé à la SARL Groupe Mercurys Finance la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée aux suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration des rémunérations ou indemnités versées à son ancien salarié et présentées comme la contrepartie de prestations de maintenance de son système informatique.

Article 3 : La majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses que l'administration a appliquée aux impositions supplémentaires relatives au chef de rectification mentionné au point 14 et à laquelle le jugement attaqué a substitué la majoration de 40 % pour manquement délibéré, est remise à la charge de la SARL Groupe Mercurys Finance.

Article 4 : La SARL Groupe Mercurys Finance est déchargée de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Article 5 : Le jugement n° 1802434 du 2 juin 2020 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Groupe Mercurys Finance et de l'appel incident du ministre est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Groupe Mercurys Finance et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 30 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2022.

Le rapporteur,

J.-F. PapinLe président de chambre,

C. HeuLa greffière,

N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

1

2

N°20DA01163

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01163
Date de la décision : 12/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BABELA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-07-12;20da01163 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award