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23/06/2022 | FRANCE | N°22DA00404

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 23 juin 2022, 22DA00404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays renvoi. Il demandait également qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à com

pter du jugement ou à défaut de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travaille...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays renvoi. Il demandait également qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter du jugement ou à défaut de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler dans l'attente du réexamen de sa demande de titre, et ce dans un délai de huit jours à compter du jugement.

Par un jugement n° 2102537 du 25 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2022, M. A..., représenté par Me Caroline Inquimbert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler dans les huit jours suivant la notification de l'arrêt jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur son admission au séjour, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre méconnaît les articles R. 311-2-2 et L.111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît aussi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du 25 janvier 2022.

La clôture de l'instruction a été fixée au 3 mai 2022 à 12 heures par ordonnance du 11 avril 2022.

Un mémoire en défense du préfet de la Seine-Maritime a été enregistré le 23 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., de nationalité malienne, est entré en France fin décembre 2018 selon ses déclarations. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance par jugement du 18 avril 2019. Il a sollicité un titre de séjour le 26 mai 2020. Le préfet de la Seine-Maritime a rejeté cette demande par un arrêté du 12 mars 2021, portant également obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 25 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant, à ce que cet arrêté soit annulé et à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte temporaire de séjour, ou à défaut un récépissé l'autorisant à travailler.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ". Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

3. Aux termes de l'article R. 313-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants ". Le premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil prévoit que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

4. En l'espèce, M. A... a présenté à l'appui de sa demande de titre un acte de naissance et un jugement supplétif du tribunal civil de Diéma (République du Mali) du 13 juillet 2018 attestant qu'il est né le 22 avril 2002. Pour renverser la présomption d'authenticité de ces actes d'état-civil, le préfet de la Seine-Maritime, qui n'était pas tenu, contrairement à ce que soutient l'appelant, de saisir les autorités maliennes aux fins de vérification de l'authenticité de ces actes, s'est fondé sur les rapports d'analyse en fraude documentaire de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Seine-Maritime qui conclut que ces documents sont apocryphes. Il ressort de ces rapports que le timbre humide apposé sur le jugement supplétif est contrefait, la devise de la République du Mali qui y est reproduite ne comprenant pas de " F " majuscule au mot " foi ". Il ressort également de ces rapports que l'acte de naissance, outre qu'il a pu être obtenu sur la base d'un jugement supplétif contrefait, est également apocryphe en ce que le mode d'impression utilisé n'est pas conforme par rapport à un document authentique, que la mise en page n'est pas non plus conforme et que le mode d'impression utilisé pour la numérotation ne l'est pas plus. Il ressort enfin de ces rapports que l'extrait d'acte de naissance, également produit par l'intéressé est également contrefait au motif que le mode d'impression du fond d'impression et des mentions pré-imprimées n'est pas réalisé en procédé offset comme sur un document authentique, que le document est établi dans un centre principal d'état-civil mais que le signataire a la qualité de troisième adjoint, alors que les adjoints sont uniquement des officiers d'état-civil des centres secondaires. Le rapport d'analyse documentaire note encore que l'extrait ne comporte pas de numéro d'identification de son bénéficiaire. Si l'appelant soutient que ces non-conformités ne constituent pas des anomalies au Mali, il n'apporte aucun élément au soutien de ces allégations autres que des décisions de la juridiction administrative qui, concernant d'autres personnes que l'appelant, ne peuvent avoir autorité de la chose jugée pour la présente instance. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 3 ne peut qu'être écarté.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été confié à l'aide sociale à l'enfance par jugement du 18 avril 2019, à l'âge de dix-sept ans jusqu'au 22 avril 2020, après un refus d'accueil provisoire, le 21 janvier 2019, compte tenu de doute sur sa minorité. Il a été inscrit en préapprentissage au centre de formation des apprentis du bâtiment du 14 octobre 2019 au 2 avril 2020. Il a ensuite bénéficié d'un contrat d'apprentissage dans une autre discipline, en cuisine à compter du 1er septembre 2020. Il produit le témoignage de son maître d'apprentissage qui atteste qu'il donne entière satisfaction dans son travail. S'il a obtenu les encouragements du conseil de classe pour son premier semestre dans cette filière, son bulletin de notes fait également état de la nécessité de fournir un travail plus conséquent et d'un niveau de français insuffisant. Par ailleurs, si M. A... a fait état dans sa demande de titre du décès de son père, il ne l'établit pas et ne fait pas état de ce que ses liens avec sa famille dans son pays d'origine seraient faibles. Compte tenu de ces éléments, le préfet, qui pouvait refuser le titre demandé en raison de l'absence d'éléments probants justifiant de l'identité et de l'âge de l'intéressé, n'a, en tout état de cause, pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des dispositions de l'article L. 313-15 rappelées au point 2 en refusant un titre sur ce fondement à M. A....

6. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, M. A... n'apportant pas d'autres éléments sur son insertion et sur ses relations sur le territoire français que ceux mentionnés au point 5, et au regard de la durée de son séjour en France, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. A... ne peut qu'être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que le moyen tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour, base légale de l'obligation de quitter le territoire, ne peut qu'être écarté.

8. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. A... ne peuvent qu'être écartés.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

10. M. A... n'allègue, ni a fortiori n'établit que sa vie et sa sécurité seraient menacées en cas de retour dans son pays. Il n'établit pas, non plus, qu'il y serait isolé, sa mère et sa sœur résidant au Mali d'après sa demande de titre. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, sa requête, y compris ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Caroline Inquimbert.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail-Dellaporta, président-assesseur,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin La présidente de chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Marécalle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Marécalle

N° 22DA00404 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00404
Date de la décision : 23/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL MARY et INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-23;22da00404 ?
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