Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 2 mars 2018 par laquelle le directeur de l'institut départemental ... lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à l'institut départemental ... de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de prendre en charge toutes les procédures mises en œuvre contre les auteurs du harcèlement moral dont il fait l'objet, d'enjoindre à l'institut départemental ... de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires afin de sanctionner disciplinairement les auteurs du harcèlement moral dont il fait l'objet, de condamner l'institut départemental ... à lui verser une somme de 35 000 euros en réparation du préjudice subi, de condamner l'institut départemental ... à lui verser une somme de 256,86 euros au titre des frais engagés à la suite de l'accident de service survenu le 18 octobre 2017, de condamner l'institut départemental ... aux dépens et de mettre à la charge de l'institut départemental ... une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1803760 du 11 mars 2021 le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 2 mars 2018 par laquelle le directeur de l'institut départemental ... a refusé à M. C... le bénéfice de la protection fonctionnelle et a enjoint au directeur de l'institut départemental ... de transmettre la demande de protection fonctionnelle présentée par M. C... le 26 janvier 2018 au directeur général de l'agence régionale de santé des Hauts-de-France, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement. Il a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. C... et les conclusions présentées par l'institut départemental ... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 mai 2021, 7 février et 2 mars 2022 M. B... C..., représenté par Me Dewattine, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'institut départemental ..., à lui verser la somme de 35 000 euros au titre du préjudice subi ;
2°) de désigner, avant dire droit, un expert aux fins de statuer sur son état de santé ;
3°) de condamner l'institut départemental ... à lui verser une somme de 35 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;
4°) de mettre à la charge de l'institut départemental ... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal en estimant qu'aucun des faits n'était de nature à caractériser une situation de harcèlement moral a dénaturé et minimisé les faits ; or, c'est l'accumulation de l'ensemble de ces faits qui permet de caractériser une telle situation ;
- le tribunal a éludé les éléments de contexte ;
- le climat au sein de l'institut était délétère compte tenu de la peur de certains agents et des craintes de parents usagers du service comme l'a établi le cabinet Technologia.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 août 2021, 24 février et 11 mars 2022, l'institut départemental ..., représenté par Me Simoneau, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 25 février 2022 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 11 mars 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- l'arrêté du 6 mai 1959 relatif à la notation du personnel des établissements d'hospitalisation, de soins et de cure publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me Deleye, représentant M. B... C... et de Me Playoust, représentant l'institut départemental ....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C... a été recruté par l'institut départemental ... à compter du 1er avril 1989 en qualité d'infirmier diplômé d'état. A compter du 1er janvier 2007, il a été promu infirmier cadre de santé. A compter du 1er juillet 2015, il a été promu infirmier cadre supérieur de santé paramédical. Le 26 janvier 2018, il a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle, ainsi que la prise en charge de ses frais et l'indemnisation de son préjudice moral. Par une décision du 2 mars 2018, le directeur de cet établissement a rejeté cette demande. Par un jugement du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a notamment annulé cette décision, a enjoint au directeur de l'institut départemental ... de transmettre la demande de protection fonctionnelle au directeur général de l'agence régionale de santé des Hauts-de-France et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. C.... Ce dernier demande la réformation de ce jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'institut départemental ... à lui verser la somme de 35 000 euros au titre du préjudice moral subi, et demande à la cour de désigner, avant dire droit, un expert aux fins de statuer sur son état de santé.
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...) ".
3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
4. M. C... soutient que ses conditions de travail ont commencé à se dégrader à compter de fin 2015. Il fait valoir qu'il a fait l'objet d'entretiens répétés, a été publiquement humilié le 30 septembre 2015 et a fait l'objet d'une agression verbale en décembre 2015. Il indique également qu'il lui a été reproché de ne pas remplir ses missions alors qu'il n'avait pas d'accès aux programmes informatiques qui lui étaient nécessaires. Il relève que sa notation pour 2017 a été gelée sur proposition de Mme A... alors que celle-ci dispose du même grade que lui et n'est pas sa supérieure hiérarchique. Il soutient que le 24 juillet 2017, il a été transféré dans un petit bureau de moins de 8 m², peu éclairé de l'extérieur, sans connexion internet, avec un minimum de fournitures. Il indique que son état de santé s'est progressivement dégradé avec un début d'état dépressif qui l'a amené à une tentative d'autolyse. Ces faits sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.
5. Toutefois, il résulte de l'instruction que si M. C... et Mme A... avaient le même grade de cadre supérieur, Mme A... avait la fonction de coordonnateur des soins et M. C... de coordonnateur adjoint et Mme A... était sa supérieure hiérarchique bien que cela ne figure pas sur l'organigramme de l'établissement. Aussi son avis écrit était nécessaire, en application de l'article 2 de l'arrêté du 6 mai 1959 relatif à la notation du personnel des établissements d'hospitalisation, de soins et de cure publics, avant qu'il soit procédé à la notation. Les évaluations réalisées en 2015, 2016 et 2017 établissent les lacunes et insuffisances de M. C... dans sa fonction de cadre supérieur. Le gel de sa notation pour l'année 2017 paraît justifié alors d'ailleurs que, lors de la réunion de la commission administrative paritaire locale saisie par M. C..., ses membres se sont prononcés à l'unanimité en faveur du maintien de sa note. Différents entretiens ont dû être tenus avec l'intéressé par les membres de la direction pour mettre en place des pistes d'amélioration de son comportement face aux difficultés d'apprentissage et d'adaptation qu'il rencontrait pour mener à bien en toute autonomie les dossiers qui lui étaient confiés. Le compte-rendu de la réunion du 30 septembre 2015 ne relate aucun incident et aucun élément suffisant n'est versé par l'intéressé qui permettrait d'établir l'existence d'une quelconque humiliation publique dont il allègue avoir fait l'objet. En décembre 2015, loin de se livrer à une agression verbale, Mme A... s'est bornée à rappeler à son adjoint son obligation d'information à la suite d'un incident grave impliquant un résident survenu le 30 novembre 2015. Par ailleurs, M. C... avait accès aux bases de données informatiques telle " Cortexte V7 " en version base de test, mais pas à la version de production qui était encore en cours de paramétrage, permettant ainsi tous les accès à toutes les données lui permettant de mener à bien ses missions. Il a toujours eu accès à son propre planning et le logiciel Chronos de gestion du temps de travail attribué aux cadres pour la gestion des plannings des agents n'est pas utilisé dans le cadre de la gestion des indisponibilités et des contraintes des cadres d'astreinte. M. C... n'était pas dans un endroit isolé de l'établissement mais à l'étage de la direction des soins et de la direction des ressources humaines. Si son nouveau bureau comportait une superficie inférieure à celle qu'il occupait précédemment et ne répondait pas, en termes de surface, à la norme NF X-35-102 relative à la conception ergonomique des espaces de travail en bureaux, il devait constituer une solution temporaire, selon les dires non contestés de l'institut départemental ..., un bureau plus grand allant lui être proposé après le départ en retraite d'un agent. Aussi, il ne résulte pas de l'instruction que son affectation dans ce nouveau bureau aurait été dictée par la volonté de son employeur de dégrader ses conditions de travail. Mme A... invitait systématiquement M. C... à participer aux réunions de cadres mensuelles et à certaines autres réunions organisées au sein de l'établissement. Toutefois, M. C... s'est retiré de certains projets et, par suite, n'a plus participé aux réunions. Il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait ainsi été tenu à l'écart par sa hiérarchie. Ainsi, l'adaptation de son poste a été rendue nécessaire au regard des difficultés éprouvées dans l'exercice de ses précédentes fonctions sans pour autant qu'il ait fait l'objet d'une rétrogradation. La circonstance que M. C... ait connu une dégradation de son état de santé le conduisant à une tentative d'autolyse sur son lieu de travail le 18 octobre 2017, ne permet pas, par elle-même, d'établir que celle-ci aurait pour cause des faits de harcèlement moral. Si l'audit réalisé par le cabinet Technologia à la suite de cette tentative d'autolyse mentionne, selon ce qu'en rapporte un syndicat, des propos d'agents décrivant un management parfois perçu comme abrupt, l'ensemble des pièces du dossier, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir le rapport de ce cabinet et le bilan social 2017, évoque une ambiance générale de travail dégradée à compter de fin 2015 témoignant avant tout de difficultés relationnelles croissantes et de divergences de points de vue entre l'appelant et sa hiérarchie, sans pour autant révéler une situation susceptible de recevoir la qualification de harcèlement moral.
6. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que M. C... ait été victime d'agissements répétés de harcèlement moral exercés à son encontre, au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que l'institut départemental ... aurait eu un comportement fautif de nature à engager sa responsabilité à son égard. Ses conclusions indemnitaires doivent donc être rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de désigner, avant dire droit, un expert aux fins de statuer sur l'état de santé de M. C..., que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 11 mars 2021 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'institut départemental ..., à lui verser la somme de 35 000 euros. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme au titre des frais exposés par l'institut départemental ... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'institut départemental ... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à l'institut départemental ....
Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2022.
Le président-rapporteur,
Signé : M. D...
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C Marécalle
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C Marécalle
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N° 21DA01053