Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 13 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois.
Par un jugement n° 2103512 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, de celle fixant le pays de destination de cette mesure et de celle lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un mois, a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 février 2022 et 3 juin 2022, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les décisions faisant à M. C... obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination de cette mesure et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un mois ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen dans cette mesure.
Il soutient que :
- à la date des décisions contestées, l'intéressé n'était marié avec une ressortissante française que depuis le 23 novembre 2019 et il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prononcée en 2017 ; les décisions en litige ne méconnaissent ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens soulevés par M. C... devant les premiers juges à l'encontre de ces décisions ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2022, M. C..., représenté par Me Djehanne Elatrassi-Diome, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le moyen soulevé par le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé ;
- si la cour devait ne pas confirmer le moyen d'annulation retenu par les premiers juges, il reprend les moyens qu'il a soulevés en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité algérienne, né le 17 juin 1988, a demandé le 29 juillet 2016 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 12 avril 2017 lui faisant également obligation de quitter le territoire français. Il s'est maintenu sur le territoire français et a demandé, le 3 février 2021, son admission au séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française à la suite de son mariage, le 23 novembre 2019, sur le fondement du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien et du 2° de l'article 6 du même accord. Par un arrêté du 13 août 2021, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 3 février 2022 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé les décisions du 13 août 2021 faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français, fixant le pays de destination de cette mesure et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois.
2. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., entré en France le 8 octobre 2015, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles, s'est marié avec une ressortissante française le 23 novembre 2019. La vie commune entre les époux n'est pas contestée depuis cette date. En outre, l'intéressé justifie, par des factures établies au nom des deux conjoints, et des témoignages produits, d'une vie commune antérieure au mariage depuis le mois de juillet 2018 ainsi que de perspectives sérieuses d'insertion professionnelle. Si l'intéressé n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, il justifie cependant de la réalité et de l'ancienneté de la communauté de vie avec son épouse depuis trois ans à la date des décisions en litige. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, et alors que le préfet de la Seine-Maritime, qui se borne à faire valoir que l'intéressé a établi sa vie familiale en se soustrayant à une mesure d'éloignement prononcée le 12 avril 2017 alors que cette décision est antérieure au mariage de l'intéressé et sans tenir compte de la vie commune antérieure à celui-ci a, en prononçant les décisions en litige, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 13 août 2021 en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixé le pays de destination de cette mesure et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
3. Le présent arrêt n'appelle pas d'autres mesures d'exécution que celles qui ont été prononcées en première instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- Mme Muriel Milard, première conseillère,
- Mme Anne Khater, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.
La rapporteure,
Signé : M. B...La présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
N°22DA00399 2