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09/06/2022 | FRANCE | N°21DA01339

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 09 juin 2022, 21DA01339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 avril 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par une ordonnance n° 2101768 du 20 mai 2021, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en

registrée le 16 juin 2021, M. B..., représenté par Me Saint-Cyr Modeste Goba, demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 avril 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par une ordonnance n° 2101768 du 20 mai 2021, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2021, M. B..., représenté par Me Saint-Cyr Modeste Goba, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 avril 2021 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a retenu à tort que le recours était tardif ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- il est entré régulièrement sur le territoire français et ne pouvait donc faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi viole l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La procédure a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit.

La clôture de l'instruction a été fixée au 22 novembre 2021 à 12 heures par ordonnance du 20 octobre 2021.

Les parties ont été informées que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'annulation éventuelle de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles ont été invitées à faire valoir leurs observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... B..., de nationalité nigériane, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, prononcée par arrêté du préfet de police de Paris, le 18 avril 2021, portant également fixation du pays de destination. Il relève appel de l'ordonnance du 20 mai 2021 par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision contestée devant le tribunal administratif d'Amiens : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant ". Sauf texte contraire, les délais de recours devant les juridictions administratives sont, en principe, des délais francs, leur premier jour étant le lendemain du jour de leur déclenchement et leur dernier jour étant le lendemain du jour de leur échéance, et les recours doivent être enregistrés au greffe de la juridiction avant l'expiration du délai. Par suite, et alors que les dispositions mentionnées ci-dessus ne s'y opposent pas, le délai de quinze jours qu'elles mentionnent doit être regardé comme un délai franc.

3. En l'espèce, M. B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur. Cette décision lui a été notifiée le 18 avril 2021, par l'intermédiaire d'un interprète. Le délai de recours a donc commencé à courir le 19 avril 2021 et expirait le 4 mai 2021 à minuit. Or, la requête a été enregistrée à cette date du 4 mai 2021 au tribunal administratif de Paris, qui l'a transmise au tribunal administratif d'Amiens, territorialement compétent, par ordonnance du président du tribunal administratif de Paris du 12 mai 2021. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le président de la deuxième chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande comme irrecevable car tardive. Par suite, l'ordonnance du 20 mai 2021 doit être annulée. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision contestée : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a prononcé une obligation de quitter le territoire français au motif que M. B... était dépourvu de document transfrontière, ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire français et était dépourvu de titre de séjour en cours de validité. Le préfet a donc entendu fonder sa décision sur le 1° du I de l'article L. 511-1. Toutefois, l'intéressé établit, au moyen de la production de son passeport, qu'il disposait d'un visa Schengen de court séjour à entrées multiples délivré par les autorités consulaires françaises à La Havane. Ce visa était valable du 1er décembre 2015 au 30 novembre 2016. Le passeport établit également que M. B... est entré en France par voie aérienne le 8 mai 2016. Il n'est donc pas démontré que l'intéressé ne soit pas entré régulièrement en France. Par suite, le préfet ne pouvait pas l'obliger à quitter le territoire français pour ce motif. M. B... est donc fondé à demander l'annulation de cette décision, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés contre celle-ci.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

6. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte.

7. La décision fixant le pays de destination a pour base légale la décision portant obligation de quitter le territoire dont le présent arrêt prononce l'annulation et M. B... avait formé des conclusions recevables contre la décision fixant le pays de destination. Par suite, il y a lieu d'annuler cette décision par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen soulevé par l'appelant à l'encontre de cette décision.

Sur les frais d'instance :

8. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 20 mai 2021 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif d'Amiens est annulée.

Article 2 : L'arrêté du 18 avril 2021 par lequel le préfet de police oblige M. B... à quitter le territoire français et fixe le pays de destination de cette mesure d'éloignement est annulé.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. B... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 25 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail-Dellaporta, président-assesseur,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 21DA01339 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01339
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : GOBA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-09;21da01339 ?
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