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02/06/2022 | FRANCE | N°20DA01069

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 juin 2022, 20DA01069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2012.

Par un jugement n°1710524 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux prononcé en c

ours d'instance et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2012.

Par un jugement n°1710524 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux prononcé en cours d'instance et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Roumazeille, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de leur accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, demeurant en litige, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2012 ;

3°) à titre subsidiaire, de fixer la valeur de l'avantage en nature imposable sur le fondement de l'article 62 du code général des impôts à 5 980 euros au titre des années 2010 et 2011 et à 498 euros au titre de l'année 2012 et de prononcer, en conséquence, la décharge correspondante, cette somme étant majorée des seuls intérêts de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- compte tenu de l'indivisibilité du bail commercial du 31 décembre 1999, tant pour sa partie commerciale que pour sa partie habitation, et de la configuration des locaux, l'intégralité des loyers, y compris la fraction relative à la partie habitation occupée par le gérant, constitue une charge professionnelle ; en conséquence, la taxe sur la valeur ajoutée correspondante est déductible dès lors que l'occupation de la partie habitation des locaux en cause par le gérant, qui est ainsi présent sur le site et exerce une activité de gardiennage des locaux professionnels, revêt un caractère professionnel ;

- en application du II de l'article 15 du code général des impôts, les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ;

- la valorisation des loyers retenue par l'administration est excessive ; l'administration ne pouvait se dispenser d'évaluer les locaux en cause par comparaison avec des surfaces d'habitation comparables ;

- l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée par l'administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 3 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est le gérant de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limité (EURL) C..., qui exerce une activité d'opticien dans les locaux d'un immeuble implanté à Lille. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause la déduction du bénéfice imposable des loyers afférents à la partie à usage d'habitation de cet immeuble qui est occupée par M. et Mme A.... En conséquence, l'administration a constaté l'existence d'avantages en nature, octroyés par l'EURL C... à M. et Mme A..., correspondant à cette prise en charge du loyer de l'habitation qu'ils occupent et a assujetti M et Mme A... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, au titre des années 2010, 2011 et 2012, en suivant la procédure de rectification contradictoire. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du jugement du 11 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, demeurant en litige, auxquelles ils ont en conséquence été assujettis au titre des années 2010 à 2012.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Il ressort des mentions de la proposition de rectification que l'activité de commerce d'optique de l'EURL C... est exercé dans un immeuble situé à Lille dont une partie est l'habitation principale du gérant de cette société. Le contrat de location entre la société civile immobilière propriétaire de l'immeuble et l'EURL C... concerne à la fois la partie professionnelle et la partie privative de l'immeuble. Il mentionne expressément que le bien est loué à usage d'habitation et de commerce. L'administration a estimé que seule la partie professionnelle affectée à la réalisation des opérations commerciales de l'EURL C... entrait dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et, pour déterminer la fraction de la taxe sur la valeur ajoutée effectivement déductible, a déterminé le coefficient d'assujettissement de l'immeuble au prorata de la superficie de l'immeuble affectée à la partie professionnelle, laquelle représente 103 m² sur une superficie totale de 211 m². L'administration a ainsi calculé un coefficient d'assujettissement de 0,488 qu'elle a appliqué à la taxe sur la valeur ajoutée sur les loyers comptabilisés, pour obtenir la part déductible de la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 2 362 euros au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. Par voie de conséquence, l'administration a calculé la part non-déductible de 2 478 euros par exercice, soit une rectification totale de 7 434 euros, que l'administration a également rapportée aux bénéfices industriels et commerciaux de la société en tant que profit sur le trésor. Parallèlement, l'administration a estimé que seule la partie professionnelle affectée à la réalisation des opérations commerciales de l'EURL C... pouvait être comptabilisée en tant que charge déductible dès lors que la partie habitation occupée par le gérant constituait une dépense personnelle de ce dernier et non une charge engagée dans l'intérêt de la société. L'administration a utilisé le coefficient de déductibilité calculé pour la taxe sur la valeur ajoutée pour déterminer la part déductible du loyer qu'elle a fixée à 12 052 euros par exercice. En conséquence, l'administration a rapporté aux bénéfices industriels et commerciaux de la société la part non déductible des loyers, soit 12 645 euros par exercice. Enfin, l'administration a regardé la prise en charge par l'EURL C... des loyers HT et de la taxe sur la valeur ajoutée comme un revenu distribué, d'un montant de 15 123 euros par an, imposable entre les mains de M. et Mme A... sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, soit 18 904 euros après application du coefficient de 1,25 prévu au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts.

3. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c) les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".

4. Lorsqu'une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société, d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la comptabilisation par l'EURL C... des loyers TTC de l'immeuble occupé par celle-ci ne distinguait pas, pour les exercices 2010 à 2012, la partie occupée par la société pour l'exercice de son activité commerciale et la partie occupée à titre d'habitation par son gérant. L'administration fait également valoir que la partie habitation constituait l'habitation principale du gérant de l'EURL C..., et que les locaux à usage d'habitation disposaient de compteurs d'eau et d'électricité indépendants. L'avantage en nature ainsi consenti à son gérant par l'EURL C... n'a fait l'objet ni d'une inscription explicite en comptabilité ni d'une inscription sur le relevé nominatif fourni à l'appui de ses déclarations de résultats.

6. En premier lieu, la circonstance, avancée par M. et Mme A..., que le bail commercial soit indivisible n'empêche pas de distinguer, pour l'application des règles fiscales, une partie affectée à l'exercice de l'activité commerciale de la société et une partie réservée à l'habitation principale du gérant.

7. En deuxième lieu, la circonstance que l'occupation de la partie habitation de l'immeuble en cause donne au gérant une plus grande disponibilité pour son activité professionnelle et lui permet d'exercer une surveillance des locaux commerciaux est, à elle seule, sans influence sur le bien-fondé des impositions en litige dès lors que M. et Mme A... ne sont pas des salariés de l'EURL C... chargés des fonctions de gardiennage de l'immeuble et astreints, à ce titre, à résider sur place.

8. En troisième et dernier lieu, à supposer que M. et Mme A... puissent être regardés comme invoquant à leur profit le II de l'article 15 du code général des impôts, qui prévoit que les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu, ce moyen est toutefois inopérant dès lors, d'une part, que cette exonération ne concerne que les revenus fonciers et, d'autre part, que s'ils sont bien les propriétaires de la société civile immobilière qui détient l'immeuble, cet immeuble a toutefois fait l'objet d'un bail commercial avec l'EURL C.... Par suite, ils ne peuvent être regardés comme s'étant réservé pour eux-mêmes la jouissance de cet immeuble.

9. Il résulte de ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de ce que l'EURL C... a octroyé à son gérant une libéralité constitutive d'un avantage en nature, sans qu'il soit comptabilisé comme tel, et qu'ainsi, elle a fait application, à bon droit, des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts.

Sur les conclusions subsidiaires :

10. M. et Mme A... demandent, à titre subsidiaire, que la valeur de l'avantage en nature imposable sur le fondement de l'article 62 du code général des impôts soit fixée à 5 980 euros au titre des années 2010 et 2011 et à 498 euros au titre de l'année 2012 et de prononcer, en conséquence, une réduction des impositions en litige, avec application uniquement des intérêts de retard, et se prévalent sur ce point d'une valorisation de la valeur locative de la partie habitation fondée sur une expertise qui fait ressort une valeur locative annuelle de 10 000 euros par an avant abattement. Toutefois, l'administration a pu, à bon droit, s'appuyer sur les énonciations du bail commercial pour déterminer la part non déductible des loyers au prorata des surfaces en se référant au loyer stipulé dans le bail commercial, sans avoir à faire une évaluation de la valeur du loyer de la partie habitation par comparaison avec des loyers d'habitations similaires. Par suite, les conclusions subsidiaires présentées par M. et Mme A... doivent être également rejetées.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

12. Pour justifier de l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré aux droits en litige, l'administration fait valoir que M. A..., qui est gérant tant de l'EURL C... que de la société civile immobilière propriétaire de l'immeuble donné à bail commercial, ne pouvait ignorer que l'EURL C... prenait en charge indument le loyer de la partie privative de l'immeuble qui constitue la résidence principale de son gérant alors qu'il résulte de la comptabilité de cette société qu'elle a régularisé, au titre de l'exercice antérieur à la période vérifiée, la taxe sur la valeur ajoutée déductible pour la partie habitation au 31 janvier 2009. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que M. A..., en qualité de gérant de l'EURL C..., avait connaissance de ce que la mise à disposition gratuite à son profit d'une partie de l'immeuble loué constituait un avantage en nature imposable à titre personnel. Ce faisant, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée, qui a été celle de M. et Mme A..., d'éluder le paiement de l'impôt dû.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires, demeurant en litige, auxquelles ils ont été assujettis.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions M. et Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 19 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

Le président, rapporteur,

Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°20DA01069 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01069
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : ROUMAZEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-06-02;20da01069 ?
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