La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2022 | FRANCE | N°21DA02017

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 25 mai 2022, 21DA02017


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 9 mars 2020 par lequel le maire d'l'a admise d'office à la retraite pour invalidité à compter du 1er mai 2020.

Par un jugement n° 2001591 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 9 mars 2020 et a enjoint au maire d'de procéder à la réintégration juridique de Mme A... dans les effectifs de la commune au 1er mai 2020, dans le délai de deux mois à compter du jugement.

Procédur

e devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 août 2021, la commune d', représentée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 9 mars 2020 par lequel le maire d'l'a admise d'office à la retraite pour invalidité à compter du 1er mai 2020.

Par un jugement n° 2001591 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 9 mars 2020 et a enjoint au maire d'de procéder à la réintégration juridique de Mme A... dans les effectifs de la commune au 1er mai 2020, dans le délai de deux mois à compter du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 août 2021, la commune d', représentée par Me Quentin André, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme A... était inapte à toutes fonctions et ne pouvait donc être reclassée ;

- au surplus la commune n'a pas méconnu son obligation de reclassement ;

- elle était en situation de compétence liée compte tenu de l'impossibilité de reclassement de l'intéressée, le moyen tiré du défaut de motivation est donc inopérant ;

- elle ne s'est pas sentie liée par l'avis de la commission de réforme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2022, Mme A..., représentée par Me Marie Verilhac, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune d', de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à défaut à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les avis des médecins spécialistes étaient de nature à remettre en cause l'expertise du médecin agréé comme l'avis de la commission de réforme ;

- il résulte des expertises médicales qu'elle n'est pas inapte à toutes fonctions ;

- l'expertise du médecin agréé était faussée par le certificat du maire attestant de l'impossibilité de la reclasser ;

- la commune n'a pas cherché à la reclasser ;

- l'arrêté de placement à la retraite n'était pas motivé ;

- le comité médical et la commission de réforme n'ont pas été consultés et subsidiairement, il n'est pas justifié de la régularité de leurs avis ;

- le maire s'est senti lié par l'avis de la commission de réforme.

Mme A... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 mars 2022.

La clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2022 à 12 heures par ordonnance du 30 mars 2022.

Des pièces ont été enregistrées pour Mme A..., représentée par Me Verilhac, le 2 mai à 14h50, après la clôture et n'ont pas été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... était adjointe territoriale d'animation de deuxième classe de la commune d'depuis le 1er juin 1995. A la suite de son congé de longue durée du 19 octobre 2010 au 18 octobre 2015, elle a été placée en disponibilité d'office. Par jugement du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Rouen, saisi par l'intéressée, a annulé le renouvellement de sa mise en disponibilité pour une période de cinq mois à compter du 20 avril 2016 au motif qu'elle n'était pas inapte aux fonctions exercées avant sa mise en disponibilité. Mme A... a été reclassée dans le corps des adjoints techniques territoriaux comme agent d'entretien à compter du 3 juillet 2017. A la suite d'un congé de maladie ordinaire du 12 juillet 2017 au 11 juillet 2018, Mme A... a de nouveau été placée en disponibilité d'office avant d'être admise, par arrêté du 9 mars 2020, à la retraite pour invalidité à compter du 1er mai 2020. Saisi par Mme A..., le tribunal administratif de Rouen a annulé cette dernière décision et a enjoint à la commune de procéder à sa réintégration juridique dans les effectifs de la commune à compter du 1er mai 2020, dans un délai de deux mois à compter du jugement. La commune relève appel de ce jugement du 25 juin 2021.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :

2. D'une part, aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande ". D'autre part, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en œuvre de ce principe implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé est déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions ou soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement ou sa mise à la retraite d'office si l'agent public en remplit les conditions.

3. En l'espèce, dans son avis du 9 mai 2019, la commission de réforme a considéré que Mme A... était inapte à toutes fonctions. Elle s'est fondée sur l'expertise du 19 mars 2019 d'un médecin agréé qui considère que l'intéressée souffre d'un " trouble de la personnalité dont l'absence de reconnaissance ne fait que confirmer l'inaptitude au poste d'animatrice et rend très difficile d'envisager un réel reclassement même si celui-ci n'est peut-être pas formellement impossible selon l'avis du dernier psychiatre ". Il conclut à l'inaptitude définitive à son poste d'animatrice et " qu'en l'absence certifiée par son employeur de possibilité de reclassement, elle doit pouvoir bénéficier d'une retraite pour invalidité ". Cette expertise s'est appuyée, comme elle le mentionne, sur les précédents avis médicaux recueillis qui, pourtant, ne concluaient pas à l'inaptitude à toutes fonctions de l'intéressée. En effet, l'expertise d'un rhumatologue du 7 septembre 2018 concluait uniquement à l'inaptitude aux fonctions d'agent d'entretien, poste dans lequel Mme A... avait été reclassée à compter du 3 juillet 2017, à l'issue de sa première disponibilité. Toutefois cette expertise notait également une absence d'inaptitude à toutes fonctions au plan rhumatologique, notamment à une fonction sédentaire. L'avis d'un psychiatre du 22 décembre 2017, demandé par le comité médical, note une amélioration depuis un an, estime qu'il est " difficile d'envisager une invalidité dans ces conditions " et qu'une reconversion administrative est " toujours souhaitable ". Il conclut " qu'il semble difficile de considérer qu'il existe une inaptitude totale et définitive à toutes fonctions ". Enfin, Mme A... a demandé à deux reprises, le 16 janvier 2017 et le 5 octobre 2020, ce dernier examen étant postérieur à la décision en litige mais faisant état de faits antérieurs, à un psychiatre hospitalier de donner son avis sur son affection psychiatrique et sur son aptitude. Ce dernier, aux termes de deux certificats très circonstanciés, atteste que Mme A... ne présente au jour de l'expertise, aucune pathologie psychiatrique avérée et que son état de santé ne justifie pas sa mise à la retraite pour invalidité. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas établi que Mme A... soit inapte à toutes fonctions, contrairement à ce que soutient la commune.

4. Néanmoins, le maire d'pouvait, en application de ce qui a été rappelé au point 2, admettre l'intéressée à la retraite pour invalidité si aucun emploi vacant ne pouvait lui être proposé. Le maire a attesté de cette impossibilité, le 24 septembre 2018, préalablement à l'expertise du médecin agréé et à l'avis de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Mais cette attestation est ancienne alors que pour apprécier les possibilités de reclassement sur un poste vacant pouvant être proposé au fonctionnaire, le juge administratif doit se placer à la date de la décision qui tire les conséquences de l'impossibilité de reclassement, soit en l'espèce au 9 mars 2020, date de l'arrêté de mise à la retraite. Pour établir cette impossibilité, la commune produit pour la première fois en cause d'appel la liste des postes vacants au 9 mars 2020, en arguant qu'aucun de ces postes ne pouvait convenir à Mme A.... Il ressort de cette liste qu'aucun poste n'était vacant dans le cadre d'emplois d'origine de Mme A..., celui des adjoints d'animation. Par ailleurs si cette liste comportait des postes d'adjoint technique territorial, cadre d'emploi de reclassement à compter du 3 juillet 2017, l'expertise médicale du 7 septembre 2018 concluait à l'inaptitude aux fonctions d'agent d'entretien et l'ensemble des avis médicaux préconisaient l'affectation sur un poste sédentaire ou administratif. Or les postes d'adjoint technique vacants concernaient des fonctions de serrurier ou d'agent de collecte des déchets en porte à porte, qui ne paraissent pas être compatibles avec l'état de santé de Mme A.... Les postes d'adjoint administratif territorial vacants s'adressaient à des agents détenteurs du grade de principal et nécessitaient des compétences spécifiques, tel le poste d'instructeur des autorisations du sol. Pour sa part d'ailleurs, Mme A... n'allègue pas qu'un des postes de cette liste aurait pu lui convenir et n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'un autre poste vacant, à la date de la décision, aurait pu lui être proposé. Elle se réfère uniquement à des vacances de poste antérieures à sa seconde période de mise en disponibilité ou des postes de reclassement qu'elle a refusés à la même époque en 2015. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la commune d'établit qu'elle ne pouvait proposer de postes vacants à Mme A.... Par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé, au motif qu'elle n'était pas inapte à tout poste et que la commune ne justifiait pas des refus opposés par Mme A... aux seules propositions de reclassement possibles, l'arrêté du 9 mars 2020 l'admettant à la retraite d'office pour invalidité. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

Sur les autres moyens de Mme A... :

5. L'arrêté du 9 mars 2020 vise les textes dont il fait application et se fonde sur l'avis favorable de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Il ressort également des pièces du dossier que cet arrêté a été adressé à l'intéressée accompagné de l'avis de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

6. Il ressort également des pièces du dossier que le comité médical départemental s'est prononcé favorablement, à deux reprises, les 7 septembre 2018 et 29 novembre 2019, pour le placement en disponibilité de Mme A... dans " l'attente d'un reclassement ou de la mise à la retraite pour invalidité par la commission de réforme ". Le moyen tiré d'un défaut de consultation du comité médical ne peut donc qu'être écarté.

7. Il ressort enfin des pièces du dossier que la commission de réforme a rendu un avis favorable à la mise à la retraite d'office de l'intéressée dans sa séance du 9 mai 2019, qui est d'ailleurs versé au dossier en annexe à l'avis de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Cet avis de la commission de réforme comporte la composition de la commission, la signature de ses membres et indique que l'intéressée a été invitée à prendre connaissance du dossier et a comparu devant la commission. Mme A... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude de ces mentions. Elle n'apporte pas plus de précision permettant d'apprécier le bien-fondé des moyens, à supposer qu'elle entende les soulever, tirés d'une irrégularité de la procédure devant le comité médical et d'une irrégularité dans la composition de la commission de réforme.

8. Enfin, contrairement à ce que fait valoir Mme A..., les éléments du dossier ne permettent pas de considérer que le maire d'se soit senti lié par l'avis de la commission de réforme. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d', qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme A... demande le versement à son conseil sur leur fondement. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune d'tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 juin 2021 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par Mme A... tant devant le tribunal administratif de Rouen que devant la cour administrative d'appel de Douai sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune d'présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié à la commune d', à Mme B... A... et à Me Marie Verilhac.

Délibéré après l'audience publique du 12 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2022.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Huls-Carlier

1

2

N° 21DA02017

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02017
Date de la décision : 25/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP BARON COSSE ANDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-25;21da02017 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award