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25/05/2022 | FRANCE | N°21DA00212

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 25 mai 2022, 21DA00212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Free Mobile a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 23 novembre 2017 par laquelle le maire de Coudekerque-Branche a fait opposition à une déclaration préalable de travaux portant sur l'édification d'une station-relais de téléphonie mobile sur une parcelle cadastrée BH 14 située 30 Pont de Steendam ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision.

Par un jugement n° 1803212 du 3 décembre 2020, le tribunal administrat

if de Lille a annulé ces deux décisions du maire de Coudekerque-Branche.

Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Free Mobile a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 23 novembre 2017 par laquelle le maire de Coudekerque-Branche a fait opposition à une déclaration préalable de travaux portant sur l'édification d'une station-relais de téléphonie mobile sur une parcelle cadastrée BH 14 située 30 Pont de Steendam ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision.

Par un jugement n° 1803212 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé ces deux décisions du maire de Coudekerque-Branche.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er février 2021, la commune de Coudekerque-Branche, représentée par Me Julien Robillard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement,

2°) de mettre à la charge de la société Free Mobile la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet de la société Free Mobile méconnaît l'article 5 de la charte de l'environnement ;

- elle sollicite une substitution de motifs en ce qu'il méconnaît l'article Ne-10 du règlement du plan local d'urbanisme et l'article Ne-11 du même règlement.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2021, la société Free Mobile, représentée par Me Pascal Martin, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Coudekerque-Branche de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré, présidente,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Julien Robillard, représentant la commune de

Coudekerque- Branche.

Considérant ce qui suit :

1. La société Free Mobile a déposé le 24 octobre 2017 une déclaration préalable pour l'édification d'une station-relais de téléphonie mobile sur une parcelle cadastrée BH 14 située 30 Pont de Steendam à Coudekerque-Branche. Le maire de cette commune a fait opposition à cette déclaration par une décision du 23 novembre 2017, avant de rejeter le recours gracieux formé le 15 janvier 2018 contre cette décision par la société Free Mobile. Saisi par cette dernière, le tribunal administratif de Lille a annulé ces deux décisions par un jugement du 3 décembre 2020 dont la commune relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour s'opposer à la déclaration préalable effectuée par la société Free Mobile, la commune de Coudekerque-Branche s'est fondée sur la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article Ne 1 du règlement de son plan local d'urbanisme. Dans la présente instance, la commune, qui ne conteste pas le jugement attaqué en ce qu'il a accueilli les moyens soulevés par la société Free Mobile tirés de la méconnaissance de ces deux articles, demande qu'il soit procédé à une substitution de motifs, en se prévalant des dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement et de celles des articles Ne 10 et Ne 11 du règlement de son plan local d'urbanisme.

3. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existante à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

4. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la Charte de l'environnement : " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. ". Aux termes de l'article 5 de la même charte : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ".

5. Il résulte de ces dispositions que le principe de précaution s'applique aux activités qui affectent l'environnement dans des conditions susceptibles de nuire à la santé des populations concernées. En outre, s'il appartient à l'autorité administrative compétente de prendre en compte le principe de précaution lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme, les dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement ne permettent pas, indépendamment des procédures d'évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d'être mises en œuvre par les autres autorités publiques dans leur domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'absence d'éléments circonstanciés faisant apparaître, en l'état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus.

6. En l'espèce, si l'appelante soutient que le projet présente des risques en raison de son installation en terre à moins de 100 mètres d'habitations, elle se prévaut, sans le produire ni le citer, d'un rapport du 22 janvier 2001 établi à la demande du directeur général de la santé et produit à l'appui de ses allégations une résolution adoptée le 27 mai 2011 par l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur le " danger potentiel des champs électromagnétiques et leur effet sur l'environnement ", des extraits d'un rapport parlementaire sur une proposition de loi déposée le 8 janvier 2014 au bureau de l'Assemblée nationale, un avis du 20 juin 2016 de l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) sur l'exposition des enfants aux radiofréquences, lequel ne traite d'ailleurs pas spécifiquement des ondes émises par des stations relais de téléphonie mobile, ainsi qu'une brochure éditée par l'association Santé Environnement France.

7. Toutefois, les éléments contenus dans ces documents ne sont pas suffisamment circonstanciés pour établir qu'en l'état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, seraient de nature à faire obstacle au projet de la société Free Mobile alors que, d'une part, cette dernière se prévaut d'avis émis en 2009 par l'Académie nationale de médecine et en 2015 par le comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux concluant à l'absence d'effet sanitaire des ondes électromagnétiques émises par des stations relais de téléphonie mobile dans le respect des seuils réglementaires et que, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la station litigieuse serait susceptible d'émettre des ondes excédant les seuils d'exposition fixés par la réglementation en vigueur. Par ailleurs, si l'appelante évoque les risques particuliers liés à la mise en œuvre de la technologique " 5G ", il ne ressort pas des pièces du dossier que la station litigieuse sera équipée de cette technologie.

8. Dans ces conditions, la commune de Coudekerque-Branche n'est pas fondée à soutenir que le motif tiré de la méconnaissance de l'article 5 de la Charte de l'environnement est de nature à fonder légalement la décision d'opposition litigieuse.

9. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme : " Les destinations de constructions sont : / 1° Exploitation agricole et forestière ; / 2° Habitation ; / 3° Commerce et activités de service ; / 4° Equipements d'intérêt collectif et services publics ; / 5° Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire ". D'autre part, en vertu de l'article Ne 1 du règlement du plan local d'urbanisme de Coudekerque-Branche, sont autorisées dans la zone Ne " la création et l'extension des constructions nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ". En outre, aux termes de l'article Ne 10 du même règlement : " pour les constructions à usage d'activités, la hauteur absolue est fixée à 12 mètres ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la société Free Mobile consiste en l'édification, sur une parcelle classée en zone Ne par le règlement du plan local d'urbanisme de Coudekerque-Branche, d'une station relais composée, d'une part, d'un " pylône monotube de 35 mètres de haut " équipé d'un " système antennaire ", de " deux paraboles " et d'un " paratonnerre " et, d'autre part, de trois " armoires techniques " équipées d'un branchement aux réseaux électroniques et de télécommunications. Dès lors et en l'absence de dispositions particulières contraires du règlement du plan local d'urbanisme de Coudekerque-Branche, cette station relais doit être regardée comme un équipement d'intérêt collectif au sens des dispositions précitées de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme et de l'article Ne 1 de ce règlement et non, comme le soutient la commune, comme une construction à usage d'activités, qu'il s'agisse d'activité agricole, commerciale ou d'autres activités secondaires ou tertiaires.

11. Il s'ensuit que la commune de Coudekerque-Branche n'est pas fondée à soutenir que le motif tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article Ne 10 est de nature à fonder légalement la décision d'opposition litigieuse.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article Ne 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Coudekerque-Branche : " (...) Clôtures / (...) / b) Les clôtures doivent se rattacher de manière explicite à l'architecture de la construction principale de l'immeuble dont elles délimitent la parcelle et s'insérer harmonieusement dans son environnement paysager / c) Les clôtures sont constituées : / - soit d'un mur plein traité dans les mêmes matériaux que le bâtiment / - soit d'une haie végétale ou d'un dispositif à claire voie obligatoirement doublé d'une haie végétale composée d'essences variées parmi celles proposées en annexe (...) ".

13. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions qu'elles s'appliquent aux clôtures qui délimitent des parcelles, et non aux clôtures qui ne sont pas construites en limite parcellaire. Or il ressort des pièces du dossier que le projet ne sera pas construit en limite parcellaire. Par suite, la commune de Coudekerque-Branche n'est pas fondée à soutenir que le motif tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article Ne 11 du règlement de son plan local d'urbanisme serait de nature à fonder la décision d'opposition litigieuse.

14. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des motifs dont la commune demande la substitution à ceux mentionnés dans la décision d'opposition du 23 novembre 2017 ne sont de nature à fonder cette décision. Par suite, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et, par voie de conséquence, la décision rejetant le recours gracieux formé par la société Free Mobile.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Free Mobile, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la commune de Coudekerque-Branche et non compris dans les dépens.

16. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Coudekerque-Branche le versement d'une somme de 2 000 euros à la société Free Mobile au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Coudekerque-Branche est rejetée.

Article 2 : La commune de Coudekerque-Branche versera à la société Free Mobile une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Coudekerque-Branche et à la société Free Mobile.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 3 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- Mme Naïla Boukheloua, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2022.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : D. Perrin

La présidente-de la formation de jugement,

Signé : C. Baes-Honoré

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 21DA00212 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00212
Date de la décision : 25/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Baes Honoré
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : PAMLAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-25;21da00212 ?
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