Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 9 mai 2018 du directeur de l'établissement public de santé mentale Val-de-Lys-Artois le radiant des cadres avec effet rétroactif au 17 juin 2015, ensemble la décision du 20 juin 2018 de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1807618 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2021, M. B..., représenté par la SELARL Ingelaere et Partners avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 9 mai 2018 de radiation des cadres, ensemble celle du 20 juin 2018 de rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public de santé mentale Val-de-Lys-Artois une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa radiation des cadres ne pouvait être prononcée d'office sur le fondement de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 dès lors qu'il n'a fait l'objet que d'une interdiction d'exercer la profession d'infirmier pendant trois ans, par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 17 juin 2015, sur le fondement de l'article 222-44 du code pénal et non d'une condamnation pénale définitive lui interdisant d'exercer une fonction publique au titre de l'article 131-27 du même code ;
- la décision de radiation des cadres contestée méconnaît le principe " non bis in idem " dès lors qu'il s'est vu infliger par une décision du 12 décembre 2012 une sanction d'exclusion temporaire de deux ans pour les mêmes faits ;
- elle méconnaît l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal administratif de Lille du 26 avril 2018 qui a annulé une précédente décision du 28 septembre 2015 prononçant sa radiation et le principe de non-rétroactivité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2022, l'établissement public de santé mentale Val-de-Lys-Artois, représenté par Me Vincent Cadoux, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code pénal ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me Vincent Cadoux, représentant l'établissement public de santé mentale Val-de-Lys-Artois.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., infirmier de classe normale titulaire depuis le 1er mai 2004, exerçant ses fonctions à l'établissement public de santé mentale Val-de-Lys-Artois, a été condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et à une peine complémentaire d'interdiction définitive d'exercer la profession d'infirmier, en application de l'article 222-14 du code pénal, pour des faits de violences volontaires sur personnes particulièrement vulnérables, par un jugement du tribunal de grande instance d'Arras du 15 septembre 2014. Ce jugement a été réformé par un arrêt de la cour d'appel de Douai du 17 juin 2015 qui a prononcé la même peine complémentaire sur une période de trois ans. Estimant l'inscription de ces peines au bulletin n° 2 de son casier judiciaire nationale incompatible avec l'exercice de ses fonctions d'infirmier au sein de l'établissement, son directeur a, par une décision du 28 septembre 2015, radié des cadres M. B... à compter du 2 juillet 2015. Cette décision a été annulée par un jugement du 26 avril 2018 du tribunal administratif de Lille pour un vice de procédure. Par une nouvelle décision du 9 mai 2018, le directeur de l'établissement public de santé mentale Val-de-Lys-Artois a, sur le fondement de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983, radié des cadres M. B.... M. B... relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ensemble la décision du 20 juin 2018 de rejet de son recours gracieux.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 131-10 du code pénal : " Lorsque la loi le prévoit, un crime ou un délit peut être sanctionné d'une ou de plusieurs peines complémentaires qui, frappant les personnes physiques, emportent interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d'un droit, injonction de soins ou obligation de faire, immobilisation ou confiscation d'un objet, confiscation d'un animal, fermeture d'un établissement ou affichage de la décision prononcée ou diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique. " Aux termes du premier alinéa de l'article 131-27 du même code : " Lorsqu'elle est encourue à titre de peine complémentaire pour un crime ou un délit, l'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer une activité professionnelle ou sociale est soit définitive, soit temporaire ; dans ce dernier cas, elle ne peut excéder une durée de cinq ans. " Aux termes de l'article 131-28 du même code : " L'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale peut porter soit sur l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice de laquelle ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, soit sur toute autre activité professionnelle ou sociale définie par la loi qui réprime l'infraction. " Aux termes de l'article 432-17 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Dans les cas prévus par le présent chapitre, peuvent être prononcées, à titre complémentaire, les peines suivantes : (...) 2° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise (...) ". Aux termes de l'article 222-44 de ce code : " I. Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux section 1 à 4 du présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes : / 1° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires codifié à l'article L. 550-1 du code général de la fonction publique : " La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : / 1° De l'admission à la retraite ; / 2° De la démission régulièrement acceptée ; / 3° Du licenciement ; / 4° De la révocation. / La perte de la nationalité française, la déchéance des droits civiques, l'interdiction par décision de justice d'exercer un emploi public et la non-réintégration à l'issue d'une période de disponibilité produisent les mêmes effets (...) ".
4. L'autorité administrative est tenue de tirer les conséquences que doit emporter la condamnation pénale exécutoire d'un agent à une peine d'interdiction d'exercer un emploi public, même en l'absence de disposition de son statut prévoyant cette hypothèse et même si cette condamnation, dont l'exécution provisoire a été décidée par le juge répressif, n'est pas devenue définitive.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la cour d'appel de Douai, par un arrêt du 17 juin 2015, a prononcé à l'encontre de M. B... la peine complémentaire d'interdiction d'exercer la profession d'infirmier pendant une durée de trois ans, sur le fondement de l'article 222-44 du code pénal. L'établissement public de santé mentale Val-de-Lys-Artois était ainsi tenu de tirer les conséquences de cette condamnation pénale et était, par suite, légalement fondé, pour ce seul motif, à prononcer la radiation des cadres de M. B... par la décision du 9 mai 2018 contestée, quand bien même cette interdiction a été limitée à trois années.
6. En deuxième lieu, eu égard à la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le directeur de l'établissement public de santé mentale et alors que, en tout état de cause, la décision en litige ne présente pas le caractère d'une sanction pénale ou disciplinaire, le moyen invoqué par M. B... à l'encontre de cette décision, tiré de la méconnaissance du principe " non bis in idem " interdisant d'être sanctionné pour les mêmes faits, doit être écarté comme inopérant.
7. En dernier lieu, M. B... réitère en appel son moyen tiré de ce que la décision de radiation des cadres contestée méconnaît l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal administratif de Lille du 26 avril 2018 qui a annulé une précédente décision de radiation du 28 septembre 2015 pour absence de mise en œuvre d'une procédure disciplinaire. Toutefois, il n'apporte, en cause d'appel, aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges au point 4 du jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs pour écarter ce moyen. Par ailleurs, la radiation des cadres prenant effet de plein droit à la date de la condamnation pénale, elle ne méconnaît pas le principe de non-rétroactivité.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 mai 2018 de radiation des cadres et de la décision portant rejet de son recours gracieux. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B... le versement à l'établissement public de santé mentale Val-de-Lys-Artois d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public de santé mentale Val-de-Lys-Artois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à l'établissement public de santé mentale Val-de-Lys-Artois.
Délibéré après l'audience publique du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Muriel Milard, première conseillère,
- Mme Anne Khater, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.
La rapporteure,
Signé : M. A...La présidente de la formation de jugement,
Signé : A. Chauvin
La greffière,
Signé : A.S Villette
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière
Anne-Sophie Villette
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N°21DA01001