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19/05/2022 | FRANCE | N°20DA00988

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 19 mai 2022, 20DA00988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 à 2015.

Par un jugement n° 1802729 du 11 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, déchargé M. et Mme B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige, ainsi que des péna

lités correspondantes, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 à 2015.

Par un jugement n° 1802729 du 11 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, déchargé M. et Mme B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige, ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2020, et des mémoires, enregistrés les 13 octobre 2020, 16 novembre 2020 et 18 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme B... les impositions dont la décharge a été prononcée par ce jugement ;

3°) d'annuler la condamnation de l'Etat prononcée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur sur la détermination du dispositif légal applicable ;

- s'agissant des logements que le contribuable fait construire, le nouveau délai d'achèvement de trente mois à compter de la date d'obtention du permis de construire s'applique pour les logements ayant fait l'objet d'un dépôt de demande de permis de construire à compter du 1er janvier 2012 ; or, en l'espèce, la demande de permis de construire a été déposée le 10 novembre 2010, soit avant la date de promulgation de la loi du 28 décembre 2011 ;

- en application des dispositions de l'article 199 septvicies du code général des impôts, dans sa version du 10 novembre 2010 applicable à la date du dépôt de la demande de permis de construire, le logement devait être achevé au plus tard le 31 décembre 2012 ; or, l'achèvement des travaux de construction est intervenu le 24 juin 2013 ;

- la mesure de tempérament sollicitée par les contribuables ne peut prolonger le délai d'achèvement des travaux que jusqu'au 5 mai 2013 ; or, l'achèvement des travaux de construction est intervenu le 24 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2020, et un mémoire, enregistré le 3 novembre 2020, M. et Mme A... B..., représentés par Me Demailly, demandent à la cour, d'une part, de rejeter la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- par son interprétation contenue au BOI-IRRICI-230-10-30-10 n° 610, l'administration fiscale a limité l'application de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 aux demandes de permis de construire déposées à compter du 1er janvier 2012, mais une telle interprétation est contraire à la loi ;

- pour les logements faisant l'objet de travaux par le contribuable ou construits par le contribuable après leur acquisition, comme c'est le cas en l'espèce puisque les travaux ont démarré postérieurement à l'acquisition du terrain, à défaut de dispositions expresses dans l'article 75 de la loi de finances pour 2012 relative à l'entrée en vigueur des nouveaux délais d'achèvement, il convient d'appliquer l'article 1-II de cette loi ; les nouveaux délais d'achèvement prévus par l'article 75 de la loi de finances pour 2012 s'appliquent pour l'impôt sur le revenu des années 2011 et suivantes lorsque les travaux ou la construction du logement sont réalisés par l'acquéreur, c'est-à-dire y compris aux opérations en cours pour lesquelles une demande de permis de construire a déjà été déposée, y compris donc avant le 1er janvier 2012 ;

- - les prescriptions archéologiques et la procédure judiciaire initiée par un voisin ont retardé le chantier pour une durée d'environ un an ; l'administration, dans l'application de sa mesure de tempérament, aurait dû prendre en compte ce retard ;

- la cour administrative d'appel de Bordeaux a d'ailleurs retenu la même analyse que le tribunal administratif d'Amiens dans deux arrêts en date du 20 février 2020 (n°18BX01181 et n°18BX01164).

Par une ordonnance du 9 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 3 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... sont associés au sein de la société civile d'attribution (SCA) GDX qui a acquis, le 21 juin 2011, un terrain situé à Amiens, en vue de la construction d'un immeuble de huit logements après démolition d'une habitation. A compter de l'année 2013, M. et Mme B..., qui se sont vu attribuer un des logements neufs édifiés, ont bénéficié du dispositif " Scellier " de réduction d'impôt sur le revenu pour des investissements locatifs prévu à l'article 199 septvicies du code général des impôts. Ces derniers ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration a remis en cause le bénéfice de cette réduction d'impôt et les a assujettis en conséquence à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2013 à 2015 en suivant la procédure de redressement contradictoire. Par un jugement du 11 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à la demande de M. et Mme B... tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre des années 2013 à 2015. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.

Sur la requête du ministre :

2. Aux termes de l'article 199 septvicies du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 : " I. - Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui acquièrent, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à condition qu'ils s'engagent à le louer nu à usage d'habitation principale pendant une durée minimale de neuf ans. / La réduction d'impôt s'applique dans les mêmes conditions au logement que le contribuable fait construire et qui a fait l'objet, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, d'un dépôt de demande de permis de construire, (...) L'achèvement de la construction (...) doit intervenir au plus tard au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de la demande de permis de construire (...) ".

3. Aux termes de l'article 199 septvicies du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 75 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 : " I. - 1. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui acquièrent, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à condition qu'ils s'engagent à le louer nu à usage d'habitation principale pendant une durée minimale de neuf ans. / 2. La réduction d'impôt s'applique dans les mêmes conditions : / a) Au logement que le contribuable fait construire et qui fait l'objet d'un dépôt de demande de permis de construire entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012 ; / (...) / 3. L'achèvement du logement doit intervenir dans les trente mois qui suivent (...) la date de l'obtention du permis de construire dans le cas d'un logement que le contribuable fait construire. (...) ".

4. Dans sa rédaction issue de l'article 75 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, l'article 199 septvicies du code général des impôts prévoit que l'achèvement du logement doit intervenir dans les trente mois qui suivent la date de l'obtention du permis de construire dans le cas d'un logement que le contribuable fait construire alors que dans sa rédaction antérieure à la loi du 28 décembre 2011, l'achèvement de la construction devait intervenir au plus tard au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de la demande de permis de construire.

5. Il résulte de l'instruction que M. et Mme B... ont déposé le 10 novembre 2010 une demande de permis de construire qui a été obtenu le 24 mars 2011 et il n'est pas contesté que l'achèvement des travaux est intervenu le 24 juin 2013. L'administration estime que les dispositions de l'article 199 septvicies du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 75 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011, ne sont pas applicables à la situation de l'immeuble de M. et Mme B..., laquelle reste régie par la version antérieure de l'article 199 septvicies du code général des impôts, selon laquelle l'achèvement de la construction doit intervenir au plus tard au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de la demande de permis de construire. Ainsi, selon l'administration, l'immeuble aurait dû être achevé au plus tard le 31 décembre 2012 alors qu'il a été achevé le 24 juin 2013. L'administration a remis en cause, pour ce motif, la réduction d'impôt sur le revenu pour des investissements locatifs, prévue à l'article 199 septvicies du code général des impôts, dont M. et Mme B... avaient bénéficié au titre des années 2013 à 2015.

6. S'agissant de l'application de la loi fiscale dans le temps, le principe est que pour déterminer si une somme dont un contribuable a disposé au cours d'une année est passible de l'impôt sur le revenu et, le cas échéant, selon quelles modalités ou à quel taux, il y a lieu, sauf disposition législative contraire, de rechercher quelle est la loi en vigueur au 31 décembre de ladite année. Le bénéfice d'une réduction d'impôt relève des modalités d'imposition.

7. Dans le cas d'un logement que le contribuable fait construire, la réduction d'impôt dite " Scellier " est accordée au titre de l'année d'achèvement de ce logement, cet achèvement constituant le fait générateur de la réduction d'impôt. L'immeuble ayant été achevé en 2013, l'article 199 septvicies du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 75 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, était applicable et prévoyait que, pour les dépôts de demande de permis de construire entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, l'achèvement du logement doit intervenir dans les trente mois qui suivent la date de l'obtention du permis de construire dans le cas d'un logement que le contribuable fait construire. Par suite, en estimant que l'article 199 septvicies du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 75 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011, n'est pas applicable aux requérants, l'administration a commis une erreur de droit. C'est donc à tort qu'elle a remis en cause le bénéfice de la réduction d'impôt, prévue à l'article 199 septvicies du code général des impôts, pour les années 2013 à 2015, alors qu'il n'est pas contesté que l'achèvement de l'immeuble est intervenu, en l'espèce, le 24 juin 2013, soit dans les trente mois qui ont suivi la date de l'obtention du permis de construire, le 24 mars 2011.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a déchargé M. et Mme B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante à l'instance, la somme de 1 000 euros à verser à M. et Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 (mille) euros à M. et Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. et Mme A... B....

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 5 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022.

Le président, rapporteur,

Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°20DA00988 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00988
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DEMAILLY

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-19;20da00988 ?
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