La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2022 | FRANCE | N°21DA02293

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 10 mai 2022, 21DA02293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 25 mai 2019 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial en faveur de sa petite-fille, ....

Par un jugement n° 1906323 du 23 juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2021, M. D..., représenté par Me Jean Claude Zambo Mveng, demande à la cour :

) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2019 du préfet du Nord ;

3°) de mettre à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 25 mai 2019 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial en faveur de sa petite-fille, ....

Par un jugement n° 1906323 du 23 juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2021, M. D..., représenté par Me Jean Claude Zambo Mveng, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2019 du préfet du Nord ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 600 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas tiré toutes les conséquences de l'arrêté du 13 juin 2021, édicté plus de deux ans après l'arrêté litigieux qu'il est censé annuler et remplacer, en méconnaissance du droit à la sécurité juridique.

La requête a été communiquée au préfet du Nord, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Un moyen d'ordre public a été adressé aux parties, tiré de " l'irrégularité du jugement faute pour les premiers juges de ne pas avoir prononcé de non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 mai 2019 et faute de ne pas avoir regardé les conclusions d'annulation dirigées contre le nouvel arrêté du 13 juin 2021 ".

Par un mémoire, enregistré le 2 avril 2022, M. D..., représenté par Me Zambo Mveng, a répondu à ce moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... D..., ressortissant marocain né le 6 décembre 1969, a présenté le 3 août 2018 une demande d'autorisation de regroupement familial afin que sa petite-fille, F... C..., soit autorisée à séjourner en France à ses côtés. Par une décision du 25 mai 2019, le préfet du Nord a refusé de faire droit à cette demande. Par un jugement du 23 juillet 2021, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la requête introductive d'instance de M. D... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lille le 23 juillet 2019. Toutefois, le préfet du Nord a produit un second arrêté édicté le 13 juin 2021 portant rejet de la demande de regroupement familial de M. D... et a indiqué dans le bordereau d'envoi " arrêté du 13 juin 2021 annule et remplace la décision du 25 mai 2019 ".

3. Il ressort des énonciations claires du nouvel arrêté préfectoral du 13 juin 2021 et de l'indication du préfet accompagnant sa transmission, que ce nouvel arrêté, qui a été reçu par le tribunal avant le prononcé du jugement du 23 juillet 2021, s'est substitué à celui du 25 mai 2019 à l'encontre duquel étaient dirigées les conclusions de M. D.... Ces deux arrêtés, qui ont tous deux la même portée, ne sont pas des décisions créatrices de droit dès lors qu'ils rejettent la demande de regroupement familial de M. D.... L'administration pouvait donc décider de substituer un nouvel arrêté à celui du 25 mai 2019, à tout moment. Dès lors, en ne regardant pas les conclusions de la requête comme étant dirigées contre le nouvel arrêté du 13 juin 2021 et en statuant sur la légalité de l'ancien arrêté du 25 mai 2019, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Il y a donc lieu d'en prononcer l'annulation et de statuer sur la demande de M. D... par la voie de l'évocation.

Sur la demande de première instance :

4. L'arrêté préfectoral du 13 juin 2021 s'étant substitué à celui du 25 mai 2019, les conclusions tendant à l'annulation de l'ancien arrêté sont sans objet et il y a lieu de regarder les conclusions de la requête de M. D... comme étant dirigées contre le nouvel arrêté du 13 juin 2021.

5. Par un arrêté du 24 mars 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département du Nord, le préfet du Nord a donné délégation à Mme A... B..., directrice de l'immigration et de l'intégration à l'effet de signer, notamment, les décisions portant refus de regroupement familial. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque ainsi en fait et doit être écarté.

6. L'arrêté préfectoral attaqué du 13 juin 2021 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est ainsi suffisamment motivé au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 434-2 à L. 434 4. Un regroupement partiel peut toutefois être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. " L'article L. 434-4 dispose : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur ou ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. " L'article L. 434-5 ajoute : " L'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est l'enfant ayant une filiation légalement établie, y compris l'enfant adopté, en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger. "

8. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet du Nord a pris en compte la qualité de ressortissant marocain de M. D..., titulaire d'une carte de séjour en cours de validité. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit donc être écarté.

9. Par ailleurs, le préfet s'est expressément fondé sur les dispositions précitées pour apprécier la demande de regroupement familial de M. D... et a constaté que l'intéressé, qui se borne à se prévaloir d'un acte de kafala, n'a pas de lien de filiation légalement établie avec la jeune F... C..., qui n'est pas son enfant mineure de dix-huit ans et ne remplit donc pas les conditions requises par les articles L. 434-1, L. 434-4 et L. 434-5 précités pour obtenir un regroupement familial. Le moyen tiré de l'erreur de droit sera donc à son tour écarté.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que la jeune F... C..., née le 20 octobre 2015, a été confiée à M. D... et son épouse par acte dit de " kafala adoulaire ", dressé devant notaire, puis transcrit auprès d'un juge de la section notariale du tribunal de première instance de Berrechid le 7 juin 2018. Il ressort des pièces du dossier que M. D... réside en France avec son épouse, alors que l'enfant réside effectivement au Maroc aux côtés de ses parents, l'acte de kafala indiquant expressément que cette enfant n'est pas abandonnée. Par ailleurs, il ne ressort pas des termes de cet acte que le requérant exercerait sur sa petite-fille l'autorité parentale. Enfin, M. D... ne soutient, ni même n'allègue avoir créé des liens affectifs d'une particulière intensité avec cette enfant. Ainsi, le requérant ne démontre pas, en se bornant à produire l'acte de " kafala adoulaire ", que le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. De même, il n'est pas établi que le préfet aurait porté atteinte à l'intérêt supérieur de cette enfant. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 13 juin 2021 aurait méconnu les stipulations de l'article 3, 1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ou celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. D... doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte. L'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, doivent également être rejetées ses conclusions de première instance et d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 23 juillet 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de M. D... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 26 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- Mme Aurélie Chauvin, présidente assesseure,

- Mme Muriel Milard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 10 mai 2022.

La présidente-assesseure,

Signé : A. ChauvinLa présidente de chambre

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

N°21DA02293 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02293
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Seulin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : ZAMBO MVENG

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-10;21da02293 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award