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05/05/2022 | FRANCE | N°20DA00094

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 05 mai 2022, 20DA00094


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Tank Solutions Normandie a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016, dans les rôles de la commune de Gonfreville-l'Orcher (Seine-Maritime).

Par un jugement n° 1703403 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :<

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Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 janvier 2020 et le 11 janvier 2021, la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Tank Solutions Normandie a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016, dans les rôles de la commune de Gonfreville-l'Orcher (Seine-Maritime).

Par un jugement n° 1703403 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 janvier 2020 et le 11 janvier 2021, la SNC Tank Solutions Normandie, représentée par la SELARL Feat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire d'un montant de 65 281 euros, correspondant à des immobilisation d'une valeur de 816 017 euros, la valeur locative entrant dans les bases de la cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignées pour son établissement de Gonfreville-l'Orcher, de prononcer, à due concurrence de cette réduction de base, la décharge, en droits et pénalités, des impositions et en litige et de réformer en conséquence le jugement attaqué ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif, en méconnaissance des exigences des articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative, n'a pas visé, dans son jugement, les moyens qu'elle avait soulevés et qui ne sont pas davantage mentionnés dans les motifs de ce jugement, qui doit, dès lors, être regardé comme insuffisamment motivé ;

- la lettre d'information que l'administration lui a adressée le 30 septembre 2016 pour lui faire connaître qu'elle entendait déterminer la valeur locative de son établissement selon la méthode prévue à l'article 1499 du code général des impôts, applicable aux installations industriels, est insuffisamment motivée ;

- l'établissement de Gonfreville-l'Orcher a été regardé à tort comme présentant un caractère industriel au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts alors que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, au terme d'un raisonnement erroné, les moyens techniques qui y sont mis en œuvre ne peuvent être qualifiés d'importants et ne jouent pas un rôle prépondérant dans l'exercice de son activité de nettoyage de citernes chimiques et pétrolières, qui consiste en la réalisation d'une prestation de services ; en effet, cette activité est pour l'essentiel exercée manuellement par le personnel qu'elle emploie, à savoir par les trente-trois salariés présents, en moyenne, sur le site, soit la moitié des effectifs de l'établissement, lequel personnel utilise, pour ce faire, des matériels qui ne sont pas spécifiques à cette activité et qui ne requièrent aucune ingénierie particulière ; si des engins de levage sont utilisés, pour déplacer les citernes et containers, le recours à ces moyens n'est pas prépondérant dans l'exercice de son activité et ne produit aucune valeur ajoutée ; contrairement à ce qu'a retenu l'administration, la convention qu'elle a conclue le 3 mai 2018 avec une autre entreprise exerçant une activité complémentaire sur le site, qui se borne à rappeler de manière sommaire l'objet social des deux parties au contrat, ne permet pas d'établir que les moyens mis en œuvre seraient spécifiques à son activité et prépondérants dans l'exercice de celle-ci ; il en est de même des informations disponibles sur son site internet, qui se limitent à un inventaire de moyens mais ne décrivent pas les conditions d'intervention de son personnel ; les installations techniques mises en œuvre dans cet établissement ont d'ailleurs une valeur inférieure de plus de 50 % à celle de l'ensemble des autres immobilisations qui y sont présentes, tandis que les dotations aux amortissements représentent entre 6 % et 8 % du coût de la main d'œuvre ;

- la valeur locative plancher retenue par l'administration en ce qui concerne les biens immobiliers pris par elle en crédit-bail est erronée ; en effet, le service a fait application des dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts, alors qu'il aurait dû fonder son calcul sur les dispositions de l'article 1499-0 A de ce code ; en outre, elle n'est pas parvenue à comprendre le calcul effectué par le service ;

- certaines des immobilisations prises en compte par le service pour déterminer ses bases assujetties à la cotisation foncière des entreprises relèvent du 11° de l'article 1382 du code général des impôts et auraient dû, en conséquence, bénéficier de l'exonération applicable aux outillages et moyens d'exploitation des établissements industriels, quand bien même elles ne sont pas dissociables des immeubles, dès lors qu'elles sont spécifiques à son activité ; ces immobilisations représentent, au bilan, une valeur de 816 017 euros, soit une valeur locative de 65 281 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2020, et un mémoire, enregistré le 23 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- sans les équipements de lavage et de traitement des eaux, qui sont mis en œuvre dans l'établissement de Gonfreville-l'Orcher, à savoir notamment des pompes, des échangeurs à haute pression, des décanteurs, des filtres, un ensemble de vannes et tuyauterie, un poste de réchauffage, et sans les chariots élévateurs et le matériel de levage pneumatique, le personnel de la SNC Tank Solutions Normandie ne pourrait pas déplacer, nettoyer et stocker les conteneurs et citernes, ce qui constitue pourtant l'essentiel de l'activité mise en œuvre sur ce site ; en outre, le personnel qui réalise les opérations de nettoyage des citernes et conteneurs utilise, durant l'essentiel de son temps de travail, ces matériels et moyens techniques, sans lesquels les opérations de nettoyage des citernes et conteneurs, qui impliquent leur lavage, leur séchage et leur contrôle, dans le respect de la réglementation sanitaire et environnementale, mais aussi la manutention et le stockage de ces éléments, ne seraient pas possibles, eu égard à la dimension et au poids de ceux-ci, ainsi qu'à la nature chimique des produits qu'ils contiennent ; à cet égard, la SNC Tank Solutions Normandie ne saurait réduire son activité à celle de nettoyage manuel et de contrôle visuel et olfactif du bon déroulement des opérations et minimiser ainsi, quand bien même elle met en œuvre un nombre non négligeable de salariés sur le site, l'importance et le rôle du matériel utilisé en soutenant que la valeur ajoutée de l'établissement serait générée par la seule intervention du personnel ; bien au contraire, il résulte de ces éléments, qui sont d'ailleurs confortés par le descriptif des activités de l'établissement figurant sur le site internet de la société, que les installations, matériels et outillages techniques qu'elle met en œuvre dans l'établissement de Gonfreville-l'Orcher jouent un rôle prépondérant dans l'activité qu'elle y exerce ;

- contrairement à ce que soutient la SNC Tank Solutions Normandie, le service vérificateur n'a pas déterminé la valeur locative des immobilisations passibles de la taxe foncière selon la procédure prévue à l'article 1518 B du code général des impôts, dont les dispositions, qui se rapportent aux opérations de fusion, de scission ou de cession de sociétés, ne trouvaient pas à s'appliquer à sa situation, mais selon les modalités prévues par les dispositions de l'article 1499-0 A de ce code et par celles de l'article 310 L de l'annexe II au même code ; ainsi que le service l'a exposé à la société dans la lettre d'information qu'il lui a adressée le 30 septembre 2016, le prix de revient des immobilisations de nature foncière prises par elle en crédit-bail s'élève à 1 705 937 euros, pour un financement total de 1 900 000 euros, et la valeur locative de base passible de la taxe foncière s'élève à 136 475 euros pour l'ensemble du terrain d'assiette de l'établissement, de laquelle il y a lieu de déduire la valeur des terrains donnés par la SNC Tank Solutions Normandie en sous-location à une entreprise partenaire, de sorte que la valeur locative du terrain utilisé par la société appelante doit être fixée à 65 281 euros ; dans ces conditions, la critique de la méthode mise en œuvre par l'administration est inopérante ;

- si la SNC Tank Solutions Normandie allègue qu'elle n'a pas compris les calculs effectués par le service pour déterminer cette valeur, il ressort des termes mêmes de la lettre d'information que le service lui a adressée le 30 septembre 2016 que ces modalités y sont clairement explicitées, le détail des calculs effectué lui ayant, par la suite, été communiqué, sous la forme de tableaux, en annexe de la décision d'admission partielle de sa réclamation ;

- la SNC Tank Solutions Normandie n'est pas fondée à soutenir que certains biens, qui n'apparaissent pas, au vu de l'instruction, spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement qualifié d'industriel, devraient être exonérés sur le fondement du 11° de l'article 1382 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société en nom collectif (SNC) Tank Solutions Normandie exploite un complexe de lavage de citernes chimiques et pétrolières à Gonfreville-l'Orcher (Seine-Maritime). Par un avis du 15 juin 2015, la SNC Tank Solutions Normandie a été informée de l'engagement d'une vérification de comptabilité portant, en ce qui concerne notamment la valeur locative de cet établissement, sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé que les installations exploitées, dans le cadre de son activité de prestations de service, par la SNC Tank Solutions Normandie à Gonfreville-l'Orcher devaient être regardées comme s'insérant dans un établissement industriel, en raison de l'importance des installations techniques mises en œuvre et de leur rôle prépondérant dans l'activité qui y est exercée. L'administration a tiré de ces constats la conséquence que, pour la détermination des bases imposables à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016, la valeur locative de cet établissement, jusqu'alors établie selon la méthode prévue à l'article 1498 du code général des impôts pour l'évaluation des établissements commerciaux, devait l'être par application de la méthode prévue à l'article 1499 du même code pour l'évaluation des établissements industriels. L'administration a fait connaître à la SNC Tank Solutions Normandie sa position sur ce point par une lettre d'information qu'elle lui a adressée le 30 septembre 2016. La SNC Tank Solutions Normandie n'ayant pas formulé d'observations sur cette notification, les suppléments de cotisation foncière des entreprises résultant de ces rectifications ont été mises en recouvrement le 30 avril 2017, pour un montant total, en droits et pénalités, de 90 622 euros. La réclamation formée par la SNC Tank Solutions Normandie n'ayant fait l'objet que d'une admission très partielle, celle-ci a porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016, dans les rôles de la commune de Gonfreville-l'Orcher. Elle relève appel du jugement du 19 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En vertu de l'article L. 9 du code de justice administrative, les jugements des tribunaux administratifs sont motivés. En outre, en vertu de l'article R. 741-2 du même code, ces jugements contiennent l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application.

3. Si la SNC Tank Solutions Normandie soutient que les premiers juges n'ont pas visé, dans le jugement attaqué, les moyens qu'elle avait soulevés et que ceux-ci ne sont pas davantage " mentionnés " dans les motifs de ce jugement, il ressort des mentions mêmes du jugement dont elle relève appel que cette critique manque en fait. Ainsi, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de faire référence à l'ensemble des arguments que la SNC Tank Solutions Normandie avait développés devant eux au soutien de ces moyens, ni d'apporter une réponse expresse à ces arguments, ont suffisamment motivé leur jugement au regard des exigences posées par les dispositions, rappelées au point précédent, des articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit donc être écarté.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Si la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales ne trouve pas à s'appliquer en matière d'impositions locales telles la cotisation foncière des entreprises, l'administration doit néanmoins respecter le droit du contribuable, dont elle envisage de rehausser les bases assujetties à cette imposition, de pouvoir présenter d'utiles observations avant la mise en recouvrement des suppléments d'impôt.

5. Il ressort des termes de la lettre d'information adressée le 30 septembre 2016 à la SNC Tank Solutions Normandie que ce document expose les motifs de droit et de fait qui fondent les impositions en litige. En particulier, cette lettre d'information énonce les motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration s'est appuyée pour estimer que l'établissement que cette société exploite à Gonfreville-l'Orcher devait être regardé comme présentant un caractère industriel au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts, ainsi que les modalités suivant lesquelles la base d'imposition qui lui a été assignée à raison de cet établissement a été déterminée. Il suit de là que la SNC Tank Solutions Normandie a été mise à même de présenter d'utiles observations sur les rehaussements portés à sa connaissance et que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette lettre manque ainsi en fait.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la méthode de détermination de la valeur locative de l'établissement :

6. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. / (...) ". En outre, en vertu de l'article 1388 de ce code, la taxe foncière sur les propriétés bâties est établie d'après la valeur locative cadastrale de ces propriétés, déterminée conformément aux principes définis notamment par les articles 1494 à 1508. Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les " locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale ", à l'article 1498 pour " tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 " et à l'article 1499 pour les " immobilisations industrielles ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces articles, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

7. Il résulte de l'instruction que l'établissement dont disposait, à Gonfreville-l'Orcher, la SNC Tank Solutions Normandie, au cours des années d'imposition en litige, pour l'exercice de son activité était édifié sur un terrain, d'une superficie de 2 ha 40 a 68 ca, mis à sa disposition au terme d'un contrat de crédit-bail immobilier conclu avec la société propriétaire, et que cette société bénéficiait, de la part du Grand port maritime du Havre, d'une convention d'occupation temporaire du domaine public portant sur un terrain contigu, d'une contenance de 5 320 m², sur lequel elle a établi ses aires de lavage. Cet établissement était équipé, comme la société appelante le confirme d'ailleurs elle-même, de sept pistes chimiques disposant de deux à quatre têtes de lavage associées à des pompes à haute pression, de cinq pistes de lavage à haute pression et d'une piste de lavage à très haute pression, ainsi que de quatre pistes de dépressurisation associées à une tour de dégazage permettant de piéger des gaz et produits odorants contenant des composés soufrés. L'établissement disposait, en outre, afin de fournir l'eau chaude nécessaire au lavage des citernes ou conteneurs, d'un osmoseur-chaudière, ainsi que d'un poste de réchauffage et, par ailleurs, d'une installation de traitement physico-chimique associée à un dispositif de traitement biologique, permettant de recueillir et d'épurer les eaux issues des installations de lavage. Par ailleurs, des matériels de manutention, comprenant cinq chariots élévateurs et un palan pneumatique, permettaient d'acheminer les citernes et conteneurs, laissés sur le parc de stationnement par les clients, vers les aires de nettoyage et d'assurer, au sein de celles-ci, les levages et déplacements nécessaires à l'accomplissement des opérations de dégazage et de nettoyage. Il n'est pas sérieusement contesté que ces moyens techniques étaient, au cours des années d'imposition en litige, inscrits au bilan de la SNC Tank Solutions Normandie pour une valeur de 2 500 000 euros, tandis que le coût des installations immobilières financées par crédit-bail était, comme le confirme la société appelante, de 1 900 000 euros. A cet égard, pour soutenir que les moyens techniques mis en œuvre par elle sur le site de Gonfreville-l'Orcher représentaient moins de 50 % du coût des installations immobilières financées par crédit-bail, la SNC Tank Solutions Normandie tient seulement compte de la valeur des matériels et outillages, inscrite au compte 2154. Or, elle ne peut faire abstraction de la valeur des installations complexes spécialisées, inscrite au compte 21514, qui s'élevait, s'agissant des installations de cette nature utilisées au sein de l'établissement de Gonfreville-l'Orcher, à 2 069 570 euros dans le bilan de l'exercice clos en 2014, cette catégorie d'installations comprenant l'essentiel des installations techniques équipant les plateformes de lavage, telles les pompes, les échangeurs à haute pression, les dispositifs de traitement des eaux ou le poste de réchauffage. Dans ces conditions, la SNC Tank Solutions Normandie doit être regardée, ainsi que l'a d'ailleurs retenu, à juste titre, le tribunal administratif, comme ayant mis en œuvre, au cours des années d'imposition en litige, d'importants moyens techniques sur le site de Gonfreville-l'Orcher pour l'exercice de ses activités.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 1, l'activité exercée par la SNC Tank Solutions Normandie sur ce site consiste exclusivement à prendre en charge puis à assurer le dégazage et le lavage des citernes et conteneurs qui lui sont confiés par ses clients. Elle réalise ainsi des prestations de service et ne peut, dès lors, être regardée comme se livrant à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers. En application des principes rappelés au point 6, son activité ne peut ainsi être regardée comme revêtant un caractère industriel, au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts, que si le rôle des importantes installations techniques, et des matériels et outillages qu'elle met en œuvre pour les besoins de cette activité, est regardé comme prépondérant.

9. Si, comme le soutient la SNC Tank Solutions Normandie, les opérations de nettoyage des citernes et conteneurs qui lui sont confiés sont réalisées par les trente-trois salariés qui en sont spécifiquement chargés, sur le site de Gonfreville-l'Orcher, ces personnels effectuant, sans l'aide de matériels spécifiques, l'identification des liquides stockés dans les contenants pris en charge, opérant, en conséquence, le choix des méthodes de nettoyage à mettre en œuvre, le cas échéant après dégazage, ainsi que des produits de lavage à utiliser, puis réalisant manuellement ce lavage à l'aide de lances à haute pression d'un modèle qui n'est pas spécifique à son activité, il résulte de l'instruction que les matériels et équipements décrits au point 7, qui, à défaut d'être tous spécifiques à son activité, sont appropriés et intrinsèquement liés à celle-ci, s'avèrent indispensables à l'exercice de cette activité et que leur action revêt une part première dans la mise en œuvre de l'activité de nettoyage des cuves, quand bien même ces moyens techniques n'ont pas un mode de fonctionnement autonome et alors même que ceux-ci sont mis en œuvre par son personnel, pour la réalisation des opérations qu'il choisit, selon la nature de chaque prise en charge, de réaliser. Dans ces conditions, la SNC Tank Solutions Normandie doit être regardée comme ayant mis en œuvre, dans le cadre de l'exercice, dans l'établissement de Gonfreville-l'Orcher, de son activité, des moyens techniques non seulement importants, mais dont le rôle, dans son processus d'exploitation, a été prépondérant. Il suit de là que l'administration était fondée à estimer qu'elle exerçait une activité industrielle au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts et que la valeur locative de cet établissement devait être établie selon les règles fixées par ces dispositions, en ce qui concerne les établissements industriels.

En ce qui concerne les modalités d'évaluation des biens pris en crédit-bail :

10. Il résulte de l'instruction et, notamment, des termes de la lettre d'information adressée le 30 septembre 2016 à la SNC Tank Solutions Normandie, que, comme le confirme d'ailleurs le ministre, la valeur locative de base retenue par l'administration en ce qui concerne les biens immobiliers pris par cette société en crédit-bail a été déterminée, à bon droit, selon les modalités prévues par les dispositions de l'article 1499-0 A du code général des impôts et de l'article 310 L de l'annexe II au même code, et non en faisant application des dispositions de l'article 1518 B du même code, qui se rapportent aux opérations de fusion, de scission ou de cession de sociétés et qui ne trouvaient donc pas à s'appliquer à sa situation. Il suit de là que le moyen tiré par la SNC Tank Solutions Normandie de ce que cette valeur locative de base serait erronée pour avoir été déterminée selon des modalités inapplicables à sa situation ne peut qu'être écarté. Enfin, si la SNC Tank Solutions Normandie allègue qu'elle n'est pas parvenue à comprendre le calcul effectué, sur ce point, par le service, il ressort de la lettre d'information du 30 septembre 2016 que le service y explique, ainsi qu'il a été dit au point 5, la méthode qu'il a mise en œuvre pour déterminer la valeur locative de base des biens immobiliers pris par cette société en crédit-bail. Dans ces conditions, et alors, au demeurant, que le détail des calculs effectués par le service a, en réponse à ses interrogations, été communiqué, sous la forme de tableaux annexés à la décision du 26 septembre 2017 admettant partiellement sa réclamation, à la SNC Tank Solutions Normandie, cette dernière doit être regardée comme ayant été mise à même de comprendre les modalités de détermination de la base d'imposition retenue par l'administration et de les discuter utilement.

En ce qui concerne l'exonération de certains outillages et autres moyens d'exploitation :

11. Aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ; / (...) ". Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties, en application des dispositions précitées du 11º de l'article 1382 du code général des impôts, et doivent, par suite, être exclus des bases imposables à la cotisation foncière des entreprises, les biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1º et 2º de l'article 1381, c'est-à-dire qu'ils ne constituent ni des installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits, ni des ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation, ces éléments étant mentionnés au 1° de l'article 1381, ni des ouvrages d'art et des voies de communication, mentionnés au 2° de cet article. En revanche, peu importe que ces biens soient ou non dissociables des immeubles.

12. La SNC Tank Solutions Normandie soutient, dans le dernier état de ses écritures, que certaines des immobilisations prises en compte par le service pour déterminer ses bases d'imposition à la cotisation foncière des entreprises, d'une valeur de 816 017 euros inscrite aux bilans des exercices en cause, soit une valeur locative de 65 281 euros, relevaient du 11° de l'article 1382 du code général des impôts et auraient, par suite, dû bénéficier de l'exonération applicable aux outillages et moyens d'exploitation des établissements industriels. Au nombre de ces immobilisations, elle cite la plateforme Nord PMS, la plateforme Ouest PMS, la plateforme Ouest TSN2, la plateforme Est, un aménagement d'abords en enrobé, deux bâtiment de chaufferie et des aménagements associés, des ouvrages d'électricité et d'eau, la remise en état de structures, un regard et une assurance.

13. Toutefois, ainsi que le fait valoir le ministre dans son dernier mémoire, auquel elle n'a pas répliqué, la SNC Tank Solutions Normandie n'a apporté, au soutien de ce moyen, aucune précision, ni aucune pièce de nature à permettre à la cour d'appréhender la nature exacte des immobilisations qu'elle estime susceptibles d'être exonérées de la cotisation foncière des entreprises en application des dispositions précitées du 11° de l'article 1382 du code général des impôts. Dans ces conditions, ce moyen, qui n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être écarté. Par suite, ses conclusions subsidiaires tendant à la réduction des impositions en litige doivent être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SNC Tank Solutions Normandie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SNC Tank Solutions Normandie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Tank Solutions Normandie et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 14 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°20DA00094

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00094
Date de la décision : 05/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Taxe professionnelle - Assiette.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL FEAT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-05;20da00094 ?
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