Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... G... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le préfet de la région Normandie a refusé de lui accorder l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées AI n° 23 et ZE n° 20 situées sur la commune de Mesnil-Panneville dans le département de la Seine-Maritime, dont M., associé-exploitant de la SCEA du, est propriétaire.
Par un jugement n° 1901980 du 19 mai 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2021, M. G..., représenté par Me Ahmed Akaba, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 du préfet de la région Normandie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté préfectoral du 1er avril 2019, signé par la directrice régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de la région Normandie, a été signé par une autorité incompétente dès lors que la délégation de signature accordée le 10 mai 2017 par la préfète de la région Normandie n'était plus valable en raison de sa nomination comme préfète de la région Nouvelle Aquitaine par un décret du 27 mars 2019 publié au journal officiel du 28 mars 2019 ;
- il est entaché d'un vice de forme à défaut de comporter la signature de son auteur ;
- il est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne mentionne pas l'accord du propriétaire des parcelles en litige ;
- en devenant associé exploitant au sein de la SCEA du Matré, il exploiterait 193 ha 66 a, soit 55 ha 33 a par unité de travail agricole et sa demande relève ainsi du 2ème rang de priorité du schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Normandie ;
- le motif de refus tiré de l'agrandissement excessif prévu à l'article L. 331-3-1 3° du code rural et de la pêche maritime ne peut lui être opposé du fait de l'existence d'un preneur en place et de ce qu'il n'a pas été tenu compte de la dimension économiquement viable de l'opération envisagée ;
- il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'administration ne pouvait considérer les parcelles en litige comme libres d'occupation, le propriétaire des terres souhaitant toujours exploiter celles-ci au sein de la SCEA du Matré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., associé non-exploitant de la SCEA du Matré, a demandé, le 6 décembre 2018, l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées AI n° 23 et ZE n° 20 situées sur la commune de Mesnil-Panneville dans le département de la Seine-Maritime, d'une superficie totale de 21 ha 55 a, dont M. A..., associé exploitant de cette SCEA, est propriétaire. M. , exploitant agricole dont le siège d'exploitation est situé à Bouville, a présenté, le 20 février 2019, une demande concurrente afin d'exploiter les mêmes terres dans le cadre d'un agrandissement. M. G... relève appel du jugement du 19 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le préfet de la région Normandie a refusé de lui accorder l'autorisation d'exploiter les terres demandées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'arrêté du 1er avril 2019 en litige comporte la signature de Mme F... J..., directrice régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt et celle-ci disposait d'une délégation de signature qui lui a accordée Mme H... B..., préfète de la région Normandie, par un arrêté n° 17-059 du 10 mai 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 11 mai 2017. Cette délégation de signature n'a pas cessé de produire ses effets du fait de la nomination de Mme B... en qualité de préfète de la région Nouvelle Aquitaine par un décret du 27 mars 2019, publié au journal officiel du 28 mars 2019, dès lors qu'elle a continué à exercer ses fonctions de préfète de la région Normandie jusqu'à la date de son installation dans ses nouvelles fonctions le 15 avril 2019. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de cet arrêté et du vice de forme dont il serait entaché doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative (...) vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée ". Aux termes de l'article R. 331-6 du même code : " (...) II.- La décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter prise par le préfet de région doit être motivée au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énumérés à l'article L. 331-3-1 (...) ".
4. L'arrêté du 1er avril 2019 portant refus d'autorisation d'exploiter vise notamment le code rural et de la pêche maritime et l'arrêté du 22 juin 2015 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Haute-Normandie. Il précise la situation de M. G..., qui sollicite l'autorisation d'exploiter une superficie de 21 ha 55 a de terres dans le cadre de l'agrandissement de son exploitation, puis la situation du demandeur concurrent, M. I.... Il indique que la demande de M. I... relève du rang de priorité n° 2 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Haute-Normandie qui est " le maintien et la consolidation d'une exploitation existante " et que la demande de M. G... est considérée comme un agrandissement excessif au sens du 3° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime. Il précise que la demande de M. G... n'est pas prioritaire sur celle de M. I.... L'arrêté contesté, dont la motivation ne doit porter que sur les critères et éléments pertinents au regard de la législation applicable au contrôle des structures, comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivé. Par suite, la circonstance qu'il ne mentionne pas l'accord du propriétaire des parcelles en litige est sans incidence sur le caractère suffisant de cette motivation dès lors que l'obtention d'un tel accord n'est pas une condition requise dans le cadre de la législation relative au contrôle des structures agricoles.
5. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. / Ce contrôle a aussi pour objectifs de : / 1° Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles ; / 2° Promouvoir le développement des systèmes de production permettant de combiner performance économique et performance environnementale, dont ceux relevant du mode de production biologique au sens de l'article L. 641-13, ainsi que leur pérennisation ; / 3° Maintenir une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée, notamment en limitant les agrandissements et les concentrations d'exploitations au bénéfice, direct ou indirect, d'une même personne physique ou morale excessifs au regard des critères précisés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles ". Aux termes de l'article L. 331-1-1 du même code : " (...) 1° Est qualifié d'exploitation agricole, au sens du présent chapitre, l'ensemble des unités de production mises en valeur directement ou indirectement par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont les activités sont mentionnées à l'article L. 311-1 ; / 2° Est qualifié d'agrandissement d'exploitation ou de réunion d'exploitations au bénéfice d'une personne le fait, pour celle-ci, mettant en valeur une exploitation agricole à titre individuel ou dans le cadre d'une personne morale, d'accroître la superficie de cette exploitation ; la mise à disposition de biens d'un associé exploitant lors de son entrée dans une personne morale est également considérée comme un agrandissement ou une réunion d'exploitations au bénéfice de cette personne morale (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; / (...) / 3° Si l'opération conduit à un agrandissement ou à une concentration d'exploitations au bénéfice d'une même personne excessifs au regard des critères définis au 3° de l'article L. 331-1 et précisés par le schéma directeur régional des structures agricoles en application de l'article L. 312-1, sauf dans le cas où il n'y a pas d'autre candidat à la reprise de l'exploitation ou du bien considéré, ni de preneur en place ". Aux termes de l'article R. 331-1 du même code : " Pour l'application des dispositions du 1° de l'article L. 331-1-1, une personne associée d'une société à objet agricole est regardée comme mettant en valeur les unités de production de cette société si elle participe aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de ces unités de production ".
7. Enfin, aux termes de l'article 5 du schéma directeur des structures agricoles de la région Haute-Normandie : " Seront considérés comme excessifs au sens de l'article L. 312-1 les agrandissements et concentrations d'exploitation conduisant après reprise à une surface par actif exploitant supérieure à 150 ha ou à une surface d'exploitation supérieure à 300 ha ".
8. M. G... exploite, à titre individuel, des terres agricoles d'une superficie de 172 hectares 11 ares et il souhaite exploiter une superficie supplémentaire de 21 hectares 55 ares en devenant l'unique associé exploitant de la SCEA du Matré. L'autorisation aurait ainsi pour effet de porter à 193 hectares 66 ares la superficie exploitée à titre individuel par M. G... en qualité d'actif exploitant, soit une superficie totale supérieure au seuil de 150 ha fixé par l'article 5 précité du schéma directeur. Par suite, l'agrandissement qui résulterait de l'autorisation d'exploiter présenterait bien un caractère excessif au sens de l'article 5 du schéma directeur précité. En raison du caractère excessif de cet agrandissement qui ne s'évalue qu'au regard des actifs exploitants, la demande de M. G... ne peut être regardée comme relevant du rang de priorité n° 2 du schéma directeur, relatif au maintien et à la consolidation d'une exploitation existante. La préfète de la région Normandie n'avait donc pas à apprécier la dimension économiquement viable de l'exploitation en faisant application du critère de surface de 70 ha par unité de travail agricole (UTA) en fonction du nombre de salariés employés par l'intéressé.
9. En outre, dès lors que les terres en litige faisaient l'objet d'une candidature concurrente émanant de M. I..., la préfète de la région Normandie a pu, sans commettre d'erreur de droit, retenir le seul motif du caractère excessif de l'agrandissement pour refuser à M. G... l'autorisation d'exploiter demandée, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 331-3-1 3° du code rural et de la pêche maritime. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que ces terres sont mises à disposition de la SCEA du Matré par leur propriétaire, M. C... A..., qu'elles sont libres de location et que leur propriétaire n'entend ni les céder ni les louer à M. I..., le régime du contrôle des structures est indépendant du régime des baux ruraux de sorte qu'en prenant l'arrêté attaqué, la préfète de la région Normandie n'a pas commis d'erreur d'appréciation. Le moyen sera donc écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2019 lui refusant l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées AI n° 23 et ZE n° 20 situées sur la commune de Mesnil-Panneville.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, le versement d'une somme à M. G... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... G... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie sera adressée au préfet de la région Normandie.
Délibéré après l'audience publique du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,
- Mme Muriel Milard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.
La rapporteure,
Signé : M. D...La présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°21DA01733