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24/03/2022 | FRANCE | N°21DA01318

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 24 mars 2022, 21DA01318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel la commune de Bruay-sur-l'Escaut a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1908382 du 21 avril 2021 le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel la commune de Bruay-sur-l'Escaut a

refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B..., rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel la commune de Bruay-sur-l'Escaut a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1908382 du 21 avril 2021 le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel la commune de Bruay-sur-l'Escaut a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B..., rejeté le surplus des conclusions de la requête et rejeté les conclusions présentées par la commune de Bruay-sur-L'Escaut au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 15 juin 2021 sous le n° 21DA01318 et un mémoire complémentaire enregistré le 14 janvier 2022, la commune de Bruay-sur-l'Escaut, représentée par Me Grand d'Esnon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en se fondant sur la date du 19 mars 2019 pour apprécier la légalité de la décision attaquée du 15 juillet 2019, soit environ quatre mois après, les juges ont commis une erreur de droit ;

- les premiers juges ont rajouté une condition à la disposition appliquée en retenant le motif tiré de ce que la commune n'avait pas prouvé que la requérante était l'unique responsable des difficultés relationnelles à l'origine de sa maladie ; ils ont ainsi méconnu l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve car il incombe à l'agent de prouver la responsabilité de l'administration ;

- l'attitude de Mme B... est l'unique cause de ses difficultés relationnelles ayant conduit à sa dépression ;

- la pathologie dont souffre Mme B... n'est pas imputable au service.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Fréger, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 janvier 2022 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2022 à 12 heures.

Mme A... B..., représentée par Me Fréger, a produit un mémoire le 1er février 2022, après clôture de l'instruction.

II. Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022 sous le n° 22DA00107, la commune de Bruay-sur-l'Escaut, représentée par Me Grand d'Esnon, demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lille ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est recevable ;

- les moyens qu'elle expose dans la requête d'appel sont sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Durrleman, représentant la commune de Bruay-sur-l'Escaut, et de Me Freger, représentant Mme A... B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agent administratif principal de 2ème classe, est employée par la commune de Bruay-sur-l'Escaut. Elle a été placée en congé maladie à compter du 24 octobre 2017 pour un syndrome anxio-dépressif. Par un arrêté du 15 juillet 2019, la commune de Bruay-sur-l'Escaut a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Par jugement du 21 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a notamment annulé l'arrêté précité. La commune de Bruay-sur-l'Escaut relève appel de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 21DA01318 et n° 22DA00107 visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme B... :

3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".

4. L'application des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique instituant un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " par insertion dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires d'un article 21 bis n'est pas possible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue sous forme de décret en Conseil d'Etat par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. La maladie de Mme B... a été diagnostiquée le 24 octobre 2017 soit antérieurement à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'article 21 bis. Aussi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il y a lieu d'appliquer les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 mentionnée ci-dessus dans sa rédaction alors applicable.

5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

6. Le 26 juillet 2016, le médecin de prévention a constaté des conditions de travail difficiles. Le médecin traitant et son remplaçant ont également constaté un état d'angoisse et une anxiété réactionnelle avec début d'état dépressif, sans antécédent dépressif. Le médecin psychiatre ayant procédé le 25 mars 2019 a une expertise, a conclu que " la pathologie présentée par Mme B... nécessite la poursuite du congé actuel et relève de la maladie professionnelle ". La commission de réforme, des agents de la fonction publique territoriale du centre de gestion du Nord a émis le 24 mai 2019 un avis favorable sur la nature professionnelle de la pathologie. Ces avis médicaux étayent l'existence d'un lien direct et certain entre l'activité professionnelle de l'intéressée et le syndrome anxio-dépressif dont elle est atteinte.

7. Toutefois, la commune de Bruay-sur-l'Escaut soutient que Mme B... est par son fait personnel, à l'origine de sa pathologie dépressive et que son comportement a été la cause déterminante de la dégradation des conditions d'exercice professionnel. Elle produit à cet effet plusieurs attestations, soit de supérieurs hiérarchiques de l'intéressée, soit de collègues. Mme B... produit nombre d'attestations contraires en retour. Il en ressort que des évènements professionnels tels que sa mutation pour 50 % de son temps de travail et la baisse de certaines de ses primes, sans que son comportement en soit directement la cause, ont néanmoins été ressentis par Mme B... comme de la défiance à son encontre et se sont traduits chez elle par une pathologie dépressive générant de la rancœur. Ces évènements professionnels constituent bien la cause déterminante de la pathologie de Mme B... et non son propre comportement. Dans ces conditions, l'arrêt de travail et les soins portés à Mme B... à compter du 24 octobre 2017 doivent être regardés comme présentant un lien direct et certain avec le service. Dès lors, la commune de Bruay-sur-l'Escaut n'est pas fondée à soutenir qu'en présence d'un fait personnel de l'agent, elle n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bruay-sur-l'Escaut n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en litige.

Sur la demande de sursis à exécution du jugement :

9. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 22DA00107 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais liés aux litiges :

10. Les conclusions présentées par la commune de Bruay-sur-l'Escaut sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les deux dossiers, doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune

de Bruay-sur-l'Escaut le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme B... dans le dossier n° 21DA01318 et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22DA00107 tendant au sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 21 avril 2021 n° 1908382.

Article 2 : La requête n° 21DA01318 de la commune de Bruay-sur-l'Escaut est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans la requête n° 22DA01318 sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Bruay-sur-l'Escaut sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans la requête n° 22DA00107 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune

de Bruay-sur-l'Escaut.

Délibéré après l'audience publique du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Chloé Huls-Carlier

2

N°s21DA01318, 22DA00107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01318
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-07-02 Procédure. - Introduction de l'instance. - Délais. - Point de départ des délais.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS ACTION CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-24;21da01318 ?
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