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24/03/2022 | FRANCE | N°20DA01304

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 24 mars 2022, 20DA01304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... par une première requête n° 1802428 a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 9 août 2017 par lesquels le maire de la commune de Bruay-sur-l'Escaut lui a attribué l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et le complément indemnitaire annuel pour la période du 1er septembre 2017 au 31 octobre 2017 ainsi que les arrêtés du 23 octobre 2017 par lesquels le maire lui a attribué l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et le complément

indemnitaire annuel à compter du 1er novembre 2017 en tant que ces décisions lui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... par une première requête n° 1802428 a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 9 août 2017 par lesquels le maire de la commune de Bruay-sur-l'Escaut lui a attribué l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et le complément indemnitaire annuel pour la période du 1er septembre 2017 au 31 octobre 2017 ainsi que les arrêtés du 23 octobre 2017 par lesquels le maire lui a attribué l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et le complément indemnitaire annuel à compter du 1er novembre 2017 en tant que ces décisions lui attribuent une indemnité d'un montant inférieur à celui auquel elle a droit, d'annuler la décision du 3 octobre 2017 par laquelle le maire de la commune de Bruay-sur-l'Escaut a prononcé sa mutation sur le poste d'agent en responsabilité sur la formation professionnelle et en charge des marchés publics et assurances, de condamner la commune de Bruay-sur-l'Escaut à lui verser la somme de 25 000 euros, avec intérêts de droits à compter du 29 janvier 2018 et capitalisation des intérêts, en réparation des dommages qu'elle a subis du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral et d'un exercice abusif du pouvoir hiérarchique par l'autorité territoriale, d'annuler la décision du 29 janvier 2018 par laquelle le maire de la commune de Bruay-sur-l'Escaut a rejeté son recours préalable tendant au versement d'une indemnité de 25 000 euros en réparation des dommages qu'elle a subis du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral et d'un exercice abusif du pouvoir hiérarchique par l'autorité territoriale et de mettre à la charge de la commune de Bruay-sur-l'Escaut la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... B... par une deuxième requête n° 1803033 a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 29 janvier 2018 par laquelle le maire de la commune de Bruay-sur-l'Escaut a rejeté sa demande indemnitaire préalable, de condamner la commune de Bruay-sur-l'Escaut à lui verser la somme de 25 000 euros, avec intérêts de droits à compter du 29 janvier 2018 et capitalisation des intérêts, en réparation des dommages qu'elle a subis du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral et d'un exercice abusif du pouvoir hiérarchique par l'autorité territoriale et de mettre à la charge de la commune de Bruay-sur-l'Escaut la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... B... par une troisième requête n° 1803035 a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 9 août 2017 par lesquels le maire de la commune de Bruay-sur-l'Escaut lui a attribué l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et le complément indemnitaire annuel pour la période du 1er septembre 2017 au 31 octobre 2017 ainsi que les arrêtés du 23 octobre 2017 par lesquels le maire de la commune lui a attribué l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et le complément indemnitaire annuel à compter du 1er novembre 2017, ensemble la décision du 29 janvier 2018 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux, en tant que ces décisions lui attribuent une indemnité d'un montant inférieur à celui auquel elle a droit, d'enjoindre au maire de la commune de Bruay-sur-l'Escaut de réexaminer sa situation au regard de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et du complément indemnitaire annuel pour la période du 1er septembre 2017 au 31 octobre 2017, d'une part, et à compter du 1er novembre 2017, d'autre part, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de la commune de Bruay-sur-l'Escaut la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... B... par une quatrième requête n° 1803039 a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 3 octobre 2017 par laquelle le maire de la commune de Bruay-sur-l'Escaut a prononcé sa mutation sur le poste d'agent en responsabilité sur la formation professionnelle et en charge des marchés publics et assurances, ensemble la décision du 29 janvier 2018 rejetant son recours administratif et de mettre à la charge de la commune de Bruay-sur-l'Escaut la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement commun nos 1802428, 1803033, 1803035, 1803039 du 24 juin 2020 du 24 juin 2020 le tribunal administratif de Lille après avoir joint ces requêtes a radié des registres du tribunal la requête n° 1802428 et a rejeté les requêtes nos 1803033, 1803035 et 1803039 et mis à la charge de Mme B... le versement à la commune de Bruay-sur-l'Escaut de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 août 2020, 10 août, 14 novembre et 26 novembre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Freger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 29 janvier 2018 par laquelle le maire de la commune de Bruay-sur-l'Escaut a rejeté sa demande indemnitaire préalable et à la condamnation de la commune de Bruay-sur-l'Escaut à lui verser la somme de 25 000 euros, avec intérêts de droits à compter du 29 janvier 2018 et capitalisation des intérêts, en réparation des dommages qu'elle a subis du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral et d'un exercice abusif du pouvoir hiérarchique par l'autorité territoriale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Bruay-sur-l'Escaut la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation au regard de la matérialité des faits et des justifications de la commune de Bruay-sur-l'Escaut ;

- les agissements de la commune de Bruay-sur-l'Escaut sont constitutifs d'un exercice abusif du pouvoir hiérarchique de l'autorité territoriale ;

- ils constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de la commune de Bruay-sur-l'Escaut ;

- elle a subi un préjudice thérapeutique, un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qui doivent être évalués à une somme globale de 25 000 euros.

Par des mémoires enregistrés les 22 juillet, 21 septembre, 12 octobre, 23 novembre et 6 décembre 2021, la commune de Bruay-sur-l'Escaut, représentée par Me Grand d'Esnon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 novembre 2021, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 6 décembre 2021 à 12 heures.

La commune de Bruay-sur-l'Escaut, représentée par Me Grand d'Esnon, a produit un mémoire le 6 janvier 2022, après clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Freger, représentant Mme A... B... et de Me Durrleman représentant la commune de Bruay-sur-l'Escaut.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agent administratif principal de 2ème classe, est employée par la commune de Bruay-sur-l'Escaut depuis le 1er octobre 2003. Elle occupait un poste à temps plein au sein du service des ressources humaines jusqu'au 20 octobre 2017. Estimant avoir subi des agissements constitutifs de harcèlement moral et un exercice abusif du pouvoir hiérarchique par l'autorité territoriale, elle a demandé à la commune de Bruay-sur-l'Escaut le versement d'une indemnité de 25 000 euros en réparation des dommages causés par les agissements en question. Par une décision du 29 janvier 2018 la maire de la commune de Bruay-sur-l'Escaut a rejeté son recours préalable. Mme B... relève appel du jugement du 24 juin 2020 du tribunal administratif de Lille en ce qu'il a rejeté ses demandes.

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. En outre, pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique mais, dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions du fonctionnaire justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

4. En l'espèce, Mme B... soutient que ses conditions de travail ont commencé à se dégrader dès 2016 lorsqu'elle a fait l'objet de propos malveillants après que ses deux frères ont créé un groupe local d'opposition à la nouvelle majorité élue en 2014. Elle allègue avoir été victime d'une tentative de " mise au placard ", que son entretien d'évaluation portant sur l'année 2016 comporte des observations à caractère vexatoire et erroné, être victime d'une diminution injustifiée de son régime indemnitaire et avoir subi une agression verbale et une bousculade de la part de la maire le 20 septembre 2017. Mme B... indique que son état de santé s'est progressivement dégradé avec début d'état dépressif qui a donné lieu à des arrêts de travail du 11 au 15 juillet 2017 et du 24 octobre au 3 novembre 2017.

5. Il résulte de l'instruction qu'en 2016, la commune a réfléchi à la mise en place d'une nouvelle organisation dans laquelle plusieurs agents pourraient voir leur poste évoluer, dont celui de Mme B..., sans qu'elle soit personnellement visée. Sa mutation en 2017, pour moitié de son temps, dans un service dédié aux assurances et aux marchés publics, s'explique par la nécessité d'améliorer la répartition des effectifs du personnel de la commune. Le compte rendu d'entretien d'évaluation portant sur l'année 2016, comporte une appréciation globalement positive qui toutefois indique un retard à remettre un plan de formation, sans que cette appréciation n'excède l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par ailleurs les reproches faits par la commune à Mme B... portent sur des écarts de comportement dont la matérialité ressort des pièces versées au dossier et ces reproches n'excèdent pas non plus les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Les témoignages suffisamment précis et concordants qui figurent au dossier et dont rien ne permet de conclure, comme le fait l'appelante, qu'ils constitueraient des témoignages de complaisance, révèlent que la maire a convoqué Mme B... le 20 septembre 2017, pour lui faire part de reproches sur son comportement peu respectueux envers sa hiérarchie, puis devant la tournure de la discussion, lui a demandé de sortir de son bureau en accompagnant sa demande d'un geste dénué de violence. Cet entretien ne saurait être regardé comme caractérisant une agression comme le fait valoir Mme B.... Enfin, la baisse de ses primes s'inscrit dans une refonte du régime indemnitaire à la suite de difficultés financières de la commune, et dans le cadre de laquelle plusieurs agents ont vu leurs primes baisser.

6. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... ait été victime d'agissements répétés de harcèlement moral exercés à son encontre, au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Dès lors, ils ne présentent pas le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration. Ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme au titre des frais exposés par la commune de Bruay-sur-l'Escaut et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Bruay-sur-l'Escaut sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Bruay-sur-l'Escaut.

Délibéré après l'audience publique du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Chloé. Huls-Carlier

2

N°20DA01304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01304
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS ACTION CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-24;20da01304 ?
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