La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2022 | FRANCE | N°21DA00424

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 mars 2022, 21DA00424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale "

ou " salarié ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... A... la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2004171 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. B... un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2021, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mathieu Sauveplane, président assesseur, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., se déclarant ressortissant guinéen né le 20 août 2001 à Boké (République de Guinée), est entré sur le territoire français le 3 novembre 2017, selon ses déclarations. M. B..., qui a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par décision de justice du 24 janvier 2018, a présenté, le 29 juillet 2019, une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 313-14 et de l'article L. 313-15 du même code. Par un arrêté du 31 juillet 2020, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. B... un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Le préfet de Seine-Maritime relève régulièrement appel de ce jugement.

2. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a estimé que le préfet de Seine-Maritime ne pouvait pas, sans entacher sa décision d'erreur de droit, se fonder sur l'existence de liens de M. B... avec son pays d'origine, pour refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Le tribunal a également relevé que le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation, eu égard notamment au suivi par M. B... d'une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et de l'avis émis le 15 juillet 2019 par la structure d'accueil sur l'insertion de l'intéressé dans la société française.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".

4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

5. D'autre part, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Il résulte de ces dernières dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. En l'espèce, pour refuser de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité par celui-ci, le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé, notamment, sur l'existence de manœuvres frauduleuses, exercées par l'intéressé, en vue d'obtenir un droit au séjour. Il verse au dossier les résultats des analyses en fraude documentaire et à l'identité, réalisées par le service de police aux frontières de Rouen, d'après lesquelles le jugement supplétif et la carte d'identité consulaire présentés par M. B... ne sont pas des documents authentiques. En particulier, ces analyses relèvent que le jugement supplétif a été falsifié par apposition d'un timbre humide contrefait et que l'acte administratif de transcription de ce jugement supplétif comporte des mentions contraires à la législation guinéenne. Au regard de l'ensemble de ces éléments, et alors d'ailleurs qu'il existe un contexte de fraude massive à l'état civil en Guinée visant à l'obtention du statut de mineur non accompagné en France, le préfet de la Seine-Maritime a pu légalement se fonder sur l'existence de manœuvres frauduleuses, exercées par M. B... en vue d'obtenir un droit au séjour, pour refuser de délivrer à ce dernier un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, après avoir écarté comme dépourvue d'éléments probants sa contestation de l'identité de l'étranger, ont retenu le moyen tiré de l'erreur de droit et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté du 31 juillet 2020.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... tant en première instance qu'en appel.

9. En premier lieu, le titre de séjour ayant été demandé sur le fondement d'une minorité, lors de l'entrée sur le territoire français, étayée par des documents frauduleux, le préfet de la Seine-Maritime était tenu de refuser la demande de titre de séjour formée par M. B... sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En conséquence les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'édiction de l'arrêté contesté, de l'insuffisance de motivation de cet arrêté, de l'absence d'examen particulier et complet de la demande de titre de séjour, de l'erreur de fait et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du même code sont inopérants.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui est entré récemment sur le territoire français, est célibataire et sans enfant. Il ne fait pas état d'une particulière insertion dans la société française. Par suite, le refus de titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code, et n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En troisième et dernier lieu, il y a lieu d'écarter pour les mêmes motifs ces moyens en tant qu'ils sont articulés à l'appui des conclusions à fin d'annulation de la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 31 juillet 2020, a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. B... un titre de séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de celui-ci de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen doit être rejetée. Il en est de même de l'ensemble des conclusions que M. B... présente devant la cour.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2004171 du 12 janvier 2021 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen ainsi que les conclusions présentées par celui-ci devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... B... et à Me Leroy.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

N°21DA00424 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00424
Date de la décision : 03/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LEROY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-03;21da00424 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award