La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2022 | FRANCE | N°20DA00265

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 mars 2022, 20DA00265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Germain a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1702942, 1702943 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a re

jeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Germain a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1702942, 1702943 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 février 2020, 5 octobre 2020, 12 octobre 2020 et 2 novembre 2020, la SCI Germain, représentée par Me Douet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge ;

2°) de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Germain, qui n'avait pas opté pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, a fait l'objet d'un contrôle sur place de ses documents comptables à l'issue duquel l'administration fiscale a estimé qu'elle avait réalisé, à titre habituel et dans une intention spéculative depuis sa création, des profits de marchand de biens, de constructeur et de lotisseur immobiliers. En conséquence, l'administration l'a assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2012 et a rappelé des droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 en suivant la procédure de redressement contradictoire. Par un jugement du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté, notamment, la demande de la SCI Germain tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. La SCI Germain relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge.

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions en litige :

2. Aux termes de l'article 35 du code général des impôts : " I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés. / 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux ; / (...) / 3° Personnes qui procèdent à la cession d'un terrain divisé en lots destinés à être construits lorsque le terrain a été acquis à cet effet ; / (...) ". En vertu de l'article 206 de ce code, relatif au champ d'application de l'impôt sur les sociétés, les sociétés civiles sont passibles de l'impôt sur les sociétés si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35. Par ailleurs, aux termes de l'article 256 du même code : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) ". Aux termes de l'article 257 de ce code : " I. Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. / 1. Sont assimilés à des biens corporels et suivent le régime du bien immeuble auquel ils se rapportent : / 1° Les droits réels immobiliers, à l'exception des locations résultant de baux qui confèrent un droit de jouissance ; / 2° Les droits relatifs aux promesses de vente ; / 3° Les parts d'intérêts et actions dont la possession assure en droit ou en fait l'attribution en propriété ou en jouissance d'un bien immeuble ou d'une fraction d'un bien immeuble ; / 4° Les droits au titre d'un contrat de fiducie représentatifs d'un bien immeuble. / 2. Sont considérés : / 1° Comme terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ; / 2° Comme immeubles neufs, les immeubles qui ne sont pas achevés depuis plus de cinq années, qu'ils résultent d'une construction nouvelle ou de travaux portant sur des immeubles existants qui ont consisté en une surélévation ou qui ont rendu à l'état neuf ; / (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une société est réputée exercer une activité de lotisseur ou de marchand de biens si elle réalise de manière habituelle des opérations immobilières procédant d'une intention spéculative. Cette qualification la rend passible de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée pour ses activités immobilières commerciales.

3. La SCI Germain, dont les statuts font état d'une activité commerciale d'achat, de gestion, de rénovation et de vente de biens immobiliers, a acquis en novembre 2002 un ensemble immobilier d'une surface de 99 391 m², composé de sept parcelles, pour une somme de 152 450 euros. Dès le mois de décembre 2003, des démarches ont été accomplies par la SCI Germain en vue d'obtenir un certificat d'urbanisme, qui a été accordé le 4 août 2004, suivi d'une autorisation de lotir le 17 novembre 2005, soit le tout dans un délai inférieur à vingt-quatre mois après l'acquisition de la parcelle. Ces démarches ont permis, entre 2006 et 2017, la vente de dix-sept lots issus de trois opérations de lotissement des parcelles, ayant généré la réalisation d'une trentaine de terrains à bâtir, la réalisation de deux ventes d'immeubles en 2010 et 2014 et la réalisation de deux ventes de maisons en 2006 et 2007. Il en a résulté un profit pour la SCI Germain d'un montant total de 1 239 000 euros. Ces éléments traduisent une intention spéculative de la part de la SCI Germain dès l'acquisition du bien en 2002.

4. Pour s'opposer à l'assujettissement de ces opérations à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée, la SCI Germain fait valoir, en premier lieu, qu'elle n'a procédé à l'acquisition que d'un seul bien. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à lui ôter la qualification de marchand de biens dès lors qu'une unique acquisition peut être réalisée avec une intention spéculative. En l'espèce, pour les motifs exposés au point 3, l'acquisition réalisée en 2002 par la SCI Germain a été faite avec une intention spéculative.

5. En deuxième lieu la circonstance qu'une partie du terrain acquis par la SCI Germain était loué à bail rural n'est pas de nature à retirer son caractère spéculatif à l'opération immobilière réalisée par la SCI Germain dès lors, d'une part, que ce bail rural ne couvrait pas l'intégralité des sept parcelles acquises en 2002 et que, d'autre part, dès avant la résiliation judiciaire du bail rural en 2010, la société avait procédé à la vente de six terrains à bâtir et de trois maisons.

6. En troisième lieu, la circonstance qu'il se soit écoulé un délai de quatre ans entre l'acquisition de la parcelle et la première vente n'est pas davantage de nature à retirer son caractère spéculatif à l'opération immobilière réalisée par la SCI Germain dès lors que l'intention spéculative découle, d'une part, des statuts de la société qui font état d'une activité commerciale d'achat, de gestion, de rénovation et de vente de biens immobiliers et, d'autre, part, du bref délai entre l'acquisition de la parcelle en novembre 2002 et les démarches accomplies dès le mois de décembre 2003 afin d'obtenir un certificat d'urbanisme puis une autorisation de lotir.

7. En quatrième lieu, la SCI Germain ne saurait utilement invoquer la difficulté qu'elle a rencontrée pour mener à bien son projet de création d'une activité de haras pour chevaux dès lors que ce projet n'a pris corps qu'en 2004, soit après les démarches accomplies dès le mois de décembre 2003 afin d'obtenir un certificat d'urbanisme et une autorisation de lotir, et qu'il ne concernait qu'une surface restreinte alors que l'intention spéculative était présente dès l'acquisition de la parcelle en 2002, pour les motifs rappelés au point 3.

8. En cinquième et dernier lieu, l'attestation des services fiscaux, en date du 11 avril 2014, indiquant que la SCI Germain n'était pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige dès lors, d'une part, que cette attestation n'est pas une prise de position des services fiscaux sur la situation fiscale de la société mais la simple constatation que la SCI Germain n'avait pas déclaré être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, que ce certificat a été demandé et obtenu antérieurement à la vérification de comptabilité, qui a eu lieu du 28 avril au 23 juin 2015, à l'issue de laquelle l'administration a estimé, par une proposition de rectification du 26 juin 2015, que la SCI Germain devait être assujettie à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée, enfin, que cette attestation, délivrée en 2014, reste sans effet sur l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée de la société pour les années 2012 et 2013. Par suite, cette attestation n'est pas opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention spéculative de la SCI Germain dès l'acquisition de la parcelle en 2002. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a assujetti la SCI Germain à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de la SCI Germain tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Germain est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Germain et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie-en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

N°20DA00265 2


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award