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03/03/2022 | FRANCE | N°20DA00264

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 mars 2022, 20DA00264


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1702942, 1702943 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 février 2020 et le 5 octobre 2020,

Mme A..., représentée par Me Douet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1702942, 1702943 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 février 2020 et le 5 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me Douet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge ;

2°) de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Germain, dont Mme A... était la gérante et qui n'avait pas opté pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, a fait l'objet d'un contrôle sur place de ses documents comptables à l'issue duquel l'administration fiscale a estimé que cette société avait réalisé, à titre habituel et dans une intention spéculative depuis sa création, des profits en qualité de marchand de biens, de constructeur et de lotisseur immobiliers. En conséquence, l'administration a assujetti la SCI Germain à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2012 et a rappelé des droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 en suivant la procédure de redressement contradictoire. Par ailleurs, l'administration a également constaté que le compte courant d'associé de Mme A..., gérante de la SCI, présentait un solde créditeur en 2012 et en 2013. En conséquence, l'administration a assujetti Mme A... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dans la catégorie des revenus de capitaux mobilier, au titre des années 2012 et 2013, en suivant la procédure de redressement contradictoire. Par un jugement du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté, notamment, la demande de Mme A... tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a, en conséquence, été assujettie au titre des années 2012 et 2013. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge.

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions en litige :

2. Aux termes de l'article 35 du code général des impôts : " I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés. / 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux ; / (...) / 3° Personnes qui procèdent à la cession d'un terrain divisé en lots destinés à être construits lorsque le terrain a été acquis à cet effet ; / (...) ". En vertu de l'article 206 de ce code, relatif au champ d'application de l'impôt sur les sociétés, les sociétés civiles sont passibles de l'impôt sur les sociétés si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35. Il résulte de ces dispositions qu'une société est réputée exercer une activité de lotisseur ou de marchand de biens si elle réalise de manière habituelle des opérations immobilières procédant d'une intention spéculative. Cette qualification la rend passible de l'impôt sur les sociétés pour ses activités immobilières commerciales.

3. La SCI Germain, dont les statuts font état d'une activité commerciale d'achat, de gestion, de rénovation et de vente de biens immobiliers, a acquis en novembre 2002 un ensemble immobilier d'une surface de 99 391 m², composé de sept parcelles, pour une somme de 152 450 euros. Dès le mois de décembre 2003, des démarches ont été accomplies par la SCI Germain en vue d'obtenir un certificat d'urbanisme, qui a été accordé le 4 août 2004, suivi d'une autorisation de lotir le 17 novembre 2005, soit le tout dans un délai inférieur à vingt-quatre mois après l'acquisition de la parcelle. Ces démarches ont permis, entre 2006 et 2017, la vente de dix-sept lots issus de trois opérations de lotissement des parcelles, ayant généré la réalisation d'une trentaine de terrains à bâtir, la réalisation de deux ventes d'immeubles en 2010 et 2014 et la réalisation de deux ventes de maisons en 2006 et 2007. Il en a résulté un profit pour la SCI Germain d'un montant total de 1 239 000 euros. Ces éléments traduisent une intention spéculative de la part de la SCI Germain dès l'acquisition du bien en 2002.

4. Pour s'opposer à l'assujettissement de ces opérations à l'impôt sur les sociétés, Mme A... fait valoir, en premier lieu, que la SCI Germain n'a procédé à l'acquisition que d'un seul bien. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à lui ôter la qualification de marchand de biens dès lors qu'une unique acquisition peut être réalisée avec une intention spéculative. En l'espèce, pour les motifs exposés au point 3, l'acquisition réalisée en 2002 par la SCI Germain a été faite avec une intention spéculative.

5. En deuxième lieu la circonstance qu'une partie du terrain acquis par la SCI Germain était loué à bail rural n'est pas de nature à retirer son caractère spéculatif à l'opération immobilière menée par la SCI Germain dès lors, d'une part, que ce bail rural ne couvrait pas l'intégralité des sept parcelles acquises en 2002 et que, d'autre part, dès avant la résiliation judiciaire du bail rural en 2010, la société avait procédé à la vente de six terrains à bâtir et de trois maisons.

6. En troisième lieu, la circonstance qu'il se soit écoulé un délai de quatre ans entre l'acquisition de la parcelle et la première vente n'est pas davantage de nature à retirer son caractère spéculatif à l'opération immobilière réalisée par la SCI Germain dès lors que l'intention spéculative découle, d'une part, des statuts de la société qui font état d'une activité commerciale d'achat, de gestion, de rénovation et de vente de biens immobiliers et, d'autre, part, du bref délai entre l'acquisition de la parcelle en novembre 2002 et les démarches accomplies dès le mois de décembre 2003 afin d'obtenir un certificat d'urbanisme puis une autorisation de lotir.

7. En quatrième lieu, Mme A... ne saurait utilement invoquer la difficulté qu'elle a rencontrée pour mener à bien son projet de création d'une activité de haras pour chevaux dès lors que ce projet n'a pris corps qu'en 2004, soit après les démarches accomplies dès le mois de décembre 2003 afin d'obtenir un certificat d'urbanisme et une autorisation de lotir, et qu'il ne concernait qu'une surface restreinte alors que l'intention spéculative était présente dès l'acquisition de la parcelle en 2002, pour les motifs rappelés au point 3.

8. En cinquième et dernier lieu, l'attestation des services fiscaux, en date du 11 avril 2014, indiquant que la SCI Germain n'était pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige dès lors, d'une part, que cette attestation n'est pas une prise de position des services fiscaux sur la situation fiscale de la société mais la simple constatation que la SCI Germain n'avait pas déclaré être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, que ce certificat a été demandé et obtenu antérieurement à la vérification de comptabilité, qui a eu lieu du 28 avril au 23 juin 2015, à l'issue de laquelle l'administration a estimé, par une proposition de rectification du 26 juin 2015, que la SCI Germain devait être assujettie à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée, enfin, que cette attestation, délivrée en 2014, reste sans effet sur l'assujettissement de la société à l'impôt sur les sociétés pour les années 2012 et 2013. Par suite, cette attestation n'est, en tout état de cause, pas opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention spéculative de la SCI Germain lors de l'acquisition de la parcelle en 2002. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a assujetti la SCI Germain à l'impôt sur les sociétés et a constaté l'existence de revenus distribués à Mme A... en raison de l'excédent de prélèvements constatés sur le compte courant d'associé de celle-ci par rapport aux apports, lequel constitue une avance, au sens du a. de l'article 111 du code général des impôts, imposable à l'impôt sur le revenu. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

N°20DA00264 2


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