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22/02/2022 | FRANCE | N°21DA00982

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 22 février 2022, 21DA00982


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2020 du préfet de l'Eure refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n°2005008 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2021, M. C..., représenté par Me Vin

cent Souty, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2020 du préfet de l'Eure refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n°2005008 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2021, M. C..., représenté par Me Vincent Souty, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2020 du préfet de l'Eure ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par celui-ci à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant tunisien, né le 27 mars 1992, est entré sur le territoire français le 11 avril 2011, selon ses déclarations. Il a demandé le 14 septembre 2020 son admission au séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de sa qualité de parent d'un enfant français né le 27 février 2019. Il relève appel du jugement du 2 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2020 du préfet de l'Eure refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination de cette mesure.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'admettre, à titre provisoire, M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. M. C... soutient que le tribunal aurait omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision de refus de délai de départ volontaire était insuffisamment motivée. Toutefois, les premiers juges se sont prononcés sur ce moyen au point 5 du jugement attaqué. Par suite, le moyen d'irrégularité doit être écarté comme manquant en fait.

Sur le refus de titre de séjour :

5. M. C... reprend en cause d'appel, sans les assortir d'éléments de droit ou de fait nouveaux, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges aux points 5 et 6 du jugement, d'écarter ces moyens.

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. "

7. M. C... est père d'un enfant né le 27 février 2019, issu de sa relation avec une ressortissante française. Si la filiation de cet enfant n'a pas été remise en cause par le préfet, il ne ressort en revanche pas des seules pièces versées au dossier que M. C... contribuerait à l'éducation et à l'entretien de cet enfant depuis sa naissance. Si l'intéressé produit de nombreuses photographies ainsi que des témoignages de parents et d'amis, ceux-ci, non-circonstanciés, ne peuvent être regardés comme suffisamment probants, aucune pièce ne venant démontrer notamment une communauté de vie avec son enfant avant le mois de janvier 2021. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers doit être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

9. M. C... soutient vivre en concubinage depuis 2018 avec une ressortissante française dont il a eu un enfant né le 27 février 2019. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7, ce concubinage est récent. En outre, le requérant n'établit pas être dépourvu de toutes attaches privées et familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans. Par ailleurs, il ne justifie d'aucune insertion particulière dans la société française, ni d'insertion professionnelle. Enfin, s'il fait valoir que sa mère souffre de graves problèmes de santé, il n'établit cependant pas que sa présence auprès d'elle serait indispensable afin de l'aider dans les actes quotidiens, ni qu'il serait le seul à pouvoir lui apporter une telle assistance. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour en France de M. C..., le préfet de l'Eure n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a, ainsi, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. C....

10. M. C... reprend en cause d'appel, sans l'assortir d'éléments de droit ou de fait nouveaux, le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges au point 11 du jugement, d'écarter ce moyen.

11. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de cet article que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 et dès lors que la décision portant refus de séjour de M. C... n'a pas pour objet ni pour effet de séparer l'intéressé de son enfant, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

13. Enfin, le détournement de pouvoir allégué par M. C... n'est pas établi.

Sur l'obligation de quitter le territoire français sans délai et la décision fixant le pays de destination :

14. Comme cela a été dit précédemment, M. C... est père d'un enfant né le 27 février 2019, issu de sa relation avec une ressortissante française et la filiation de cet enfant n'a pas été remise en cause par le préfet. Si M. C... ne justifie pas contribuer à l'éducation et à l'entretien de cet enfant depuis sa naissance, il est établi qu'il réside avec ce dernier et sa mère au moins depuis le mois de janvier 2021. Dans ces conditions particulières, son éloignement priverait cet enfant A... la présence de son père qui, selon les témoignages qu'il produit, s'en occupe effectivement. Par suite, l'intérêt supérieur de l'enfant fait obstacle à ce que le préfet prononce l'éloignement de son père du territoire national. La décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. C..., et par voie de conséquence, celles refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination, doivent dès lors être annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

15. Suite à l'annulation d'une mesure d'éloignement et non d'un refus de séjour, il incombe seulement au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur son droit à un titre de séjour en tenant compte des motifs d'annulation de la décision d'éloignement. L'exécution du présent arrêt implique donc nécessairement d'enjoindre au préfet de l'Eure de munir M. C... d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas dans un délai de deux mois. Il n'y a pas lieu en l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. C... tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : M. C... est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Les décisions contenues à l'arrêté du 14 décembre 2020 du préfet de l'Eure faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination de cette mesure sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Eure de procéder au réexamen de la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'intervalle, de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé.

Article 4 : Le jugement n° 2005008 du 2 avril 2021 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet de l'Eure et à Me Vincent Souty.

2

N°21DA00982


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00982
Date de la décision : 22/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Chauvin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SOUTY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-02-22;21da00982 ?
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