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03/02/2022 | FRANCE | N°20DA01797

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 03 février 2022, 20DA01797


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision lui refusant l'accès au centre nucléaire de production d'électricité de Gravelines dont il a été informé oralement en janvier 2018, d'annuler la décision du ministre de la transition écologique et solidaire rejetant implicitement son recours administratif formé le 5 février 2018 à l'encontre de la décision lui refusant l'accès au centre nucléaire de production d'électricité de Gravelines, à titre subsidiaire, d'ordon

ner au ministre de la transition écologique et solidaire de produire dans un délai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision lui refusant l'accès au centre nucléaire de production d'électricité de Gravelines dont il a été informé oralement en janvier 2018, d'annuler la décision du ministre de la transition écologique et solidaire rejetant implicitement son recours administratif formé le 5 février 2018 à l'encontre de la décision lui refusant l'accès au centre nucléaire de production d'électricité de Gravelines, à titre subsidiaire, d'ordonner au ministre de la transition écologique et solidaire de produire dans un délai d'un mois tout élément complémentaire utile de nature à justifier les décisions contestées et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1804861 du 16 septembre 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 novembre 2020 et le 23 décembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Derec, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision lui refusant l'accès au centre nucléaire de production d'électricité de Gravelines portée à sa connaissance par voie orale en janvier 2018 ;

3°) d'annuler la décision du ministre de la transition écologique et solidaire rejetant implicitement son recours administratif formé le 5 février 2018 à l'encontre de la décision lui refusant l'accès au centre nucléaire de production d'électricité de Gravelines ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2017-1071 du 24 mai 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., étudiant pour l'année 2018-2019 en deuxième année de brevet de technicien supérieur en section conception et réalisation en chaudronnerie industrielle, a été recruté pour occuper un poste de technicien de maintenance dans le cadre d'un contrat d'apprentissage en alternance auprès de la société Electricité de France. Dans la perspective d'opérations de maintenance d'installations nucléaires, la société employant M. A... a déposé au mois de septembre 2017 une demande d'autorisation d'accès au centre nucléaire de production d'électricité de Gravelines. Au mois de janvier 2018, M. A... a été informé oralement du refus opposé à sa demande d'autorisation d'accès. M. A... a adressé un recours par lettre du 5 février 2018, au ministre de la transition écologique et solidaire, reçu le 13 mars 2018 qui a été implicitement rejeté. M. A... relève appel du jugement du 16 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de la décision lui refusant l'accès au centre nucléaire de production d'électricité de Gravelines portée à sa connaissance par voie orale en janvier 2018 et du rejet implicite de son recours gracieux.

2. Aux termes de l'article R. 1332-22-3 du code de la défense : " L'opérateur d'importance vitale informe par écrit la personne concernée de la demande d'avis formulée auprès de l'autorité administrative et lui indique que, dans ce cadre, elle fait l'objet d'une enquête administrative conformément aux dispositions de l'article L. 1332-2-1 du présent code. ". Aux termes de l'article L. 1332-2-1 du code de la défense : " L'accès à tout ou partie des établissements, installations et ouvrages désignés en application du présent chapitre est autorisé par l'opérateur qui peut demander l'avis de l'autorité administrative compétente dans les conditions et selon les modalités définies par décret en Conseil d'Etat. / L'avis est rendu à la suite d'une enquête administrative (...) / La personne concernée est informée de l'enquête administrative dont elle fait l'objet. ". Aux termes de l'article R. 1332-22-1 du code précité dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Avant d'autoriser l'accès d'une personne physique ou morale à tout ou partie d'un point d'importance vitale qu'il gère ou utilise, l'opérateur d'importance vitale peut demander par écrit l'avis du préfet de département dans le ressort duquel se situe le point d'importance vitale ou, pour les opérateurs d'importance vitale relevant du ministère de la défense, l'avis de l'autorité militaire désignée par le chef d'état-major des armées. / Cette demande peut justifier que soit diligentée sous le contrôle de l'autorité concernée une enquête administrative destinée à vérifier que les caractéristiques de la personne physique ou morale intéressée ne sont pas incompatibles avec l'accès envisagé et pouvant donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. / La demande d'avis mentionnée aux alinéas précédents concerne l'accès aux parties des points d'importance vitale déterminées à cette fin dans les plans particuliers de protection. ". Aux termes de l'article R. 1332-22-3 du code de la défense : " L'opérateur d'importance vitale informe par écrit la personne concernée de la demande d'avis formulée auprès de l'autorité administrative et lui indique que, dans ce cadre, elle fait l'objet d'une enquête administrative conformément aux dispositions de l'article L. 1332-2-1 du présent code. ". Aux termes de l'article R. 1332-33 du même code : " Préalablement à l'introduction d'un recours contentieux contre tout acte administratif pris en application du présent chapitre, à l'exception de la décision mentionnée au II de l'article R. 1332-26 ou de toute décision mentionnée à la section 7 bis du présent chapitre, le requérant adresse un recours administratif au ministre coordonnateur du secteur d'activités dont il relève. Le ministre statue dans un délai de deux mois. En l'absence de décision à l'expiration de ce délai, le recours est réputé être rejeté. ".

3. M. A... doit être regardé comme demandant l'annulation de la décision du ministre de la transition écologique et solidaire rejetant implicitement son recours formé le 5 février 2018, décision qui s'est substituée à la décision verbale de refus d'accès au centre nucléaire de production d'électricité de Gravelines qui lui a été opposée en janvier 2018.

4. En premier lieu, la lettre du 13 mars 2018 constitue l'accusé de réception du recours administratif préalable, indiquant le délai à partir duquel le silence gardé par l'autorité compétente ferait naître une décision implicite de rejet. Le moyen tiré de l'incompétence du chef du service de défense et de sécurité, signataire de cette lettre est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de la décision implicite en cause qui est réputée avoir été prise par le ministre de la transition écologique et solidaire, destinataire du recours administratif préalable obligatoire et qui, en application du décret n° 2017-1071 du 24 mai 2017, était l'autorité compétente pour statuer.

5. En deuxième lieu, d'une part, en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions administratives individuelles défavorables refusant une autorisation doivent être motivées, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a) au f) du 2° de l'article L. 311-5 du même code. Les dispositions du d) du 2° de cet article précisent que ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte à la sûreté de l'État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d'information des administrations. D'autre part, les centres nucléaires de production d'électricité constituent, selon les dispositions combinées des articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense et L. 593-1 du code de l'environnement, des installations et ouvrages d'importance vitale dont l'accès est, en vertu des dispositions de l'article L. 1332-2-1 du code de la défense, soumis à une autorisation préalable de l'opérateur, délivrée dans les conditions et selon les modalités définies à l'article R. 1332-22-1 du même code, en application de l'arrêté du 3 juillet 2008 portant modification de l'arrêté du 2 juin 2006 fixant la liste des secteurs d'activités d'importance vitale et désignant les ministres coordonnateurs desdits secteurs.

6. M. A... indique avoir en vain sollicité les motifs du refus implicite qui lui a été opposé. Mais il ressort des pièces du dossier que le ministre de la transition écologique et solidaire a entendu lui refuser l'accès au site du fait de ses " relations avec des individus pro-djihadistes " à la suite d'informations émanant des services de renseignements. Dans ces conditions, la communication d'un tel motif pouvait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du b) et du d) du 2° de l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration précité et entre ainsi dans le champ de la dérogation à l'obligation de motivation des décisions refusant une autorisation. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du ministre doit être écarté.

7. En troisième lieu, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. Il apparaît qu'en méconnaissance des articles L. 1332-2-1 et R. 1332-22-3 du code de la défense citée au point 2, M. A... n'a pas été informé de ce qu'une enquête administrative avait été diligentée et il fait valoir avoir été privé de la possibilité de développer des observations. Mais les dispositions précitées du code de la défense, qui se bornent à prévoir une simple information de l'intéressé, n'ont ni pour objet, ni pour effet de donner un caractère contradictoire à cette enquête. Dès lors, cette omission n'a pu exercer, au cas d'espèce, d'influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis et des résultats de l'enquête, ni avoir privé M. A... d'une garantie. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.

9. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la note blanche du 6 juin 2018 de la direction générale de la sécurité intérieure, que M. A... a été identifié en 2016 comme entretenant des " relations avec des individus pro-djihadistes ". Ainsi, il est apparu " à cette époque en contact étroit avec [ un] partisan de l'Etat islamique, velléitaire pour se rendre en Syrie et qui a été interpellé pour des faits de droit commun ainsi que des faits liés au terrorisme. ". La note blanche précise également que l'intéressé était également en relation avec un " islamiste radical de Lyon, connu de notre Direction. Ce groupe d'individus était suspecté de préparer une action violente sur le territoire national. ". Ces éléments relatifs à des faits antérieurs ou concomitants à l'intervention de la décision en litige, sont suffisamment précis pour caractériser l'incompatibilité du comportement et des fréquentations de M. A... avec l'autorisation d'accès sollicitée à un centre nucléaire de production d'électricité, qui constitue, selon les dispositions combinées des articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense et L. 593-1 du code de l'environnement, une installation d'importance vitale. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation que la ministre de la transition écologique et solidaire a pu considérer que le comportement du requérant, alors même que M. A... aurait un casier judiciaire vierge et n'aurait jamais eu affaire à la justice, était incompatible avec son accès au site nucléaire de production d'électricité de Gravelines.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

2

N° 20DA01797


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01797
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

08-20 Armées et défense.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL DEREC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-02-03;20da01797 ?
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