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18/01/2022 | FRANCE | N°20DA01182

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 18 janvier 2022, 20DA01182


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M... F..., Mme S... P... épouse F..., Mme Q... L... épouse F..., M. D... F..., M. O... F... et M. H... F... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 3 mai 2017 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) du Nord a rejeté la réclamation présentée par M. et Mme F... dans le cadre des opérations d'aménagement foncier agricole et forestier des communes d'Haussy-Montrecourt, Saulzoir, Saint-Python, Vendegies-sur-Ecaillon et Vertain, et d'ordonner u

ne expertise judiciaire.

Par un jugement n° 1706842 du 16 juin 2020, le t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M... F..., Mme S... P... épouse F..., Mme Q... L... épouse F..., M. D... F..., M. O... F... et M. H... F... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 3 mai 2017 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) du Nord a rejeté la réclamation présentée par M. et Mme F... dans le cadre des opérations d'aménagement foncier agricole et forestier des communes d'Haussy-Montrecourt, Saulzoir, Saint-Python, Vendegies-sur-Ecaillon et Vertain, et d'ordonner une expertise judiciaire.

Par un jugement n° 1706842 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision en tant qu'elle porte sur le compte de propriété n° 32 appartenant à M. H... F... et Mme G... I... et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédures devant la cour :

Par un arrêt n° 20DA01857 du 23 mars 2021, la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai a sursis à l'exécution de l'article 2 de ce jugement jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les requêtes n° 20DA01182 et 20DA01237.

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20DA01182, le 5 août 2020 et des mémoires enregistrés les 27 octobre 2020, 11 janvier et 12 février 2021, M. M... F..., Mme S... P... épouse F..., Mme Q... L... épouse F..., M. D... F..., M. O... F... et M. H... F..., représentés par Me Laëtitia Ricbourg, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande et d'annuler la décision de la CDAF d'Haussy-Montrecourt du 3 mai 2017 ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise judiciaire ;

3°) de mettre à la charge du département du Nord une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20DA01237 le 14 août 2020 et des mémoires en réplique, enregistrés les 22 décembre 2020 et 22 janvier 2021, le département du Nord, représenté par Me Louis Vermot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706842 du 16 juin 2020 en tant que le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 3 mai 2017 de la commission départementale d'aménagement foncier du Nord en tant qu'elle porte sur le compte de propriété n° 32 appartenant à M. H... F... et Mme G... I... ;

2°) de rejeter les demandes de M. H... F... et Mme G... I... ;

3°) de mettre à la charge des consorts F... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chauvin, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me Laetitia Ricbourg, représentant les consorts F..., et de Me Louis Vermot, représentant le département du Nord.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 25 mai 2010, le président du conseil général du Nord a créé la commission intercommunale d'aménagement foncier (CIAF) des communes d'Haussy et de Montrécourt. Après enquête publique, la CIAF, par une décision du 19 janvier 2011, s'est prononcée en faveur de la réalisation d'une opération d'aménagement foncier agricole et forestier sur les territoires des communes d'Haussy, de Montrécourt, étendue aux communes de Saulzoir, Saint-Python, Vendegies-sur-Ecaillon et Vertain. Par un arrêté du 16 novembre 2011, le président du conseil général du Nord a ordonné la mise en œuvre de la procédure d'aménagement foncier et a fixé le périmètre des opérations. A l'issue des séances des 21 et 29 mai 2013, la CIAF a approuvé le classement des terres. Le plan d'aménagement foncier a été approuvé par la CIAF lors de sa séance du 20 décembre 2016, au cours de laquelle la commission a également examiné les réclamations formées par M. et Mme M... F... et par M. et Mme D... F... et leur fils M. H... F..., propriétaires de parcelles sur les territoires des communes d'Haussy et de Montrécourt pour les rejeter par une décision du 3 mars 2017. Par une décision du 3 mai 2017, la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) d'Haussy-Montrecourt a statué sur les réclamations des consorts F... formées le 11 avril 2017 contre cette décision de la CIAF et a décidé de maintenir le projet concernant la parcelle YM n° 189 à Haussy, a accepté d'aménager un chemin en épingle et d'intégrer les travaux correspondant au programme de travaux connexes et a refusé de placer les réclamants sur les parcelles demandées situées au lieu-dit " l'Arbre de la Femme ".

2. Sous le n° 20DA01237, le département du Nord relève appel du jugement n° 1706842 du 16 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision du 3 mai 2017 de la CDAF en tant qu'elle porte sur le compte de propriété n° 32 appartenant à M. H... F... et Mme G... I..., et sous le n° 20DA01182 M. M... F..., Mme S... P... épouse F..., Mme Q... L... épouse F..., M. D... F..., M. O... F... et M. H... F... sollicitent l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté la requête présentée par M. O... F... comme irrecevable et le surplus des conclusions de leur demande.

3. Les requêtes n° 20DA01182 et 20DA01237 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 815-3 du code civil : " Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :/ 1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;/ 2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;/ 3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;/ 4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal./ Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers./ Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°./ Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration Mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux. ". L'intervention des propriétaires soumis à une opération d'aménagement foncier doit être regardée, en l'absence d'aliénation des biens, comme un acte d'administration au sens de l'article 815-3 précité du code civil qui peut, en tant que tel, être effectué par le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis.

5. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, de l'attestation d'un notaire du 27 septembre 2019 produite par les consorts F... que, à la suite du décès de Mme K... survenu le 3 avril 2013, M. O... F..., M. M... F... et Mme R... F... sont devenus propriétaires en indivision A... la parcelle cadastrée section ZV n° 83 située sur le territoire de la commune d'Haussy. S'il est constant que M. M... F..., qui a formulé devant la CDAF une réclamation préalable, laquelle mentionnait notamment le compte F... née K... 5660 (devenu 294), avait qualité pour ce faire sans mandat des autres indivisaires, il n'est en revanche pas allégué qu'il disposait d'au moins deux tiers des droits indivis ou d'un mandat général express ou tacite de gestion de ce bien. Dans ces conditions, il ne peut être regardé comme ayant agi au nom de son frère M. O... F... également propriétaire indivis. Ce dernier ne justifie pas avoir saisi la CDAF et la circonstance qu'il n'aurait pas reçu notification des décisions de la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier relatives à ses biens ne l'en dispensait pas. Il suit de là que les consorts F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté pour irrecevabilité la demande présentée par M. O... F....

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe soulevés à l'encontre de la décision du 3 mai 2017 de la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) :

6. Il ressort des pièces du dossier que la réclamation des consorts F... devant la CDAF portait, sans distinction par compte de propriété, notamment sur le principe de regroupement des parcelles qui n'avait pas selon eux été respecté avec l'existence de deux lots séparés et un éloignement de 2,5 à 3 km par rapport au siège de l'exploitation plus important qu'avant remembrement. Pour compenser l'allongement de la distance, ils rappelaient avoir demandé le regroupement des 5 ha de terres de M. H... F... route de Montrécourt auprès de leur parcelle de 2 ha située au lieudit " l'arbre de la femme " et s'être plaints d'un problème de surclassement des terres cultivées par les agriculteurs d'Haussy et d'une perte de 43 ares 46 ca, au lieu de celle estimée à 23 ares si leurs souhaits avaient été contentés. En outre, ils faisaient valoir une difficulté d'accès pour M. H... F... en raison d'un chemin en épingle sans dégagement et avec dénivelé et des erreurs soulevées pour les parcelles ZT5, ZT7 et ZT8 avant le remembrement. Enfin, ils signalaient que M. H... F... ne figurait pas sur la parcelle n° YM 189 alors qu'il en est propriétaire pour moitié.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la réclamation des consorts F..., la commission départementale d'aménagement foncier a mentionné leurs plaintes et, après avoir considéré que deux exploitations distinctes avaient été déclarées pour cette opération, la SCEA des Prés verts et l'exploitation de M. H... F... et que les comptes en apport et en attribution avaient été équilibrés conformément au classement approuvé par la commission intercommunale d'aménagement foncier d'Haussy-Montrécourt, elle a décidé " de maintenir le projet au lieudit 'l'Arbre de la Femme' et de ne pas y placer les réclamants ". Elle a en outre accepté d'aménager le chemin en épingle et a ainsi statué sur tous les moyens présentés. En l'absence d'obligation, pour la commission départementale d'aménagement foncier, de répondre à l'ensemble des arguments avancés devant elle à l'encontre des opérations de remembrement, et alors que ces dernières s'apprécient pour l'ensemble des terres appartenant au même compte d'un propriétaire, compte de propriété par compte de propriété, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 3 mai 2017 doit être écarté.

8. En deuxième lieu, si aux termes de l'article R. 121-12 du code rural et de la pêche maritime : " La commission (...) statue par une seule décision sur toutes les réclamations formées contre une même opération (...). / Les décisions de la commission départementale sont notifiées aux intéressés, (...) ", les consorts F... ne peuvent utilement se plaindre de ce que les décisions relatives aux réclamations présentées par les autres propriétaires intéressés ne leur ont pas été notifiées, alors en outre que les conditions de notification d'une décision sont en tout état de cause sans incidence sur sa légalité. Il ressort au demeurant des pièces du dossier que la commission a, conformément à ces dispositions, statué sur toutes les réclamations formées contre l'opération en litige.

9. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ". Eu égard à ses attributions, la commission départementale d'aménagement foncier n'étant pas un " tribunal " au sens de ces stipulations, les consorts F... ne peuvent utilement invoquer ces dernières.

10. D'autre part, aux termes de l'article R. 121-17 du code rural et de la pêche maritime : " Devant toutes les commissions d'aménagement foncier, les propriétaires, personnes physiques ou morales, ont la faculté de se faire représenter soit par un avocat inscrit au barreau, soit par toute personne dûment mandatée. / Les séances des commissions d'aménagement foncier ne sont pas publiques. "

11. Si les consorts F... soutiennent avoir été privés du conseil de leur choix pour les accompagner devant la CDAF, il est constant que M. C... N..., dont les requérants souhaitaient qu'il les accompagnât, n'est pas un avocat et il n'est pas rapporté la preuve de ce qu'il aurait été dûment mandaté alors à cet effet. Dans ces conditions, il ne pouvait les représenter et c'est à bon droit qu'il n'a pu assister à la séance de la commission qui n'est pas publique. Enfin, la circonstance que la commission ait indiqué par erreur qu'ils étaient assistés par cette personne, laquelle aurait été entendue dans le cadre de leur réclamation alors qu'il ne l'a pas été, ne constitue pas en soi un faux et est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense pris en toutes ses branches ne peut ainsi qu'être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 123-7 du code rural et de la pêche maritime : " Un avis indiquant les dates, lieux et modalités de la consultation prévue à l'article R. 123-6 est affiché à la mairie des communes faisant l'objet de l'aménagement foncier. Cet avis précise que les droits réels et les actions qui y sont attachées grevant les parcelles comprises dans le périmètre seront transférés de plein droit sur les parcelles attribuées lors du transfert de propriété prévu à l'article L. 121-21. / Notification de cet avis est faite à chacun des propriétaires dont les terrains sont compris dans le périmètre ou à leurs représentants. Lorsqu'il n'a pu être procédé à cette notification, l'acte de notification est déposé à la mairie de la ou des communes de la situation des terrains. / Cette notification comporte, pour chaque propriétaire, l'état des propriétés mentionné au 4° de l'article R. 123-5 ainsi que l'avis prévu au premier alinéa du présent article. / Ces mesures de publicité doivent intervenir au plus tard quinze jours avant l'ouverture de la consultation. ".

13. Si les consorts F... se plaignent de l'absence de notification du démarrage des opérations d'aménagement foncier à M. O... F... en méconnaissance des dispositions précitées, il ressort des pièces du dossier ainsi qu'il a été dit au point 5, que ce dernier est devenu propriétaire indivis avec son frère au décès de sa mère Mme K..., survenu le 3 avril 2013. Ainsi, la parcelle ZV n° 83 incluse dans le périmètre d'aménagement apparaissait toujours comme appartenant à Mme E... K..., veuve A... U... F... au moment de la publication en mairie de l'avis relatif aux dates, lieux et modalités de la consultation et à la date de cette consultation qui a eu lieu du 15 février au 15 mars 2013. Dans ces conditions, M. O... F... ne figurant pas alors comme propriétaire au titre du compte n° 5660, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-7 du code rural et de la pêche maritime ne peut, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par le département, qu'être écarté.

14. En cinquième et dernier lieu, s'il appartient à l'administration, après, le cas échéant, que la commission communale ou intercommunale a statué sur les éventuelles réclamations, de notifier à chacun des propriétaires la décision fixant leurs nouvelles attributions, l'absence d'une telle notification, hors l'hypothèse où il ne pourrait y être procédé, a seulement pour effet de ne pas faire courir le délai de saisine de la commission départementale prévue par les dispositions de l'article R. 121-6 du code rural et de la pêche maritime. Dès lors, les consorts F... ne peuvent utilement invoquer, pour contester la légalité de la décision du 3 mai 2017 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier du Nord a rejeté leur réclamation, l'absence de notification de la décision de la CIAF à M. O... F..., ni, ainsi qu'il a été dit au point 8, l'absence de notification de la décision contestée telle que prévue par l'article R. 121-12 du même code, qui est sans incidence sur sa légalité. Le moyen tiré de la méconnaissance des règles de notification à l'égard de ce dernier doit donc être écarté.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne soulevés à l'encontre de la décision du 3 mai 2017 de la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) :

15. Aux termes, d'une part, de l'article L. 121-20 du code rural et de la pêche maritime : " A dater de la délibération du conseil départemental ou, en cas d'application de l'article L. 123-24, de la décision de son président fixant le périmètre de l'opération d'aménagement foncier, tout projet de mutation de propriété entre vifs doit être sans délai porté à la connaissance de la commission communale ou intercommunale. / Si cette commission estime que la mutation envisagée est de nature à entraver la réalisation de l'aménagement foncier, la demande de mutation doit être soumise pour autorisation à la commission départementale d'aménagement foncier. / La mutation sur laquelle la commission départementale n'a pas statué dans un délai de trois mois à compter de la demande est considérée comme autorisée. / Les conditions de présentation et d'instruction des demandes d'autorisation de mutation, ainsi que la date à partir de laquelle ces demandes ne sont plus recevables, sont fixées par décret en Conseil d'Etat ".

16. L'article R. 121-28 du même code dispose : " La demande d'autorisation de mutation de propriétés comprises dans un périmètre d'aménagement foncier, prévue à l'article L. 121-20, doit être présentée sur papier libre et signée par les intéressés, leur mandataire ou un notaire. Elle doit préciser la désignation cadastrale et la superficie de la ou des parcelles ou parties de parcelles faisant l'objet du projet de mutation. Elle est adressée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au président de la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier. Elle peut aussi être déposée à la mairie, siège de la commission communale ou intercommunale, qui en délivre récépissé et la transmet au président de la commission communale ou intercommunale. / Cette demande n'est plus recevable si elle parvient à la commission communale ou intercommunale après l'approbation du plan d'aménagement foncier agricole et forestier ou, dans le cas d'échanges et cessions amiables d'immeubles ruraux et forestiers, après la décision de la commission départementale ".

17. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'aménagement foncier agricole, forestier et environnemental, applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. / Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis. Il doit également avoir pour objet l'aménagement rural du périmètre dans lequel il est mis en oeuvre et peut permettre, dans ce périmètre, une utilisation des parcelles à vocation naturelle, agricole ou forestière en vue de la préservation de l'environnement. / Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre d'exploitation principale, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire. "

18. L'article L. 123-4 du même code dispose : " Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu'il a apportés, déduction faite de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs mentionnés à l'article L. 123-8 et compte tenu des servitudes maintenues ou créées. (...) Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre d'exploitation principale, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire. " et son article L. 123-6 ajoute : " Sauf exception justifiée, il n'est créé qu'une seule parcelle par propriétaire dans une masse de répartition ".

18. Ces dispositions ne garantissent aux propriétaires ni une égalité absolue entre la surface qui leur est attribuée et celle de leurs apports, ni une équivalence parcelle par parcelle ou classe par classe entre ces terres. Les commissions d'aménagement foncier sont seulement tenues d'attribuer des lots équivalents en valeur de productivité réelle aux apports de chaque propriétaire après déduction de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs. La règle de l'équivalence entre les apports et les attributions s'apprécie non parcelle par parcelle Mais pour l'ensemble d'un compte de propriété.

19. En premier lieu, il est constant que les communes d'Haussy, Montrecourt et Saulzoir ont souhaité engager une procédure de remembrement rural pour lutter contre les coulées de boues et l'érosion des sols de leurs territoires et permettre un aménagement global, en particulier par la réalisation au niveau de chaque bassin versant de dispositifs d'hydraulique douce (plantation de haies, noues enherbées, bassins d'infiltration...). Si les consorts F... soutiennent que les pluies récentes ont montré l'inefficacité des travaux qui ont fondé à l'origine cet aménagement foncier agricole, cette circonstance, postérieure à la décision contestée, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

20. En deuxième lieu, il résulte des termes de la décision contestée que la CDAF a estimé qu'il y avait deux exploitations, celle de la SCEA des Prés vert dont le siège est situé à Saint Aubert et celle de M. F... H... alors que ce dernier, alors mineur et étudiant, n'avait pas d'exploitation. Toutefois, il est constant que la SCEA ne dispose pas d'un compte de propriété en propre et que la réclamation formée devant la commission concernait les quatre comptes de propriété appartenant aux différents membres de la famille F..., n° 278, n° 281 appartenant respectivement à M. et Mme D... F... et à M. et Mme M... F..., n° 5660 appartenant à Mme K..., décédée le 3 avril 2013 et n° 283 appartenant à M. H... F.... Dans ces conditions et dès lors que l'objectif fixé par les dispositions citées au point 17 s'apprécie au regard de l'ensemble des terres appartenant à un même compte de propriété, et non sur l'ensemble d'une exploitation, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette erreur de fait ait eu une influence sur la décision contestée.

21. En troisième lieu, si les consorts F... auraient souhaité que leurs terres soient regroupées en une seule grande parcelle autour du corps de ferme familiale situé à Saint-Aubert, il ressort des pièces du dossier que chacun des comptes de propriété précités a bénéficié du fait du remembrement, chacun en ce qui le concerne, d'un regroupement.

22. En quatrième lieu, les consorts F... soutiennent que la distance au siège d'exploitation par rapport à leur situation avant remembrement a augmenté. Il résulte du tableau figurant dans les écritures du préfet que s'agissant des comptes 281, 278 et 5660, la situation est globalement améliorée puisque ou bien le centre d'exploitation est rapproché, ou bien les parcelles attribuées sont regroupées. En revanche, s'agissant des comptes de propriété n°283 et n°32 appartenant à M. H... F... qu'il convient d'examiner séparément dès lors que l'allongement de la distance s'apprécie compte par compte de propriété, les attributions sont plus éloignées du centre d'exploitation respectivement de 729 et 780 m. Mais, pour le compte n° 283, cet allongement est compensé par un regroupement parcellaire qui a ramené le nombre de parcelles de deux à une.

23. S'agissant du compte n° 32 pour lequel n'a été reçue qu'une parcelle pour une parcelle d'apport, au surplus d'une valeur moindre, le département soutient par la voie de l'appel incident et dans sa requête n° 20DA01237 que n'ayant pas informé la commission intercommunale d'aménagement foncier de la mutation intervenue le 17 octobre 2014 entre Mme G... I... et M. H... F... portant sur la parcelle cadastrée ZC n° 42, la CDAF n'avait pas à en tenir compte pour l'appréciation de l'éloignement des centres d'exploitations.

24. Il est constant que par acte du 17 octobre 2014, postérieurement à l'arrêté préfectoral en date du 16 novembre 2011 fixant le périmètre des opérations de remembrement, Mme I... a donné à M. H... F... la moitié indivise de la parcelle ZC n° 42 sur le territoire de la commune de Montrécourt, d'une superficie de 2,8590 ha (devenue YM n° 189). Il n'est pas établi toutefois, ni même allégué que le projet de mutation aurait été préalablement porté à la connaissance de la CIAF en application de l'article L. 121-20 précité du code rural et de la pêche maritime, ainsi que le rappelait l'article 10 de cet arrêté, de sorte que cette commission n'a pas été mise à même d'apprécier, ainsi qu'il lui appartenait en vertu des dispositions précitées, si ce projet était susceptible d'entraver la réalisation de l'aménagement foncier dans son ensemble. La circonstance que la CIAF aurait été, de fait, informée de cette donation intervenue au cours des opérations d'aménagement, ainsi que la CDAF à travers la réclamation formulée devant elle, ne peut tenir lieu de demande d'autorisation au sens de l'article R. 121-28 précité du code rural et de la pêche maritime. Dans ces conditions, la procédure prévue par ces dispositions n'ayant pas été respectée, la commission a pu légalement, pour l'application des dispositions de l'article L. 123-4 précité du même code, ne pas tenir compte de cette mutation. Il suit de là que le moyen tiré de l'allongement du parcours des bâtiments d'exploitation aux terres du compte de propriété n° 32, est inopérant. Le département du Nord est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 3 mai 2017 de la CDAF en tant qu'elle porte sur le compte de propriété n° 32 appartenant à M. H... F... et Mme G... I....

25. En cinquième lieu, si les consorts F... contestent le classement de plusieurs parcelles au regard de la qualité des sols, de l'humidité ou du dénivelé, il ressort des pièces du dossier qu'ils n'avaient pas invoqué ce moyen devant la CDAF, la mention dans leur réclamation du 11 avril 2017 d'une perte de surfaces ne pouvant être regardée comme une telle contestation. Par ailleurs, apprécié compte par compte de propriété, il ressort des pièces du dossier que le remembrement a assuré aux requérants une équivalence en valeur de productivité réelle, alors même que les intéressés invoquent un surclassement de certaines terres qui leur ont été attribuées, sans en justifier. Ainsi, malgré la légère diminution de surface après remembrement de 43 ares et 46 centiares calculée pour l'ensemble des comptes de propriété les concernant, ils ne sont pas fondés à soutenir que la règle d'équivalence a été méconnue.

26. En sixième et dernier lieu, s'agissant de l'aggravation des conditions d'exploitation qui s'apprécie également non parcelle par parcelle Mais pour l'ensemble d'un compte de propriété, les consorts F... se plaignent notamment du mauvais état du chemin situé entre les deux ilots YM n° 188 et 189 et YM n° 195, 196, 197, 198 et 199 qui leur ont été attribués. Toutefois, et en tout état de cause, il n'est pas justifié par le constat d'huissier qu'ils produisent que ce chemin serait impraticable et la CDAF a accepté d'intégrer au programme des travaux connexes l'aménagement du virage en épingle. Les requérants ne peuvent à cet égard utilement soutenir que ces travaux ne sont pas techniquement réalisables.

27. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que le département du Nord est fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué et que les consorts F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les frais liés à l'instance :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Nord, qui n'est pas dans les instances enregistrées sous les n°20DA01182 et n° 20DA01237, la partie perdante, la somme demandée par les consorts F... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge des consorts F... la somme totale de 2 000 euros au titre des frais exposés par le département du Nord et non compris dans les dépens, pour les deux instances réunies.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1706842 du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les consorts F... verseront au département du Nord la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La requête n°20DA01182 des consorts F... et leurs conclusions présentées sous le n°20DA01237 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. M... F..., Mme S... P... épouse F..., Mme Q... L... épouse F..., M. D... F..., M. O... F... et M. H... F... et au département du Nord.

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

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N° 20DA01182-20DA01237


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01182
Date de la décision : 18/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-04 Agriculture et forêts. - Remembrement foncier agricole.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP FRISON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-01-18;20da01182 ?
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