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13/01/2022 | FRANCE | N°19DA02739

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 13 janvier 2022, 19DA02739


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Master Vidéo a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, de l'amende prévue à l'article 1759 du code général

des impôts.

Par un jugement n° 1803758 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Master Vidéo a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1803758 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, l'EURL Master Vidéo, représentée par Me Campbell-Boulogne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui accorder la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes, et de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Campbell-Boulogne, représentant l'EURL Master Vidéo.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Master Vidéo, qui exploite un établissement de spectacles et de rencontres, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a écarté comme non probante la comptabilité présentée par la société et a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires. En conséquence, l'administration l'a assujettie, en suivant la procédure de redressement contradictoire, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2012, a rappelé des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012 et lui a infligé l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. L'EURL Master Vidéo relève appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Sur le caractère non probant de la comptabilité :

2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il appartient à l'administration d'apporter la preuve des graves irrégularités qu'elle invoque à l'encontre de la comptabilité d'une entreprise. L'article 54 du code général des impôts prévoit, dans son premier alinéa, que : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ". Aux termes de l'article 290 quater du même code : " I. - Sur les lieux où sont organisés des spectacles comportant un prix d'entrée, les exploitants doivent délivrer un billet à chaque spectateur ou enregistrer et conserver dans un système informatisé les données relatives à l'entrée, avant l'accès au lieu du spectacle. (...) ".

3. Pour justifier du caractère non-probant de la comptabilité, l'administration fait valoir que, pour toute la période sous contrôle, la société enregistrait en comptabilité les recettes à partir des récapitulatifs de caisse mais n'a présenté aucun historique, aucune bande de caisse ni aucun brouillard de caisse. Par ailleurs, elle ne disposait d'aucune billetterie alors qu'en sa qualité d'entreprise de spectacle, elle aurait dû tenir une telle billetterie en application de l'article 290 quater I du code général des impôts. A l'appui de ces constatations, l'administration a également relevé une baisse des coefficients de marge brute entre l'exercice 2010 (3,10) et les exercices 2011 et 2012 (2,81 et 2,20 respectivement) sans que l'entreprise ait été en mesure d'expliquer cette baisse. Par ailleurs, l'administration ayant fait usage de son droit de communication auprès des entreprises Metro à Lomme et Hénin-Beaumont, elle a obtenu le relevé des achats qui a mis en évidence des factures d'achats non comptabilisées par la société.

4. D'une part, si l'EURL Master Vidéo soutient qu'elle n'était pas tenue de tenir une billetterie, il résulte au contraire des déclarations faites par le gérant au cours de la vérification de comptabilité que la société offre à ses clients la possibilité de visionner des films pornographiques. Dès lors, elle doit être qualifiée de " lieu où est organisé un spectacle " au sens de l'article 290 quater I du code général des impôts et devait tenir une billetterie. D'autre part, l'administration ne s'est pas exclusivement fondée sur un taux de marge brut anormalement bas pour rejeter la comptabilité mais a corroboré les vices graves affectant la comptabilité qu'elle a relevés, notamment l'existence de factures d'achats non comptabilisées, par un taux de marge brut en baisse et anormalement bas. Le cambriolage subi par l'entreprise en 2012 se saurait, à lui seul, expliquer, à cet égard, cette baisse du taux de marge brute, contrairement à ce que soutient la requérante. Enfin, la détérioration alléguée de l'environnement du quartier ne permet pas davantage d'expliquer cette baisse du taux de marge brute. Dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère non probant de la comptabilité de l'EURL Master Vidéo et c'est à bon droit qu'elle a procédé à la reconstitution extracomptable du chiffre d'affaires.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I. - Sous peine de nullité de 1'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois (...). / II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : / (...) / 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. / (...) ". Pour l'application de ces dispositions et l'appréciation de la durée de la vérification, la date d'achèvement de la vérification de comptabilité correspond à celle de la dernière intervention sur place du vérificateur.

6. La vérification de la comptabilité de l'EURL Master Vidéo a débuté le 14 mai 2013 et s'est achevée le 2 octobre 2013, soit une période totale inférieure à six mois. L'article L. 52 du code général des impôts n'impose pas à l'administration d'informer le contribuable de la faculté de prolonger la vérification de comptabilité en cas d'irrégularité entachant la comptabilité présentée. La société requérante ne peut pas davantage utilement invoquer la doctrine référencée BOI-CF-PGR-20-30 n° 140, laquelle est relative à la procédure d'imposition, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qui ne vise que les différends relatifs à l'interprétation d'un texte fiscal, ni les notes du directeur général des finances publiques du 4 novembre 2008 et du 7 février 2017. L'administration n'était pas davantage tenue de faire porter le débat oral et contradictoire sur le rejet de la comptabilité et l'extension de la durée de contrôle sur place avant la notification de proposition de rectification. Ainsi, l'absence d'information du contribuable sur l'extension de la durée de contrôle sur place en application du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales reste sans incidence sur la régularité de la procédure. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

7. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) ".

8. En l'espèce, la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ayant pas été saisie, la charge de la preuve incombe à l'administration.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

9. Pour reconstituer le chiffre d'affaires, l'administration s'est fondée sur les factures d'achat des boissons, arômes et accessoires. Les ventes ont été reconstituées en fonction des tarifs indiqués par le gérant au cours du contrôle, corrigées de la variation des stocks. L'administration n'a pas tenu compte des boissons non alcoolisées correspondant à la consommation personnelle du gérant et des boissons alcoolisées ou objets offerts à la clientèle. L'administration a également tenu compte des pertes et des conséquences du cambriolage subi en 2012. Une telle méthode de reconstitution à partir des achats n'est ni radicalement viciée ni excessivement sommaire.

10. Pour critiquer le chiffre d'affaires reconstitué par l'administration, la société requérante fait valoir que les pertes sur arômes prises en compte par le vérificateur sont insuffisantes et que la méthode de reconstitution est incohérente au motif qu'elle revient à corréler mécaniquement le chiffre d'affaires généré par les entrées avec celui des ventes. Cette reconstitution aboutirait à une augmentation du nombre d'entrées invraisemblable, compte tenu des problèmes de sécurité dans le quartier, et cette augmentation des entrées ne serait pas cohérente avec l'évolution des achats consommés de boissons entre 2011 et 2012, ni avec la diminution des achats de préservatifs distribués à la clientèle.

11. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a tenu compte non seulement des conséquences du cambriolage mais également des pertes courantes alors même que la société n'apportait aucune preuve de l'impact du cambriolage sur les stocks d'arômes ni de l'ampleur des pertes courantes. De surcroit, après entretien avec l'interlocuteur départemental, le vérificateur a augmenté le montant des pertes, portant ces dernières en 2012 à un niveau beaucoup plus élevé que celui constaté lors des exercices précédents. S'agissant des entrées, le nombre d'entrées reconstitué pour l'exercice clos en 2012 est inférieur aux 11 081 entrées déclarées pour 2010. Dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé du chiffre d'affaires reconstitué et, partant, des rectifications notifiées à la société requérante.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

13. Pour justifier les pénalités appliquées, l'administration fait valoir, outre l'importance des vices affectant la comptabilité, l'importance des minorations de recettes déclarées par rapport aux recettes reconstituées à partir des seuls achats ainsi que l'absence de billetterie, que les insuffisances de déclaration sont apparues au moment où les bénéfices allaient engendrer un résultat imposable, ce qui témoigne d'une volonté délibérée, selon l'administration, de minorer les bases imposables. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'alors que le contrôle a porté sur les exercices clos de 2010 à 2012, l'administration n'a redressé que le seul exercice clos en 2012 pour un montant de 5 646 euros en droits de taxe sur la valeur ajoutée et 4 565 euros de droits en impôt sur les sociétés. Par suite, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de l'EURL Master Vidéo d'éluder le paiement de l'impôt dû et, partant, du bien-fondé de l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts. Dès lors, l'EURL Master Vidéo est fondée à demander la décharge de la majoration pour manquement délibéré dont les droits supplémentaires en litige ont été assortis.

Sur l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :

14. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de la distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 109 de ce code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ".

15. En l'espèce, l'administration ayant apporté la preuve d'un supplément de bénéfices non mis en réserve ou incorporés au capital, elle était fondée à demander à l'EURL Master Vidéo de fournir toute indication sur le ou les bénéficiaires de ces distributions. L'administration a invité l'EURL Master Vidéo à identifier, en application des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, le ou les bénéficiaires de la distribution du résultat dissimulé au cours de l'exercice 2012. La société n'a toutefois pas donné suite à cette invitation. En conséquence, l'administration était fondée à infliger à l'EURL Master Vidéo l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge de cette amende.

16. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Master Vidéo est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la majoration pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts dont les droits supplémentaires en litige ont été assortis.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance pour l'essentiel, les conclusions de l'EURL Master Vidéo tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'EURL Master Vidéo est déchargée de la majoration de 40 % pour manquement délibéré dont les droits supplémentaires en litige ont été assortis.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EURL Master Vidéo est rejeté.

Article 3 : Le jugement du 15 octobre 2019 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Master Vidéo et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

N°19DA02739 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02739
Date de la décision : 13/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CAMPBELL-BOULOGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-01-13;19da02739 ?
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