Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de leur accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mises à leur charge au titre de l'année 2010 et 2011, ainsi que la décharge de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement de l'article 1760 du code général des impôts.
Par un jugement n°1702044 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2019, M. et Mme A..., représentés par Me Marshall, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de leur accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mises à leur charge au titre de l'année 2010 et 2011, ainsi que la décharge de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement de l'article 1760 du code général des impôts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2010 et 2011, à l'issue duquel l'administration fiscale a rehaussé leur revenu global imposable à l'impôt sur le revenu pour l'année 2010 en raison de la remise en cause des déficits déclarés par les contribuables et de l'assujettissement à l'impôt, au titre de l'année 2011, de la plus-value réalisée par les intéressés lors de la vente, le 1er septembre 2011, d'un bien immobilier, qui avait été initialement exonérée en qualité de résidence principale des contribuables. En conséquence, l'administration les a assujettis, en suivant la procédure de redressement contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre des années 2010 et 2011. L'administration leur a par ailleurs infligé une amende sur le fondement de l'article 1760 du code général des impôts. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 3 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions ainsi que de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement des dispositions de l'article 1760 du code général des impôts.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 11 août 2020, l'administrateur des finances publiques de la direction nationale des vérifications de situations fiscales a prononcé un dégrèvement des pénalités de 16 606 euros, correspondant aux majorations appliquées à la rectification de la plus-value de cession réalisée par M. et Mme A... lors de la cession du bien leur appartenant. Ainsi, il n'y a plus lieu de statuer, dans cette mesure, sur les conclusions de la requête de M. et Mme A... à fins de décharge des impositions en cause.
Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu :
En ce qui concerne la déduction de la somme de 71 988 euros :
3. M. et Mme A... ont porté en déduction de leur revenu global un déficit de 71 988 euros au titre des années 2010 et 2011 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en 2010 puis des bénéfices non commerciaux en 2011. L'administration a relevé que ce déficit provenait de l'imputation d'une somme de 71 988 euros qui semblait correspondre au paiement d'un comblement de passif de la société JDD mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire le 22 juin 2006 et, faute de document complémentaire fourni par les contribuables, l'administration a remis en cause la déduction par les intéressés de cette somme des bénéfices industriels et commerciaux. S'agissant de l'année 2011, l'administration a remis en cause cette déduction, portée cette fois-ci dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, au motif que l'engagement de caution d'un associé non dirigeant constituait une perte en capital non déductible alors que M. A... n'était pas président de la société JDD.
4. Il résulte de l'instruction qu'aux termes d'un acte du 24 septembre 2004 entre la banque Scalbert-Dupont et les époux A..., ceux-ci se sont portés caution solidaire envers la banque du paiement de la dette de la société JDD à hauteur de 870 000 euros. Par un jugement du 22 juin 2006, le tribunal de commerce de Senlis a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société JDD et par acte d'huissier du 6 novembre 2006, la banque a actionné la caution. Le 13 mars 2007, le tribunal de grande instance de Senlis a condamné M. et Mme A... à payer à la banque Scalbert-Dupont, en leur qualité de caution, la somme de 330 624,25 euros dont ils ont pu s'acquitter par cinq versements.
5. En l'espèce, pour justifier de la déduction des sommes en litige des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux, M. et Mme A... font valoir que M. A... était dirigeant de la société ORTIM jusqu'en décembre 2004 et que l'engagement de caution avait pour but de préserver de la défaillance la société JDD qui était une filiale de la société ORTIM.
6. Aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. / 2. Le revenu global net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets visés aux I à VII bis de la 1ère sous-section de la présente section, compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés aux I et I bis de l'article 156, des charges énumérées au II dudit article et de l'abattement prévu à l'article 157 bis. / (...) ". Aux termes de l'article 156 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement. (...) / II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories (...) ".
7. Il est constant que M. A..., qui n'a déclaré ni bénéfices industriels et commerciaux ni bénéfices non commerciaux, n'était pas dirigeant salarié de la société JDD. Dès lors, la somme qu'un actionnaire non dirigeant d'une société a été contraint de verser en exécution d'un engagement de caution constitue une perte en capital qui n'est déductible ni dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ni dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Cette somme aurait pu être déductible, en revanche, dans la catégorie des traitements et salaires si M. ou Mme A... avaient eu la qualité de dirigeants salariés de la société JDD. Or, seul le fils de M. A... était le dirigeant de la société JDD et la circonstance que M. A... a exercé des fonctions dirigeantes dans la société ORTIM, dont la société JDD était la filiale, jusqu'en décembre 2004, reste sans incidence à cet effet dès lors que M. A... s'est porté caution au bénéfice de la société JDD et non au bénéfice de la société ORTIM. La préservation de la réputation de la société ORTIM, mise en avant par M. A... pour justifier la caution consentie à la société JDD, ne saurait à cet égard constituer un motif suffisant pour autoriser la déduction de l'engagement de caution dès lors que le dirigeant doit seulement avoir en vue la préservation de son revenu professionnel et non la préservation de la réputation de la société mère d'un groupe. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de la somme de 71 988 euros du revenu global de M. et Mme A..., au titre des années 2010 et 2011.
En ce qui concerne l'imposition de la plus-value de cession de l'immeuble situé 165 rue de Courcelles à Paris :
8. L'administration a estimé que le lieu de résidence de M. et Mme A... était en réalité le 24 avenue d'Aumont à Chantilly (Oise) au 1er septembre 2011, date de la cession de l'appartement situé 165 rue de Courcelles à Paris et déclaré par eux comme leur résidence principale dans l'acte authentique, et non cet appartement situé à Paris. En conséquence, l'administration a remis en cause l'exonération de la plus-value de 874 000 euros réalisée par eux lors de la cession de l'appartement situé à Paris.
9. Aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I. (...) les plus-values réalisées par les personnes physiques (...) lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis (...) sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. / (...) II. Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : / 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession ; / (...) ". Sont considérés comme résidences principales, au sens de ces dispositions, les immeubles qui constituent la résidence habituelle et effective du propriétaire au jour de la cession. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si un contribuable remplit les conditions légales d'une exonération.
10. Pour estimer que le bien situé à Paris n'était pas la résidence principale des requérants et que leur résidence principale était située à Chantilly, l'administration s'est fondée sur la circonstance que les comptes bancaires de M. et Mme A... étaient ouverts, pour l'essentiel, au sein d'établissements bancaires situés à Creil et à Chantilly. Elle a également constaté, à l'occasion de la mise en œuvre de son droit de communication, que les dépenses courantes, notamment alimentaires, étaient exclusivement effectuées à Creil tandis que les dépenses à Paris étaient exclusivement constituées de dépenses de restaurant, que tous les chèques débités durant la période vérifiée avaient été émis à Chantilly, que des paiements réguliers de carburant avaient été effectués dans une station essence de Chantilly, qu'en tant qu'employeur les fiches de paye éditées mentionnaient l'adresse de Chantilly, que l'employée de maison des requérants travaillait en moyenne 140 heures par mois dans leur domicile de Chantilly, que les assurances pour leurs deux véhicules ainsi que les cartes grises de ces véhicules étaient établies à l'adresse de Chantilly, que l'assurance habitation de Chantilly indiquait que la période d'inhabitation déclarée ne dépassait pas 90 jours par an, que la consommation d'eau et d'électricité à Chantilly était constante au cours des années vérifiées, que les seuls abonnements de téléphonie concernaient le domicile de Chantilly et qu'aucun abonnement de téléphonie n'était recensé sur Paris, que le couple était inscrit sur les listes électorales de Chantilly et que M. A... était affilié à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise à Chantilly. Enfin, l'administration indique qu'il ressort des procès-verbaux d'audition de M. et Mme A... établis lors des gardes à vue, en date du 19 octobre 2009, qu'ils ont déclaré résider à Chantilly depuis 2002, en faisant valoir que leur appartement de Paris était inhabitable en raison de fuites d'eau.
11. A l'appui de leur contestation, M. et Mme A... soutiennent que 66 % et 54 % de leurs dépenses ont été réalisées à Paris au titre, respectivement, de l'année 2010 et de l'année 2011 et que leur employée de maison exerçait, ainsi qu'elle l'atteste, son activité auprès d'eux tantôt à Paris, tantôt à Chantilly. Toutefois, il résulte de l'instruction, outre les éléments concordants relevés par l'administration et rappelés au point n°10, que l'appartement cédé n'était pas habitable ni habité par les époux A... lors de la cession en raison de la survenance successive de trois sinistres. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que le logement en cause ne constituait pas la résidence principale de M. et Mme A..., contrairement aux mentions portées dans l'acte authentique de cession, et soumis à l'impôt la plus-value réalisée par les contribuables lors de la cession de ce bien.
Sur les intérêts de retard :
12. Aux termes du II de l'article 1727 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " L'intérêt de retard n'est pas dû : / (...) / 2. Au titre des éléments d'imposition pour lesquels un contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l'acte, ou dans une note annexée, les motifs de droit ou de fait qui le conduisent à ne pas les mentionner en totalité ou en partie, ou à leur donner une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées ; / (...) ".
13. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A... n'ont joint aucun document, répondant aux caractéristiques définies par les dispositions précitées du II de l'article 1727 du code général des impôts, à leurs déclarations de revenus souscrites au titre des années 2010 et 2011. En effet, la lettre dont ils se prévalent est relative à l'année 2008 et ne peut être regardée comme une indication expresse ou une note annexée au sens de ces dispositions. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a appliqué aux droits en litige l'intérêt de retard.
Sur la majoration de 10 % :
14. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits mis à la charge du contribuable ou de la créance indue. / (...) ".
15. La majoration de 10 % appliquée sur les droits procédant de la remise en cause de l'exonération de la plus-value de cession ayant été dégrevée, il n'y a plus lieu de statuer sur ce point.
16. S'agissant de l'autre chef de rectification, il est constant que les déclarations souscrites par M. et Mme A... au titre des années 2010 et 2011 contenaient des inexactitudes ayant eu pour effet de minorer l'impôt dû au titre de ces deux années. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 10 % à ce chef de rectification.
Sur la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et l'amende prévue par l'article 1760 du code général des impôts :
17. Le bien-fondé de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de l'amende pour non-report de la plus-value prévue par l'article 1760 du code général des impôts étant contesté par voie de conséquence de la demande en décharge des autres chefs de rectification, il résulte de ce qui a été dit aux points n° 3 à 11 que les conclusions tendant à la décharge des cotisations y afférentes et de cette amende doivent être rejetées.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions demeurant en litige.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance pour l'essentiel, les conclusions de M. et Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : A hauteur du dégrèvement de 16 606 euros prononcé par l'administration en cause d'appel, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A... aux fins de décharge.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF).
N°19DA02649 2