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21/12/2021 | FRANCE | N°21DA00277

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 21 décembre 2021, 21DA00277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requêtes distinctes, Mme A... B... épouse C... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les arrêtés du 7 avril 2020 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime a rejeté leur demande de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays de destination de ces mesures et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par deux jugements n° 2003371 e

t n° 2003372 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par requêtes distinctes, Mme A... B... épouse C... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les arrêtés du 7 avril 2020 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime a rejeté leur demande de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays de destination de ces mesures et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par deux jugements n° 2003371 et n° 2003372 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à leur demande et enjoint au préfet de la Seine-Maritime de leur délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification des jugements.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 8 février 2021, sous le n° 21DA00277, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003371 du tribunal administratif de Rouen du 28 janvier 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Rouen.

II. Par une requête, enregistrée le 8 février 2021, sous le n° 21DA00278, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003372 du tribunal administratif de Rouen du 28 janvier 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,

- et les observations de Me Julie Aubertin, substituant Me Cécile Madeline, représentant M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... épouse C..., de nationalité algérienne, née le 19 septembre 1985, entrée en France le 10 août 2012 et son époux, M. C..., de même nationalité, né le 11 novembre 1984, entré en France le 24 novembre 2012, ont demandé leur admission au séjour au titre de l'asile. Ils ont fait l'objet d'une réadmission vers l'Espagne, responsable de leur demande d'asile, par un arrêté du 5 février 2013, mesure à laquelle ils se sont soustraits et ont été déclarés en fuite. Après avoir fait l'objet chacun par des arrêtés du 1er février 2016, d'un refus de titre de séjour, d'une obligation de quitter le territoire français et d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, ils se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire français. Ils ont ensuite demandé le 4 avril 2018 leur admission au séjour sur le fondement du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel des jugements du 28 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés du 7 avril 2020 rejetant leur demande de titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, fixant le pays de destination de cette mesure et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

2. Les requêtes enregistrées sous le n° 21DA00277 et le n° 21DA00278 présentées par le préfet de la Seine-Maritime concernent la situation de deux époux et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les jugements contestés :

3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... sont parents d'une fille, née sur le territoire français le 6 décembre 2012. Si cet enfant est scolarisé depuis septembre 2015 et poursuit sa scolarité depuis cette date sur le territoire français, toutefois, eu égard au jeune âge de cette enfant à la date des décisions en litige, rien ne s'oppose à ce que celle-ci poursuive sa scolarité hors de France. Par suite, les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'ont pas été méconnues. Il s'ensuit que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé pour ce motif, les arrêtés en litige.

4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Rouen et la cour.

Sur les décisions de refus de titre de séjour :

5. Les décisions du 7 avril 2020 en litige comportent les considérations de fait et de droit qui en constituent leur fondement. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime, qui n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle des requérants au regard notamment de l'insertion scolaire de leur fille et de leur insertion personnelle et professionnelle, a suffisamment motivé la décision par laquelle il a refusé de leur délivrer un titre de séjour.

6. Il ressort des termes mêmes des arrêtés contestés que le préfet de la Seine-Maritime, pour refuser de délivrer à M. et Mme C... un titre de séjour, a procédé à un examen particulier de la situation personnelle des intéressés. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. et Mme C... doit être écarté.

7. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. et Mme C... soutiennent qu'ils résident sur le territoire français depuis huit ans et qu'ils justifient de liens personnels et familiaux en France. Mme C... se prévaut également de son insertion professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, si les intéressés résident sur le territoire français depuis 2012, ils se sont toutefois soustraits à une décision du 5 février 2013 de transfert aux autorités espagnoles, responsables de leur demande d'asile et à de précédentes mesures d'éloignement prises à leur encontre le 1er février 2016. Les intéressés n'établissent pas non plus qu'ils seraient isolés en Algérie, pays où ils ont vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept et vingt-huit ans. Enfin, si Mme C... a travaillé depuis le mois de novembre 2016 jusqu'en juillet 2017 puis du mois d'août 2017 à mars 2019 et de juillet 2019 à octobre 2019 en qualité de serveuse, ces circonstances ne sont pas de nature à caractériser une insertion particulière dans la société française. Si elle bénéficie d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité d'auxiliaire de vie auprès de la société " Adhero services Rouen " depuis le 5 mai 2020, cette circonstance est toutefois postérieure à la décision en litige. En outre, M. C... ne justifie quant à lui d'aucune insertion professionnelle sur le territoire français à la date de la décision contestée. Les requérants, qui ne sauraient par ailleurs utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 précité, ni de celles de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur qui ne comportent pas de lignes directrices dont ils peuvent se prévaloir devant le juge, ne justifient d'aucun motif exceptionnel ou d'aucune considération humanitaire de nature à justifier la régularisation de leur situation, alors qu'il n'est allégué notamment aucun élément faisant obstacle à ce que Mme C... exerce son activité hors de France. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime, en refusant d'admettre au séjour M. et Mme C..., n'a pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions ont été prises et n'a ainsi, pas méconnu les stipulations du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas d'avantage entaché les décisions de refus de titre de séjour en litige d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour à l'encontre de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français.

10. En application des dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit une décision de refus de titre de séjour, n'a pas à faire l'objet d'une motivation en fait distincte de celle de cette décision. Les décisions de refus de titre de séjour qui énoncent les considérations de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent sont suffisamment motivées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des obligations de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

11. Pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 6 et 8, les moyens tirés du défaut d'examen particulier de la situation des requérants et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions en litige sur leur situation personnelle doivent être écartés.

Sur les décisions fixant le pays de destination :

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité des décisions fixant le pays de destination à raison de l'illégalité des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. Les décisions contestées visent l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel elle se fonde. En outre, elles précisent la nationalité de M. et Mme C... et que les intéressés n'établissent pas être exposés à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles énoncent ainsi suffisamment les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles sont fondées. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions fixant le pays de renvoi doit être écarté.

14. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions sur leur situation personnelle doit être écarté.

Sur les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité des décisions leur faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans à raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour doit être écarté.

16. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...). / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

17. Il ressort des pièces du dossier que la décision par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a fait interdiction à M. et Mme C... de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle fait état en particulier de la persistance de l'irrégularité du séjour, du non-respect de deux mesures d'éloignement précédentes et de l'absence de justification de ressources suffisantes et de considérations humanitaires. Ces éléments justifient qu'il soit fait application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 de ce code, en prononçant une interdiction de retour de deux ans. Dès lors, les décisions comportent l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent. Elles sont, ainsi, suffisamment motivées.

18. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, le moyen tiré de ce que ces décisions seraient entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés du 7 avril 2020 en litige. Par voie de conséquence, il y a lieu d'annuler ces jugements et de rejeter les demandes présentées par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Rouen ainsi que leurs conclusions d'appel.

DECIDE :

Article 1er : Les jugements n° 2003371 et 2003372 du 28 janvier 2021 du tribunal administratif de Rouen sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Rouen et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... C..., à Mme A... B... épouse C... et à Me Cécile Madeline.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

N°21DA00277,21DA00278 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00277
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-12-21;21da00277 ?
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