Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 25 avril 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1902079 du 5 novembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 25 avril 2019 de l'inspecteur du travail et mis à la charge de l'Etat le versement à Mme B... C... la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2020, Me Sophie Lafarge, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Pierre et Associés, représentée par la SELARL Delahousse et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 25 avril 2019 autorisant le licenciement de Mme B... ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- les observations de Me Weimann, représentant Me Sophie Lafarge, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Pierre et Associés.
Considérant ce qui suit :
1. La société Pierre et Associés, spécialisée dans la construction de maisons individuelles en bois, a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce d'Amiens du 27 septembre 2018. Le tribunal de commerce, par jugement du 22 mars 2019, a converti cette procédure en une procédure de liquidation judiciaire et Me Sophie Lafarge a été désignée en qualité de mandataire liquidateur. Le 22 janvier 2019, Mme A... B..., qui exerçait au sein de la société Pierre et Associés des fonctions de manutentionnaire cariste polyvalente depuis 2007, a été élue représentante des salariés dans le cadre de la procédure collective. Par décision du 25 avril 2019, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique. Par un jugement du 5 novembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 25 avril 2019, mis à la charge de l'Etat le versement à Mme B... C... la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté les conclusions présentées par Me Lafarge, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Pierre et Associés, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Me Lafarge, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Pierre et Associés, relève appel de ce jugement.
2. D'une part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. A ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il appartient à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire et que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à cette dernière obligation, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée ". Cette motivation doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. A ce titre, il incombe à l'inspecteur du travail, lorsqu'il est saisi d'une demande de licenciement motivée par un comportement fautif, d'exposer les faits reprochés au salarié de manière suffisamment précise et de rechercher si les faits reprochés sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
4. Pour annuler l'autorisation de licencier Mme B..., le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé, d'une part, sur le fait que cette décision ne visait que les articles L. 2411-1 et suivants du code du travail, correspondant aux articles régissant la protection dont bénéficient les salariés protégés en cas de licenciement, sans se référer précisément aux dispositions qui régissent leur licenciement pour motif économique et, d'autre part, sur le fait que la décision ne permettait pas de déterminer si l'inspecteur du travail s'était assuré de la réalité des efforts de reclassement tant dans leur nature que dans leur étendue de la part du liquidateur.
5. La décision en litige n'est pas insuffisamment motivée en droit du seul fait qu'elle se borne à viser le code du travail et, notamment, les articles L. 2411 1 et suivants du code du travail, sans viser les dispositions afférentes au licenciement pour motif économique. En revanche, il ressort des pièces du dossier que, pour accorder, par la décision contestée, l'autorisation de licencier Mme B..., l'inspecteur du travail, après avoir visé les étapes de la procédure, s'est borné à relever que par jugement du 22 mars 2019, le tribunal de commerce d'Amiens avait prononcé la liquidation judiciaire de la société Pierre et Associés, que la liquidation entraînait la cessation d'activité de la société, que les recherches de reclassement présentaient un caractère sérieux et qu'il n'existait pas de lien entre la mesure envisagée et le mandat détenu par la salariée. Mais ce faisant, alors que l'inspecteur du travail n'indique même pas que la société ne faisait partie d'aucun groupe, ni s'il existait ou pas des obligations conventionnelles de reclassement externe, alors qu'il apparaît que plusieurs lettres ont été envoyées à d'autres entreprises du même secteur d'activité, la motivation de la décision ne permet pas de s'assurer que l'inspecteur du travail a bien contrôlé ces points. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision de l'inspecteur du travail en date du 25 avril 2019 ne pouvait être regardée comme suffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article R. 2421-12 du code du travail et ont ainsi annulé, pour ce seul motif, cette décision.
6. Il résulte de ce qui précède que Me Lafarge, mandataire liquidateur de la société Pierre et Associés, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision en litige. Les conclusions présentées par Me Lafarge sur le fondement de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Me Lafarge une somme au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Me Lafarge, mandataire liquidateur de la société Pierre et Associés, est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Lafarge, mandataire liquidateur de la société Pierre et Associés, à Mme A... B... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
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N° 20DA02008