Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2014, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement nos 1701159, 1701160 du 6 juin 2019, le tribunal administratif d'Amiens, faisant droit, après jonction de l'examen de ces deux demandes, aux conclusions principales dont il était saisi, a prononcé la décharge de l'ensemble des impositions contestées, d'une part, par M. A..., d'autre part, par M. et Mme A... et a rejeté leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2019, et par un mémoire, enregistré le 15 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce la décharge des impositions en litige ;
2°) de remettre, en droits et pénalités, ces impositions à la charge de M. A..., s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et de M. et Mme A..., s'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... exerce la profession de chauffeur de véhicules de transport routier. Au cours des années 2011 à 2014, M. A..., à l'occasion de l'exercice de sa profession, s'est approprié des produits cosmétiques de marque, pour les vendre. L'administration, qui a eu connaissance de l'activité dissimulée ainsi exercée par l'intéressé, a regardé celle-ci comme étant de nature commerciale et l'a soumise à une vérification de comptabilité, portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014. En l'absence de document comptable et de déclaration se rapportant à cette activité, le service a procédé, en fondant notamment son appréciation sur des éléments d'information communiqués par l'autorité judiciaire, à une reconstitution des recettes taxables et des bénéfices imposables générés par celle-ci au cours de la période vérifiée. Parallèlement, M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2012, 2013 et 2014. A l'issue de ces contrôles, l'administration a entendu, d'une part, soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée les recettes reconstituées de cette activité, d'autre part, imposer dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux les bénéfices de celle-ci, déterminés par le service à partir de ces recettes, enfin, tirer les conséquences, sur la situation fiscale d'ensemble de M. et Mme A..., des rehaussements ainsi envisagés en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux imposables perçus par M. A.... L'administration a fait connaître sa position sur ces points par deux propositions de rectification qu'elle a adressées le 16 décembre 2015, d'une part, à M. A..., d'autre part, à M. et Mme A.... Ces derniers ont, ensemble, et par l'intermédiaire de leur conseil, présenté, par un courrier du 25 janvier 2016, des observations sur ces notifications, lesquelles n'ont cependant pas amené l'administration à reconsidérer son appréciation. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant des rehaussements ainsi portés à la connaissance des intéressés ont, dans ces conditions, été, respectivement, mis en recouvrement le 18 avril 2016, à hauteur d'un montant, en droits et pénalités, de 69 456 euros, et les 30 avril et 31 mai 2016, à hauteur d'un montant, en droits et pénalités, de 85 392 euros.
2. Les réclamations formées par M. A... et par M. et Mme A... ayant été rejetées, les intéressés ont porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens. Ainsi, M. A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014 et de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros. En outre, M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2014 et de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros. Par un jugement du 6 juin 2019, le tribunal administratif d'Amiens, faisant droit, après jonction de l'examen de ces deux demandes, aux conclusions principales dont il était saisi, a prononcé la décharge de l'ensemble des impositions contestées, d'une part, par M. A..., d'autre part, par M. et Mme A... et a rejeté leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant qu'il prononce la décharge des impositions en litige et demande à la cour de remettre, en droits et pénalités, ces impositions à la charge de M. A..., s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et de M. et Mme A..., s'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu.
3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe, en principe, à l'administration, saisie d'une demande en ce sens formulée, avant la mise en recouvrement des impositions, par le contribuable, dûment informé de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus par le service auprès de tiers pour fonder ces impositions, de communiquer à ce contribuable les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux rectifications. Sauf impossibilité justifiée, liée notamment au secret professionnel, ces documents ou copies de document doivent être communiqués au contribuable dans leur version intégrale, afin de mettre celui-ci à même d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.
4. Afin d'appréhender les conditions d'exercice, par M. A..., de son activité de vente de produits cosmétiques détournés et de procéder à la reconstitution des recettes taxables et des bénéfices imposables générés par cette activité, l'administration a forgé son appréciation, notamment, sur des pièces de la procédure pénale, en particulier sur des procès-verbaux d'audition, auxquelles elle a pu avoir accès dans le cadre de l'exercice, auprès de l'autorité judiciaire, du droit de communication qu'elle tient des articles L. 101 et L. 82 C du livre des procédures fiscales. Elle a ensuite informé, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 76 B de ce livre, M. A..., dans la proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 16 décembre 2015, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements qu'elle a ainsi obtenus et qu'elle a utilisés pour fonder la reconstitution. Par les observations qu'ils ont formulées, par l'intermédiaire de leur conseil, le 25 janvier 2016, avant la mise en recouvrement des impositions en litige, M. et Mme A... ont sollicité de l'administration la communication des informations sur lesquelles les rectifications notifiées étaient fondées, notamment de celles obtenues par l'administration auprès de l'autorité judiciaire. En réponse à cette demande, l'administration a, par un courrier électronique adressé le 28 janvier 2016 au conseil de M. et Mme A..., communiqué un lien hypertexte donnant accès à une plateforme de téléchargement sur laquelle le service avait déposé les copies de documents contenant les renseignements sollicités, à savoir des copies de plusieurs procès-verbaux établis dans le cadre de l'enquête pénale dont M. et Mme A... avaient fait l'objet, rendant notamment compte d'une perquisition effectuée au domicile des intéressés et de leur audition, ainsi que de celles d'autres personnes impliquées, par les enquêteurs. Il est toutefois constant que les copies de documents ayant donné lieu à communication aux contribuables consistaient en la reproduction, non de l'intégralité de chacun des procès-verbaux contenant les renseignements sur lesquels l'administration a fondé les rehaussements notifiés, mais des seules pages de ces documents que le service vérificateur indique avoir exploitées. Or, si, comme le fait valoir le ministre, les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'impliquaient pas la communication de l'intégralité des pièces de l'enquête pénale en la possession du service, l'administration, en se bornant à communiquer ces extraits à M. et Mme A..., en dépit de leur demande, qui devait être interprétée, en application des principes rappelés au point 3, comme tendant à obtenir la communication, dans leur version intégrale, des documents communiqués au service par l'autorité judiciaire et contenant les renseignements sur lesquels les rehaussements notifiés à M. A... dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, de même que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, ont été fondés, n'a pas mis les contribuables à même de replacer ces renseignements dans le contexte dans lequel ils ont été recueillis, ni, par suite, de discuter la pertinence de l'interprétation de ceux-ci par le service vérificateur, sans que d'ailleurs l'administration ne fasse état d'aucune impossibilité matérielle ni d'aucun obstacle juridique tenant notamment au secret professionnel pour justifier une telle communication. Dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif d'Amiens aurait retenu à tort, pour prononcer la décharge des impositions en litige, que celles-ci avaient été établies à l'issue d'une procédure entachée, au regard des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, d'une irrégularité qui a été de nature à priver les contribuables d'une garantie substantielle offerte par la loi.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. A... au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2011 et 2014. Par ailleurs, en estimant qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais non compris dans les dépens exposés, en première instance, par M. A... et par M. et Mme A..., les premiers juges n'ont pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés ensemble, en cause d'appel, par M. et Mme A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, dès lors que ni la première instance, ni la procédure d'appel n'ont donné lieu à des dépens, les conclusions de M. et Mme A... afférentes à la charge de tels dépens ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A..., ensemble, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées devant la cour par M. et Mme A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. et Mme B... A....
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°19DA01579