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10/11/2021 | FRANCE | N°21DA00003

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 10 novembre 2021, 21DA00003


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Aisne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et ses effets juridiques dont le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et ce, s

ous astreinte de 152, 45 euros par jour de retard et de procéder à un nouvel ex...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Aisne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et ses effets juridiques dont le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et ce, sous astreinte de 152, 45 euros par jour de retard et de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 2007720 du 13 novembre 2020 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er janvier 2021, M. B... A..., représenté par Me Zaïri demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Aisne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et ses effets juridiques dont le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer dans un délai de sept jours à compter de la notification de la décision à intervenir, une autorisation provisoire de séjour et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative et le paiement des dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant russe né le 13 février 1983 à Beno (Russie), est entré irrégulièrement en France au cours de l'année 2015. Sa demande d'asile a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 décembre 2017. Ses deux demandes de réexamen de sa demande d'asile ont également été rejetées, la dernière ayant été rejetée par l'Office français de protections des réfugiés et apatrides le 26 février 2019. Après avoir été interpellé et placé en garde à vue le 27 octobre 2020 pour vol aggravé, par arrêté du 27 octobre 2020, le préfet de l'Aisne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée d'un an. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille par un jugement du 13 novembre 2020 a rejeté notamment les conclusions d'annulation de l'arrêté en question. M. A... en relève appel.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions :

2. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille dans son jugement du 13 novembre 2020, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de chacune des décisions contestées, M. A... n'apportant aucun élément nouveau sur ce point en cause d'appel.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, il ne ressort pas des termes de la décision en litige que le préfet, qui n'avait pas à examiner les craintes du requérant en cas de retour en Russie au stade la décision obligeant ce dernier à quitter le territoire français, ne se serait pas livré à un examen approfondi de la situation de M. A.... Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de la situation de l'intéressé doit être rejeté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".

5. Lorsqu'il demande l'asile, l'étranger fournit à l'administration tous motifs, précisions et justifications utiles, peut ensuite compléter sa demande et ne saurait ignorer, en accomplissant cette démarche, qu'il peut être éloigné en cas de refus. Or comme il a été dit au point 1 M. A... a déposé en 2016, une demande d'asile qui a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 décembre 2017 puis ses deux demandes de réexamen de sa demande d'asile ont également été rejetées. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été entendu par les services de police le 27 octobre 2020. Le procès-verbal d'audition relève que son éloignement a été évoqué et que l'intéressé a ainsi été mis à même de faire valoir ses observations sur ce point. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, si M. A... soutient qu'il a sollicité un titre de séjour auprès de la préfecture et affirme sans l'établir, n'avoir pu obtenir un rendez-vous que le 24 novembre 2020 à la préfecture de l'Eure, à la date de la décision attaquée il n'avait déposé aucune demande de titre. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision repose sur une erreur de fait doit être rejeté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

8. Comme il a été dit au point 1, M. A... est entré irrégulièrement en France, sans aucun titre de séjour en cours de validité et n'était en possession d'aucun titre de séjour en cours de validité à la date de la décision en litige. Il pouvait dès lors faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1°) du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " . Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France au cours de l'année 2015 où il a rejoint sa femme et ses quatre enfants dont deux sont nés en France le 27 novembre 2014 et le 6 mai 2017. S'il se prévaut de la présence de son épouse et de ses enfants mineurs, sur le territoire français, il est constant que son épouse est en situation irrégulière en France. En outre, M. A... ne démontre pas que ses trois enfants les plus âgés sont scolarisés en France depuis 2014 dès lors qu'il se borne à produire des certificats de scolarité pour l'année 2020-2021. En tout état de cause, il n'y a pas d'obstacle à ce qu'ils poursuivent leur scolarité dans leur pays d'origine. Par ailleurs, si la sœur et la mère de M. A... résident régulièrement sur le territoire français, que sa mère présente des symptômes débutants de la maladie d'Alzheimer et qu'elle ne peut vivre seule, M. A... n'établit pas que l'état de santé de sa mère nécessiterait sa présence à ses côtés ni qu'une tierce personne ne pourrait s'occuper de celle-ci. Enfin, M. A..., interpellé puis placé en garde-à-vue pour vol aggravé le 27 octobre 2020, ne peut se prévaloir de sa bonne insertion dans la société française. Aussi la décision l'obligeant à quitter le territoire ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et n'est pas contraire à l'intérêt supérieur de ses enfants dès lors que la cellule familiale peut se reconstituer dans le pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et de l'erreur manifeste d'appréciation de la gravité des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle doivent être rejetés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 10 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

13. Enfin, l'intéressé n'apporte aucun élément probant, au soutien de ses allégations selon lesquelles il craint pour sa vie ou pour sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de ce que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ne peut qu'être écarté.

14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 publiée par décret du 8 octobre 1990 doit être écarté.

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

16. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. (...) ".

17. M. A... ne détient aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité et il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 16 août 2018 par le préfet du Bas-Rhin. Dans ces conditions, le préfet de l'Aisne a pu légalement se fonder sur les dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour refuser d'octroyer à M. A... l'octroi d'un délai de départ volontaire.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire.

19. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...)La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

20. Compte tenu de ce qui a été exposé au point 10, le préfet de l'Aisne n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait en mentionnant que M. A... ne disposait pas de liens suffisamment anciens et stables sur le territoire français. Il n'a pas plus commis ni d'erreur de droit en ne retenant pas de circonstances humanitaires justifiant que ne soit pas prononcée d'interdiction de retour sur le territoire français et en prenant à son encontre, sur le fondement des dispositions visées au point 19 une décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, ni commis d'erreur d'appréciation de la durée de cette interdiction.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a annulé l'arrêté en litige. Doivent par voie de conséquence, être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aisne.

3

N° 21DA00003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00003
Date de la décision : 10/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : ZAIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-10;21da00003 ?
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