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09/11/2021 | FRANCE | N°21DA00789

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 09 novembre 2021, 21DA00789


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, l'a assigné à résidence et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2004128 du 24 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2021, M. A..., représenté par Me Antoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 15 juin 2020 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, l'a assigné à résidence et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2004128 du 24 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2021, M. A..., représenté par Me Antoine Tourbier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du l'arrêté du 15 juin 2020 du préfet du Pas-de-Calais ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son avocat au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 20 octobre 1980, est entré en France en 2013. Il a déposé une demande d'asile le 1er août 2013, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 18 mars 2015, confirmée le 30 septembre suivant pas la Cour nationale du droit d'asile. M. A... a ensuite formé une demande d'admission exceptionnelle au séjour le 19 décembre 2019 qui a été rejetée par un arrêté du 15 juin 2020 du préfet du Pas-de-Calais, qui a assorti ce refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé son assignation à résidence. Il interjette appel du jugement du 24 février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juin 2020 en tant que le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...). / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. (...) ". Selon l'article R. 431-1 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire. "

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que l'avocat de M. A... a été convoqué à l'audience du 15 février 2021 dans les conditions prévues par les dispositions précitées du code de justice administrative. Par suite, le jugement attaqué ayant été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière, M. A... est fondé à en demander, pour ce motif, l'annulation.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. L'arrêté attaqué vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet d'assortir un refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire. Par suite, la mesure d'éloignement contestée, qui, en vertu des termes mêmes de cet article, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, est elle-même suffisamment motivée. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

6. Le droit d'être entendu, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des principes généraux du droit de l'Union européenne, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision d'éloignement, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. En outre, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

7. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination qui sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

8. En l'espèce, M. A... ayant sollicité la délivrance d'un titre de séjour, il a été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté en litige, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures. Par suite, le moyen tiré de ce que l'intéressé aurait été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union européenne doit être écarté.

9. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".

10. M. A... déclare être entré en France en 2013. S'il se prévaut d'une durée de présence significative sur le territoire national, il ressort des pièces du dossier qu'il s'y maintient irrégulièrement depuis l'édiction à son encontre d'une précédente mesure d'éloignement le 18 juillet 2016. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ne pourrait reconstruire sa cellule familiale avec ses filles et son épouse dans leur pays d'origine, alors que son épouse, de nationalité guinéenne, est en situation irrégulière. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de M. A..., le préfet du Pas-de-Calais, en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Ainsi qu'il a été exposé au point précédent, M. A... ne fait état d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce que sa cellule familiale puisse être reconstituée dans son pays d'origine. Par suite, la décision attaquée, qui n'a pas vocation à séparer le requérant de ses enfants, ne méconnaît pas ces stipulations.

Sur la décision portant assignation à résidence :

12. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'il existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ;(...) ".

13. La décision ordonnant l'assignation à résidence de M. A... indique les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle vise notamment l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que l'intéressé a fait l'objet, par arrêté du même jour et par un arrêté antérieur du 18 juillet 2016 du préfet du Nord, d'une obligation de quitter le territoire français, qu'il justifie d'une adresse fixe sur le territoire français, que son éloignement demeure une perspective raisonnable dès lors qu'il dispose d'une carte consulaire en cours de validité, mais que cependant la situation sanitaire l'empêche d'exécuter la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

14. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que l'assignation à résidence, prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été prise en raison de la crise sanitaire, qui empêchait tout départ immédiat de M. A... vers le pays de destination. Par ailleurs, le moyen tiré de l'absence de risque de fuite est inopérant à l'encontre de l'arrêté d'assignation à résidence. Enfin, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 11, que l'obligation de quitter le territoire français étant légale, M. A... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de l'arrêté portant assignation à résidence. Les moyens tirés du défaut de base légale et de l'erreur de droit doivent donc être écartés.

15. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment, que M. A... n'établit pas avoir déplacé le centre de ses intérêts en France alors que son épouse est également en situation irrégulière et que le couple peut reconstruire sa cellule familiale dans leur pays d'origine. Par ailleurs, M. A... n'apporte aucun élément de nature à démontrer que sa situation serait incompatible avec les obligations de présentations aux services de police prévues par la décision d'assignation à résidence. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A... doit donc être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lille doit être rejetée ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et, par voie de conséquence, ses conclusions de première instance et d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2004128 du 24 février 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de M. A... est rejetée ainsi que ses conclusions d'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Antoine Tourbier.

Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.

N°21DA00789 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00789
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Seulin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-11-09;21da00789 ?
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