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28/10/2021 | FRANCE | N°21DA00385

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 28 octobre 2021, 21DA00385


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du 21 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a ordonné son assignation à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préf

et de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du 21 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a ordonné son assignation à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2004595 du 21 janvier 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2021, M. A..., représenté par Me Leprince, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, d'une part, l'arrêté du 21 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, l'arrêté du 21 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a ordonné son assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et, à titre subsidiaire, le versement à lui-même d'une somme du même montant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Christian Heu, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant de la République de Guinée né le 10 janvier 1993 à Conakry (République de Guinée), est entré irrégulièrement en France le 28 janvier 2017, selon ses déclarations. Il a présenté, le 10 février 2017, une demande d'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 17 juillet 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 3 janvier 2018. La préfète de la Seine-Maritime, par un arrêté du 30 août 2018, a refusé l'admission au séjour de M. A... au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. L'intéressé, qui s'est maintenu sur le territoire français, a été interpellé le 21 novembre 2020 puis placé en garde à vue pour soustraction à l'exécution d'une mesure d'éloignement. Par un arrêté du 21 novembre 2020, le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un second arrêté du même jour, le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence à Rouen pour une durée de six mois. M. A... relève appel du jugement du 21 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A... avait présenté au tribunal administratif de Rouen un moyen tiré de ce que l'arrêté du 21 novembre 2020, en tant qu'il refuse de lui accorder un délai de départ volontaire pour l'exécution de la mesure d'éloignement, était entaché de détournement de procédure. A l'appui de ce moyen, il faisait valoir que l'exécution matérielle de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai était impossible, du fait du contexte sanitaire lié à la pandémie de Covid-19, et qu'ainsi, le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire. Or, il ressort des motifs du jugement attaqué que, si le premier juge a estimé que le préfet de la Seine-Maritime n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en refusant, malgré le contexte de pandémie, d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire, il n'a pas apporté de réponse au moyen tiré du détournement de procédure qui aurait été commis par l'autorité préfectorale quant à l'absence d'octroi d'un délai de départ volontaire. En conséquence, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est, sur ce point, entaché d'une omission de réponse à un moyen et est, par suite, entaché d'irrégularité en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté du 21 novembre 2020 du préfet de la Seine-Maritime, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. Ce jugement doit donc, dans cette mesure, être annulé.

3. Il suit de là qu'il y a lieu de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen en tant qu'elles sont dirigées contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et de statuer sur les autres conclusions par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, M. A... soutient que l'arrêté contesté, en ce qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français, est entaché d'incompétence, faute de " lisibilité " de la signature dont est revêtu cet arrêté. Toutefois, il ressort de l'arrêté contesté, qui mentionne d'ailleurs dans ses visas l'arrêté préfectoral du 13 septembre 2019 portant délégation de signature à M. Vincent Naturel, secrétaire général adjoint, que cet arrêté est revêtu d'une signature, certes difficilement déchiffrable s'agissant d'une signature manuscrite, sous la mention " pour le préfet de la Seine-Maritime et par délégation, le secrétaire général adjoint ". Aucune ambiguïté ne porte donc sur la personne ayant apposé sa signature sur l'arrêté contesté. Or, par l'arrêté du 13 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Seine-Maritime, le préfet de ce département a accordé une délégation à M. Vincent Naturel, secrétaire général adjoint de la préfecture de la Seine-Maritime, à l'effet de signer, notamment, les mesures d'éloignement et d'assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que cet arrêté, en ce qu'il fait obligation à M. A... de quitter le territoire français, mentionne que l'intéressé, qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français notifiée le 1er septembre 2018, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et qu'il ne possède aucune attache sur le territoire français alors que sa famille réside dans son pays d'origine de sorte que la mesure d'éloignement ne porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, cette décision, qui n'avait pas à mentionner que l'intéressé avait déclaré, lors de son audition par un officier de police judicaire, qu'il n'était " pas au courant " de l'édiction à son encontre d'une précédente obligation de quitter le territoire français ni davantage à faire état du contexte sanitaire lié à la pandémie de Covid-19, comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, M. A... soutient que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des termes mêmes de la décision contestée que le préfet de la Seine-Maritime, alors même qu'il n'a pas mentionné dans l'arrêté contesté que l'intéressé avait déclaré, lors de son audition par les services de police, souffrir d'un stress post-traumatique et faire l'objet d'un suivi médical psychiatrique, a procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... De même, le fait que l'arrêté relève que l'intéressé ne possède aucune attache sur le territoire français, alors que celui-ci a déclaré lors de son audition par un officier de police judiciaire qu'il avait " une copine depuis trois ou quatre mois ", n'est pas de nature à caractériser un défaut d'examen particulier de sa situation. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : : / (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, est au nombre des étrangers pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le fait que l'intéressé n'aurait pas eu connaissance de l'arrêté du 30 août 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français, auquel il n'a pas déféré, ou que cet arrêté aurait été notifié à une adresse autre que son domicile est sans incidence sur la légalité de la décision, contenue dans l'arrêté du 21 novembre 2020, lui faisant obligation de quitter le territoire français. De même, le fait que la mesure d'éloignement ait été édictée dans le cadre du contexte sanitaire caractérisé par la pandémie de Convid-19 n'affecte pas sa légalité.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / (...) ".

10. Dès lors qu'elle dispose d'éléments d'informations suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie, prévue au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

11. D'une part, M. A... soutient que la procédure d'édiction de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'irrégularité, au regard des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le préfet de la Seine-Maritime d'avoir procédé à la saisine pour avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., alors même qu'il a indiqué, lors de son audition par les service de police, souffrir d'un stress post-traumatique pour avoir vu un corps abandonné dans la mer et faire ainsi l'objet d'un suivi psychiatrique, aurait porté à la connaissance du préfet, dans des termes suffisamment précis, des éléments susceptibles d'établir que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime, en ne sollicitant pas l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ne peut être regardé comme ayant entaché la mesure d'éloignement d'une irrégularité.

12. D'autre part, M. A..., qui s'est borné à produire en première instance des documents faisant état du suivi psychiatrique dont il fait l'objet, ne présente aucun élément de nature à établir que le défaut de prise en charge de son état de santé pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. En sixième lieu, M. A... soutient que la décision contestée méconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, ces moyens doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés, à bon droit, par le premier juge, aux points 9 et 10 du jugement attaqué, et qu'il convient d'adopter en l'absence de tout élément nouveau en droit ou en fait.

Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

14. Si, en vertu du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ressortissant étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dispose en principe d'un délai de trente jours pour y satisfaire, ce même II dispose toutefois que l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que ce ressortissant étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français, lorsque notamment il existe un risque que l'intéressé se soustraie à cette obligation. Les a), d) et f) du 3° de ce même II précisent que ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans le cas, notamment, où l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ou ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

15. En premier lieu, il ressort des motifs même de l'arrêté contesté que cet arrêté, en ce qu'il refuse d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire pour quitter le territoire français, mentionne les dispositions du d) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et relève que l'intéressé, qui se maintient irrégulièrement sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré et ne présente aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité. Par suite, cette décision, qui n'avait pas à faire état du contexte sanitaire lié à la pandémie de Covid-19, comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire ne peut qu'être écarté.

16. En deuxième lieu, M. A... soutient que cette décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur de fait en ce qu'elle fait état de ce qu'une précédente obligation de quitter le territoire français lui a été notifiée le 1er septembre 2018. Il fait valoir, sur ce point, que l'administration a procédé à la notification de cet arrêté à l'adresse du centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) où il était initialement hébergé alors que la préfecture " savait pertinemment " qu'il ne se trouvait plus dans ce centre. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le pli postal comportant cet arrêté a été présenté le 1er septembre 2018 au centre d'accueil pour demandeurs d'asile situé 32 rue de la République au Grand-Quevilly, où il avait élu domicile, mais qu'il a été retourné à la préfecture le 19 septembre 2018, avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Si M. A... allègue avoir quitté ce centre d'hébergement dès le mois de février 2018, il n'établit pas avoir avisé l'administration de son départ et n'établit pas davantage que les services de la préfecture auraient eu connaissance d'une nouvelle adresse. Par suite, le moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

17. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime, en refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire, aurait entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation, nonobstant les exigences sanitaires prescrites dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Cette décision ne peut davantage être regardée comme entachée d'erreur de droit ou de détournement de pouvoir, au regard de la limitation ou de l'encadrement sanitaire des déplacements dans le contexte de lutte contre la pandémie de Covid-19.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

18. En premier lieu, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que cet arrêté, en ce qu'il fixe le pays de renvoi, mentionne, sous le visa notamment des dispositions des articles L. 513-2 et L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la nationalité de M. A... et précise que celui-ci, qui n'avait d'ailleurs fait état d'aucune circonstance de cette nature alors même qu'il avait évoqué le suivi psychiatrique dont il faisait l'objet lors de son audition par les services de police, n'établit pas qu'il serait exposé à des peines ou à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ces motifs comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision fixant le pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit d'office. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

19. En deuxième lieu, le moyen tiré par M. A... de ce que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français doit, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 à 13, être écarté.

20. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de ce qui a été dit aux points 12 et 13, que le préfet de la Seine-Maritime, en fixant le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement, aurait entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

21. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) ".

22. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que cet arrêté, en ce qu'il fait interdiction à M. A... de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, cite les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait état des conditions de séjour sur le territoire français de l'intéressé. Cet arrêté relève également que celui-ci, qui ne possède aucune attache sur le territoire français et dont la famille réside dans son pays d'origine, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il a fait précédemment l'objet d'une mesure d'éloignement, dont il ressort d'ailleurs des pièces du dossier qu'elle lui a été régulièrement notifiée, et que, si sa présence sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public, cette mesure ne porte aucune atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Par suite, la décision contestée, qui comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, répond à l'exigence de motivation prescrite par les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

23. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit, respectivement, aux points 4 à 13 et aux points 14 à 17 que M. A..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ou de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

24. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, compte tenu notamment de ce qui a été dit au point 22, que le préfet de la Seine-Maritime, avant de faire interdiction à M. A... de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, a procédé à un examen particulier de sa situation.

25. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, et notamment au point 13, que le préfet de la Seine-Maritime, en faisant interdiction à M. A... de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté, nonobstant la pandémie actuelle de Covid-19.

Sur la décision d'assignation à résidence :

26. En premier lieu, M. A... soutient que la signature portée sur l'arrêté l'assignant à résidence à Rouen pour une durée de six mois est difficilement lisible et qu'ainsi, il n'est pas établi que cet arrêté aurait été signé par une autorité compétente. Toutefois, il ressort de l'arrêté contesté, qui mentionne d'ailleurs dans ses visas l'arrêté préfectoral du 13 septembre 2019 portant délégation de signature à M. Vincent Naturel, secrétaire général adjoint, que la signature portée sur cet arrêté, certes difficilement déchiffrable, est analogue à celle portée sur l'arrêté faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

27. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivant : / 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai (...) / La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois (...) ".

28. En deuxième lieu, l'arrêté prononçant l'assignation à résidence de M. A... pour une durée de six mois mentionne, notamment, les dispositions précitées de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que l'intéressé, qui s'est précédemment soustrait à une mesure d'éloignement, a fait l'objet, par un arrêté du 21 novembre 2020, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, qu'il justifie d'un domicile et qu'il convient, compte tenu de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 et dans l'attente du rétablissement des liaisons aériennes, de l'assigner à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

29. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit, respectivement, aux points 4 à 13 et aux points 21 à 25 que la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français ainsi que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français ne sont entachées d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté assignant à résidence M. A... devrait être annulé par voie de conséquence de l'illégalité de ces deux décisions ne peut qu'être écarté.

30. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... était domicilié, à la date de l'arrêté contesté, dans un foyer situé à Rouen. Par l'arrêté contesté, le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence à Rouen, à son domicile, pour une durée de six mois, lui a fait interdiction, sans autorisation administrative, de quitter les communes de la circonscription de sécurité publique de Rouen et lui a fait obligation de se présenter les mercredis et vendredis, à 14h15, dans les locaux de la police aux frontières à Rouen. Si M. A... soutient que l'existence d'une perspective raisonnable d'éloignement n'est pas établie, son allégation n'est pas étayée utilement par la seule référence au contexte sanitaire lié à la pandémie de Covid-19. Par ailleurs, M. A... ne produit aucun élément de nature à établir que les modalités de l'assignation à résidence présenteraient un caractère disproportionné au regard de sa situation personnelle. Enfin, si le requérant soutient que la mesure d'assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

31. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2020 du préfet de la Seine-Maritime en tant qu'il a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et qu'il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des autres décisions, contenues dans cet arrêté, par lesquelles le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'an, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Enfin, les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ainsi d'ailleurs que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais de procédure exposés par M. A....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 21 janvier 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre la décision, contenue dans l'arrêté du 21 novembre 2020 du préfet de la Seine-Maritime, lui refusant l'attribution d'un délai de départ volontaire.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen aux fins d'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et le surplus des conclusions de sa requête devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Leprince.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

N°21DA00385 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00385
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Voies de recours - Appel - Effet dévolutif et évocation - Évocation.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christian Heu
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-28;21da00385 ?
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