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28/10/2021 | FRANCE | N°21DA00035

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 28 octobre 2021, 21DA00035


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou "

salarié ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n°2001953 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2021, Mme C... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à la Selarl Eden Avocats au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ou, à défaut, à Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Sauveplane, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante de la République démocratique du Congé née le 22 août 1989 à Kinshasa (République démocratique du Congo), est entrée irrégulièrement en France le 5 mai 2013, selon ses déclarations. Elle a présenté, le 11 juillet 2013, une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 16 mars 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 22 octobre 2015. Mme C..., qui s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français, a demandé, le 9 novembre 2015, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 juillet 2016, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Cet arrêté a toutefois été annulé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai en date du 1er juillet 2019. En exécution de cet arrêt, le préfet de la Seine-Maritime a procédé au réexamen de la demande de titre de séjour de Mme C... et a saisi pour avis le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par un avis du 8 janvier 2020 le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par un arrêté du 4 mai 2020, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme C... relève appel de ce jugement.

2. Aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfants : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... vit en situation de concubinage avec un ressortissant belge résidant habituellement en région parisienne. Un premier enfant, né de leur union le 2 septembre 2016, est décédé le 3 septembre 2016. Deux autres enfants sont nés le 6 août 2017 et ont été inscrits en petite section de maternelle pour l'année 2020-2021. Ces enfants ont été reconnus dès leur naissance et leur père participe à leur éducation. Ils ont donc vocation à rester légalement sur le territoire français avec leur père. Ce dernier étant un citoyen belge résidant régulièrement sur le territoire français, il ne saurait être obligé, en conséquence de l'arrêté du préfet de Seine-Maritime, à reconstituer la cellule familiale en Belgique ou en République démocratique du Congo, à supposer qu'il fût légalement admissible dans ce dernier pays. Ainsi, le refus de titre de séjour, tout comme l'obligation de quitter le territoire français, ont pour effet de priver durablement les enfants de D... A... la présence de leur père, en cas de retour de leur mère dans son pays d'origine avec ses enfants, ou bien au contraire de la présence de leur mère, en cas de retour de cette dernière dans son pays sans eux. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que l'arrêté du 4 mai 2020 du préfet de la Seine-Maritime méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants et a donc été pris en méconnaissance des stipulations précitées du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi.

5. L'annulation par le présent arrêt de l'arrêté du 4 mai 2020 du préfet de la Seine-Maritime implique nécessairement, compte tenu du motif d'annulation de cet arrêté, que le préfet de la Seine-Maritime, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait, délivre à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à la SARL Eden Avocats, conseil de Mme C..., sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 septembre 2020 du tribunal administratif de Rouen et l'arrêté du 4 mai 2020 du préfet de la Seine-Maritime sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait, de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Leprince, associée de la SELARL Eden Avocats, une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime et à Me Leprince.

4

N°21DA00035


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00035
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-28;21da00035 ?
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