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28/10/2021 | FRANCE | N°19DA00333

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 28 octobre 2021, 19DA00333


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Valeurs et Conseils a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, des amendes fiscales qu

i lui ont été appliquées, pour un montant total de 1 048 308 euros.

Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Valeurs et Conseils a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, des amendes fiscales qui lui ont été appliquées, pour un montant total de 1 048 308 euros.

Par un jugement n° 1400372 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2019, la SARL Valeurs et Conseils, représentée par Me Maton, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer les impositions ayant fait l'objet des avis de mise en recouvrement en date du 8 avril 2013 et du 19 avril 2013 et d'annuler la décision du 12 décembre 2013 ayant rejeté sa réclamation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président-assesseur,

- les observations de Me Maton, avocat de la SARL Valeurs et Conseils,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Valeurs et Conseils, qui exerce une activité de conseil en opération de défiscalisation dans les départements d'outre-mer, de courtier en assurance et d'intermédiaire en négociation de prêts immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration, après avoir suivi la procédure de redressement contradictoire, l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2008 et 2009 et a rappelé des droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010. L'administration lui a également infligé l'amende prévue à l'article 1740 du code général des impôts. La SARL Valeurs et Conseils relève appel du jugement du 7 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition auxquels elle a ainsi assujettie ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions de l'article 1740 du code général des impôts.

2. En demandant à la cour de lui accorder la décharge de l'obligation de payer les impositions ayant fait l'objet des avis de mise en recouvrement en date du 8 avril 2013 et du 19 avril 2013 et d'annuler la décision du 12 décembre 2013 ayant rejeté sa réclamation, la SARL Valeurs et Conseils doit être regardée comme demandant à la cour de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1740 du code général des impôts, pour un montant total de 1 048 308 euros.

Sur la régularité du jugement :

3. L'administration produit en appel la délégation de signature du 1er avril 2014 par laquelle le directeur de la direction de contrôle fiscal Nord a donné délégation à M. B... A..., administrateur des finances publiques adjoint, à l'effet de présenter des mémoires, conclusions et observations devant les tribunaux. Dès lors, le moyen tiré de ce que le mémoire, signé par M. A..., produit par l'administration en première instance aurait été signé par une personne incompétente et aurait dû, en conséquence, être écarté des débats, manque en fait et doit, en tout état de cause, être écarté.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " I. Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; / (...) ".

5. L'article 302 septies A du code général des impôts prévoit un régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires pour les personnes dont le chiffre d'affaires n'excède pas 230 000 euros dans le cas des entreprises autres que celles ayant pour objet le commerce d'objets, de fournitures ou de denrées à emporter ou consommer sur place ou la fourniture du logement. Toutefois, le II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales prévoit, dans son 4°, que l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration " en cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité " et que, dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois.

6. Si la SARL Valeurs et Conseils soutient que le contrôle se serait déroulé du 25 mai 2011 au 24 juillet 2012, soit sur une durée excédant le délai de six mois prévu dans le cas où de graves irrégularités privent de valeur probante la comptabilité de l'entreprise, il résulte toutefois de l'instruction que cette société, ayant pour objet la prestation de conseils en défiscalisation et ayant réalisé un chiffre d'affaires de 768 000 euros en 2008 et de 408 000 euros en 2009, ne relevait pas des dispositions du 1° du I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales limitant à trois mois la durée de la vérification de comptabilité ou six mois dans le cas où de graves irrégularités privent de valeur probante la comptabilité. S'agissant de 2010, le montant des commissions soumises à la taxe sur la valeur ajoutée par l'administration excède également le plafond de chiffre d'affaires prévue à l'article L. 52. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige :

7. Il résulte de l'instruction que la SARL Valeurs et Conseils a pour objet d'offrir à des particuliers des opérations de défiscalisation et perçoit de ces mêmes particuliers des apports pour la création de sociétés en participation appelées à acquérir un bien d'investissement, ultérieurement donné en location à une entreprise, situé dans les départements et collectivités d'outre-mer. En contrepartie des apports versés dans les sociétés en participation créées à cet effet, les particuliers bénéficient d'avantages fiscaux. Sur ces apports, la SARL Valeurs et Conseils prélève une commission qui n'a pas été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration a estimé que les services ainsi rendus par la SARL Valeurs et Conseils bénéficient aux particuliers investisseurs et a regardés ces derniers comme les bénéficiaires des prestations de conseil en défiscalisation. Ces preneurs étant situés en France et la SARL Valeurs et Conseils ayant son siège en France, l'administration a soumis ces commissions à la taxe sur la valeur ajoutée.

8. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 259 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / (...) / 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire : / a) A établi en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis ; / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 259 B du même code, dans sa rédaction applicable : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : / (...) / 4° Prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études dans tous les domaines y compris ceux de l'organisation de la recherche et du développement ; prestations des experts-comptables ; / (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que les prestations de services effectuées à titre onéreux par un prestataire établi en France sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le preneur n'est pas assujetti et que le prestataire a le siège de son activité en France. La dérogation prévue à l'article 259 B du code général des impôts suppose, lorsque le prestataire est établi en France, que le preneur soit une personne non assujettie qui n'est pas établie ou n'a pas son domicile ou sa résidence habituelle dans un Etat membre de l'Union européenne ou, si le preneur est un assujetti, que ce dernier soit établi dans un autre Etat de l'Union européenne.

10. La SARL Valeurs et Conseils soutient que ses commissions ne sont pas perçues des particuliers investisseurs résidents en France mais des fournisseurs des biens qui sont achetés par les sociétés en participation. Toutefois, il ressort des constatations opérées par l'administration au cours de la vérification de comptabilité que, si les commissions sont facturées par la SARL Valeurs et Conseils soit aux fournisseurs soit aux locataires mais sans indication de leur adresse, la société requérante a admis ne pas envoyer ces factures à leur destinataire. En outre, les commissions ne sont jamais payées par les fournisseurs ou les locataires mais prélevées sur le montant des apports versés par les particuliers investisseurs à la recherche d'une défiscalisation. S'il n'est pas contesté que la société exerce d'autres activités en amont pour rechercher des exploitants implantés outre-mer et en aval en exerçant la gérance des sociétés en participation, ces activités ne sont toutefois que le préalable ou la conséquence de l'activité de conseil et de gestion en défiscalisation dont les preneurs sont des particuliers domiciliés en France. Ces commissions n'ont, en outre, aucunement un caractère accessoire par rapport à la livraison de biens dès lors que la SARL Valeurs et Conseils n'exerce aucune activité commerciale impliquant la livraison de biens et que cette livraison de biens est le fait des fournisseurs et non de la société requérante. Dès lors, la circonstance que la collectivité de Saint-Martin est hors du champ d'application territorial de la taxe sur la valeur ajoutée reste sans incidence sur cet assujettissement. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée les commissions perçues par la SARL Valeurs et Conseils qui n'est pas fondée à se prévaloir de l'exception prévue à l'article 259 B du code général des impôts dans la mesure où les preneurs de la prestation sont des non-assujettis domiciliés en France. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur l'amende prévue à l'article 1740 du code général des impôts :

11. L'administration a infligé à la SARL Valeurs et Conseils l'amende prévue à l'article 1740 du code général des impôts, lequel prévoit, dans sa rédaction en vigueur jusqu'en mai 2009, que : " Lorsqu'il est établi qu'une personne a fourni volontairement de fausses informations ou n'a pas respecté les engagements qu'elle avait pris envers l'administration permettant d'obtenir pour autrui les avantages fiscaux prévus par les articles 199 undecies A, 199 undecies B, 217 undecies et 217 duodecies, elle est redevable d'une amende égale au montant de l'avantage fiscal indûment obtenu, sans préjudice des sanctions de droit commun. Il en est de même, dans le cas où un agrément n'est pas exigé, pour la personne qui s'est livrée à des agissements, manœuvres ou dissimulations ayant conduit à la remise en cause de ces aides pour autrui. ".

12. Aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. / (...) ".

13. En application de ces dispositions, les fonctionnaires de catégorie A peuvent proposer des rectifications aux contribuables, lesquelles incluent nécessairement l'application des éventuelles pénalités et amendes prévues par la réglementation, à titre principal ou accessoire aux rectifications. Dès lors, et bien qu'une pénalité ne constitue pas une imposition au sens strict dès lors qu'elle vise à réprimer un comportement et à prévenir la répétition de ce comportement, les fonctionnaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps des catégories A et B demeurent compétents pour décider d'appliquer une sanction prévue par le code général des impôts. Or, il résulte de l'instruction que l'application à la SARL Valeurs et Conseils de l'amende prévue à l'article 1740 du code général des impôts a été décidée par une inspectrice des finances publiques, qui appartient à un corps de fonctionnaire de catégorie A. Dès lors, le moyen doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Valeurs et Conseils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et des amendes en litige.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de la SARL Valeurs et Conseils tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Valeurs et Conseils est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Valeurs et Conseils et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

N°19DA00333 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00333
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : MATON

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-28;19da00333 ?
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