Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.
Par un jugement n° 1602490 du 28 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juin 2019 et le 27 octobre 2019, M. A..., représenté par Me Mattei, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions et des contributions sociales en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par lui en première instance, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature exposés par lui en cause d'appel.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... exploite, à titre individuel, à Compiègne (Oise) un fonds de commerce de restaurant spécialisé dans la cuisine orientale. Cette activité a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. M. A... n'ayant pas été regardé par l'administration comme ayant présenté les documents comptables, relatifs à la période vérifiée, qu'il était tenu de détenir, la vérificatrice en a dressé procès-verbal le 7 octobre 2013 et a procédé à une reconstitution des chiffres d'affaires taxables et des résultats imposables de l'entreprise. Il en est résulté des rehaussements qui ont été portés à la connaissance de M. A... par une proposition de rectification qui lui a été adressée le 11 décembre 2013. Parallèlement, M. A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2010, 2011 et 2012. A l'issue de ce contrôle, une proposition de rectification a été adressée à l'intéressé le 12 décembre 2013 afin, d'une part, de tirer les conséquences sur sa situation fiscale personnelle de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet son activité de restauration, d'autre part, de lui faire connaître que l'administration envisageait des rehaussements de ses revenus fonciers en conséquence de rectifications notifiées à une société civile immobilière dont il détient 85 % des parts, enfin, de porter à sa connaissance une rectification dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, l'intéressé ayant à tort déclaré dans la catégorie des traitements et salaires les revenus tirés de son activité de restauration et ayant ainsi indûment bénéficié de la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels dont bénéficient les salariés. Les observations formulées par M. A... sur ces deux propositions de rectification, par lesquelles celui-ci a expressément accepté le rehaussement en matière de revenus fonciers, ont amené l'administration à revoir partiellement son appréciation de sa situation. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant des rectifications notifiées ont été mis en recouvrement le 14 mars 2014 à hauteur des montants respectifs, en droits et pénalités, de 16 369 euros, 145 960 euros et 1 779 euros.
2. Après le rejet de sa réclamation, M. A... a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. Il relève appel du jugement du 28 mars 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Sur l'étendue du litige :
3. Par une décision prise le 29 août 2019, après l'enregistrement de la requête, le directeur départemental des finances publiques a accordé à M. A... un dégrèvement, à concurrence d'une somme de 479 euros en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. Les conclusions de la requête de M. A... tendant à la décharge de ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, dans la demande qu'il avait introduite devant le tribunal administratif d'Amiens, M. A... soutenait que l'administration n'avait pas apporté la preuve de ce qu'il aurait reçu, par écrit, les informations que les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales imposent à l'administration de délivrer au contribuable lorsqu'elle envisage d'effectuer des traitements informatiques sur sa comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés. Il invitait le tribunal administratif, pour le cas où l'administration ne produirait pas cette preuve, à faire usage de ses pouvoirs d'instruction afin de l'obtenir. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'administration a produit, en pièces jointes au mémoire qu'elle a présenté en réponse à la demande de M. A..., les documents qu'elle estimait de nature à apporter la preuve attendue. M. A... n'a pas répliqué à ce mémoire, ni n'a discuté, devant le tribunal administratif, du caractère probant de ces pièces. Pour écarter le moyen de M. A..., les premiers juges ne se sont d'ailleurs pas fondés sur ces pièces, mais sur les indications concordantes et non contestées figurant dans la proposition de rectification du 11 décembre 2013, en estimant que ces mentions étaient de nature à établir la remise, par écrit, de l'information discutée. En conséquence, les premiers juges ont estimé, implicitement mais nécessairement, que la mesure d'instruction sollicitée par M. A... était dépourvue d'utilité. Par suite, en ne mettant pas celle-ci en œuvre, le tribunal administratif n'a pas méconnu son office, ni n'a, en tout état de cause, entaché son jugement d'irrégularité.
5. D'autre part, il ressort des termes de la demande que M. A... a présentée au tribunal administratif d'Amiens que celle-ci contenait un moyen, que les premiers juges ont d'ailleurs visé, tiré de ce que les apports effectués par lui, dans la comptabilité de son entreprise, au compte 108, à savoir au compte de l'exploitant, regardés par l'administration comme non justifiés, ne présentaient pas un caractère fictif. Or, il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif n'a apporté aucune réponse à ce moyen, qui n'était pas inopérant, dans une situation dans laquelle la réponse apportée aux autres moyens de la demande ne permet pas de considérer que les premiers juges auraient écarté ce moyen par prétérition. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que ce jugement est, sur ce point, irrégulier comme insuffisamment motivé et qu'il doit, dans cette mesure, être annulé.
6. Il y a lieu, pour la cour, d'évoquer les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens, en tant qu'elles sont dirigées contre les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant de la réintégration des apports en compte de l'exploitant et de statuer sur le surplus du litige par l'effet dévolutif de l'appel.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
7. Aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. / Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées. ".
8. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder audit traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des traitements informatiques qu'il souhaite effectuer, eu égard aux investigations envisagées, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions.
9. Au cours de la vérification de comptabilité dont l'activité de restauration exploitée par M. A... a fait l'objet, la vérificatrice a fait part à l'intéressé qu'elle envisageait d'effectuer des traitements informatiques sur les données enregistrées à partir du logiciel équipant la caisse enregistreuse de l'établissement. Pour établir, comme la charge lui en incombe, que M. A... a reçu, par écrit, l'information requise par les dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et qu'il a ainsi été mis à même d'exercer, en tout connaissance de cause, l'option prévue par ces dispositions, le ministre produit devant la cour une lettre composée de quatre pages, datée du 23 septembre 2013, signée par la vérificatrice. M. A..., dont la signature figure d'ailleurs en en-tête de cette lettre et est accompagnée d'une mention manuscrite reconnaissant que celle-ci lui a été remise en main propre le jour même, ne conteste plus, dans le dernier état de ses écritures, avoir été destinataire d'un tel document écrit. Il conteste, en revanche, le caractère suffisamment précis des informations contenues dans ce courrier. Or, il ressort des termes mêmes de ce document que celui-ci, en faisant une référence expresse aux dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, expose l'objet des traitements envisagés, à savoir de permettre le contrôle des montants des ventes et des règlements, des taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqués aux produits vendus, enfin, des opérations réalisées en caisse. Ce document ajoute qu'il sera nécessaire, pour ce faire, de recueillir et d'exploiter les données fournies par le logiciel équipant la caisse enregistreuse du restaurant. Cette lettre présente ensuite les trois modalités de traitement proposées par le service, en reprenant les dispositions précitées des a), b) et c) du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, et invite M. A... à faire part de son choix entre ces modalités en renseignant le formulaire figurant en page 2 de la lettre et en le remettant à la vérificatrice lors de sa prochaine intervention, prévue une semaine plus tard, le 30 septembre 2013. Compte-tenu des termes dans lesquels cette lettre est rédigée, celle-ci doit être regardée comme ayant prodigué à M. A... une information suffisamment claire et précise, ce qui l'a mis à même de pouvoir formuler, en toute connaissance de cause, son choix des modalités de traitement ayant sa préférence. Enfin, en lui remettant en main propre, le 23 septembre 2013, ce document, la vérificatrice a laissé un délai suffisant à M. A..., jusqu'à leur prochain entretien le 30 septembre 2013, pour lui faire connaître ce choix, dont elle a accepté, au demeurant, de tenir compte alors même qu'il n'a été formulé que le 7 octobre 2013. En conséquence, le moyen tiré par M. A... de ce qu'il aurait été privé de la garantie offerte, par les dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, aux contribuables vérifiés dont la comptabilité, tenue sur support informatique, doit faire l'objet d'un traitement de la part de l'administration, manque en fait et doit, dès lors, être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité :
10. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / (...) ".
11. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration estime que la comptabilité tenue par le contribuable doit être écartée, il lui incombe d'apporter, devant le juge de l'impôt, la preuve des graves irrégularités qu'elle invoque comme ayant été de nature à altérer le caractère probant de cette comptabilité.
12. Il ressort des mentions de la proposition de rectification adressée le 11 décembre 2013 à M. A... à la suite de la vérification de comptabilité dont son activité de restauration a fait l'objet, que, pour écarter comme non probante la comptabilité de cette entreprise, qui avait été remise à la vérificatrice sous la forme de copie des fichiers informatiques contenant les écritures comptables se rapportant aux exercices clos en 2010, 2011 et 2012, l'administration a retenu que cette comptabilité, d'une part, n'était appuyée d'aucun justificatif de recettes se rapportant aux exercices vérifiés, ni d'aucun double des notes des clients, et qu'elle n'était pas accompagnée d'un brouillard de caisse, ni même d'une fiche de caisse, d'autre part, ne comportait aucun journal de caisse. La vérificatrice a, par ailleurs, relevé qu'en l'absence de tels éléments, M. A... se trouvait dans l'impossibilité de justifier du montant des recettes comptabilisées, de même que de la ventilation de ces recettes, d'une part, selon les différents modes de paiement utilisés par les clients, d'autre part, en fonction de la nature des produits vendus et, par suite, selon les différents taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqués à ces ventes, ces lacunes ayant justifié qu'elle dresse un procès-verbal de défaut de présentation d'une comptabilité conforme aux prescriptions applicables. Au demeurant, aucun encaissement de paiement en espèces n'a été porté dans la comptabilité des exercices vérifiés, ce qui n'a pas manqué d'étonner le service, compte tenu de la nature de l'activité exercée. L'administration a retenu, en outre, ainsi qu'il ressort de la proposition de rectification, que les recettes de l'établissement exploité par M. A... avaient fait l'objet, au titre des exercices clos en 2010 et 2011, d'une comptabilisation globale à fréquence mensuelle, au crédit du compte 707500, correspondant aux ventes affectées d'un taux normal de taxe sur la valeur ajoutée, et du compte 707600, correspondant aux ventes à emporter ayant donné lieu à l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, tandis que les recettes de l'exercice clos en 2012 n'avaient fait l'objet que d'un seul enregistrement comptable global et annuel, réparti dans les mêmes comptes. Enfin, l'administration a retenu l'existence d'apports non justifiés au compte 108, correspondant au compte de l'exploitant, et qui ont représenté les montants de 67 900 euros au titre de l'exercice clos en 2010, de 81 368 euros au titre de l'exercice clos en 2011 et de 82 784 euros au titre de l'exercice clos en 2012, M. A... ayant expliqué ces écritures comme portant sur des recettes dont la comptabilisation avait été omise et qui ont été ainsi " réinjectées " dans la trésorerie de l'entreprise. Il est ainsi apparu à la vérificatrice que ces minorations de recettes présentaient un caractère systématique.
13. M. A... conteste ces indices, en faisant valoir que, son entreprise individuelle relevant, tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée qu'en matière de bénéfices industriels et commerciaux, du régime simplifié, les exigences comptables qui pesaient sur lui étaient aussi nécessairement simplifiées. Il conteste, en outre, avoir procédé à des enregistrements globaux des recettes et ajoute que, s'il a effectivement omis de conserver les doubles des notes des clients, il a mis à la disposition de la vérificatrice, qui a refusé de les examiner, les originaux de ces notes qu'il conservait lorsque les clients ne les emportaient pas, ce qui était le cas le plus fréquent. Il précise qu'un huissier de justice a eu accès à ces notes, a pris des photographies de certaines d'entre elles et a établi, le 27 mai 2015, un procès-verbal de ses constatations. Il ajoute avoir versé ce procès-verbal à l'instruction, de même que certains exemplaires des autres notes de clients à sa disposition en ce qui concerne les exercices vérifiés.
14. Toutefois, le fait qu'une entreprise commerciale relève, eu égard au niveau des chiffres d'affaires qu'elle réalise, des régimes simplifiés d'imposition prévus aux articles 302 septies A et 302 septies A bis du code général des impôts ne saurait conduire à la dispenser de ses obligations comptables en matière d'identification et de justification de ses recettes, comme le rappellent d'ailleurs les dispositions de l'article 302 septies A ter A de ce code, alors d'ailleurs qu'un paramétrage adéquat du logiciel équipant la caisse enregistreuse de l'entreprise peut suffire à lui permettre de faire face à ses obligations. Par ailleurs, la vérificatrice a expressément contesté, dans la réponse qu'elle a apportée le 14 mars 2014 aux observations de M. A..., les allégations de ce dernier en ce qui concerne son refus de consulter les originaux des notes des clients, en précisant que l'intéressé lui avait, en réalité, proposé d'éditer les notes des clients se rapportant à la période allant du 1er octobre 2013 au 30 novembre 2013, postérieure à la période vérifiée, ce qui ne lui est apparu dépourvu de caractère pertinent. La simple conservation, au cours de la période vérifiée, des notes non emportées par certains clients ne saurait d'ailleurs constituer un mode de suivi et de justification approprié des recettes de l'entreprise, dans une situation dans laquelle M. A... ne conteste pas n'avoir pas systématiquement conservé, ne serait-ce que sous forme de fichiers informatiques, un double de ces notes. Dans ces conditions, par les indices qu'elle avance et qui ont été exposés au point 12, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, des graves irrégularités entachant la comptabilité de l'activité de restauration exploitée, au cours de la période vérifiée, par M. A... et, par suite, du caractère non probant de cette comptabilité, justifiant que celle-ci soit écartée, sans qu'il soit nécessaire d'apprécier si l'administration était ou non fondée à ajouter à ces indices, dans les écritures qu'elle a présentées devant le tribunal administratif, l'absence de chemin de révision conforme aux prescriptions du plan comptable général.
En ce qui concerne la charge de la preuve :
15. Les rehaussements envisagés par l'administration ayant été notifiés à M. A... selon la procédure de rectification contradictoire et la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'ayant pas été saisie du différend persistant entre le contribuable et l'administration, cette dernière supporte, en application des dispositions, citées au point 10, de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'insuffisance des chiffres d'affaires taxables et des bénéfices imposables déclarés par M. A....
En ce qui concerne la pertinence de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires taxable et des bénéfices imposables :
16. Dès lors que, comme il a été dit au point 14, la comptabilité produite à la vérificatrice pour son activité de restauration par M. A..., en ce qui concerne la période vérifiée, a été écartée à bon droit comme non probante, le service a procédé à une reconstitution des recettes taxables et des résultats imposables de cette activité. Il ressort des mentions de la proposition de rectification adressée à M. A... le 11 décembre 2013 que, pour ce faire, le service s'est appuyé sur les traitements informatiques auxquels il s'est livré sur les données extraites du logiciel équipant la caisse enregistreuse de l'établissement, en utilisant les fonctionnalités " statistiques " ainsi que la sous-fonctionnalité " chiffre d'affaires global " de ce logiciel et en bornant cette opération pour isoler les données propres à chacun des exercices vérifiés. Le service a ainsi pu retenir, à l'issue de cette opération, que l'activité de restauration de M. A... avait généré, au titre de l'exercice clos en 2011, un chiffre d'affaires s'élevant à 199 874 euros et, au titre de l'exercice clos en 2012, un chiffre d'affaires de 199 752,95 euros, arrondi à 199 753 euros. En revanche, cette opération de traitement de données informatiques a permis de constater, en ce qui concerne l'exercice clos en 2010, qu'aucune recette n'avait été enregistrée au titre des mois de juillet à novembre 2010, sans que M. A... n'ait pu expliquer cette situation. Le service a donc, pour cet exercice, pris en compte le chiffre d'affaires réalisé au cours des sept autres mois, soit 129 336 euros, puis l'a extrapolé sur onze mois, en faisant ainsi abstraction du mois d'août, pour tenir compte de la fermeture estivale de l'établissement. Le chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2010 a ainsi été reconstitué, sur ces bases, à hauteur de 201 336 euros. Ces chiffres d'affaires ont alors été ventilés, pour chacun des trois exercices en cause, par taux de taxe sur la valeur ajoutée pratiqué, les ventes de boissons alcoolisées étant soumises au taux normal de 19,6 % et les ventes d'autres produits destinés à être consommés sur place ou à emporter étant assujetties au taux réduit de 5,5 % ou de 7 %. Pour ce faire, le service a utilisé, en ce qui concerne les exercices clos en 2011 et en 2012, la sous-fonctionnalité " quantité sur période " du logiciel de caisse, en limitant l'extraction aux seules données afférentes à chaque exercice. Pour ce qui concerne l'année 2010, le service a procédé à la ventilation des ventes par taux de taxe sur la valeur ajoutée en appliquant au chiffre d'affaires total reconstitué pour cet exercice, un taux de 18,4 % regardé comme représentatif de la part des ventes de boissons alcoolisées réalisées. La proposition de rectification précise que ce taux correspond à la moyenne des parts de ventes de boissons alcoolisées observées, à l'issue des traitements informatiques, par rapport aux chiffres d'affaires totaux réalisés au cours des exercices clos en 2011 et en 2012, lesquelles s'élèvent respectivement à 17,2 % et à 19,6 %. Ces opérations ont permis à l'administration de constater que les recettes déclarées par M. A... au titre de chacun des trois exercices vérifiés avaient été minorées, à hauteur des montants de 54 926 euros pour l'exercice clos en 2010, de 53 281 euros pour l'exercice clos en 2011 et de 45 755 euros pour l'exercice clos en 2012.
17. La méthode de reconstitution, décrite au point précédent, ainsi mise en œuvre par l'administration et qui utilise exclusivement des données de l'exploitation et non des valeurs théoriques ou issues de comparaison avec d'autres entreprises, ne peut être regardée comme radicalement viciée dans son principe, ni comme excessivement sommaire, au seul motif qu'en l'absence d'enregistrement de recettes au cours de la période couvrant les mois de juillet à novembre 2010, l'administration a été contrainte de procéder à une extrapolation mathématique reposant sur les données issues des autres mois, voire des deux autres exercices vérifiés. Si M. A... se prévaut du procès-verbal de constat d'huissier établi à sa demande le 27 mai 2015, il ressort des termes mêmes de ce document, versé à l'instruction, que cet officier ministériel y consigne seulement avoir constaté que " trois tas " de notes de clients lui avaient été présentés, chacun correspondant à l'un des trois exercices vérifiés, ces notes étant classées par mois et semaine, et avoir examiné puis photographié une note par trimestre. Ainsi, eu égard aux termes mêmes dans lesquels ce document est rédigé, il ne peut être regardé, ni les photographies qui y sont annexées, comme permettant d'appréhender de manière exhaustive l'ensemble des recettes perçues par le restaurant de M. A... au cours des trois exercices vérifiés. Il en est de même des copies d'autres notes de clients que M. A... verse à l'instruction en appel et dont il reconnaît lui-même qu'elles ne sont pas exhaustives et qu'elles ne sont produites qu'à titre d'exemple. Par ailleurs, si les notes de clients qu'il produit ainsi pour la première fois en appel révèlent que les prix de vente unitaires pris en compte par l'administration, en ce qui concerne huit boissons alcoolisées, sont légèrement supérieurs à ceux effectivement pratiqués, ce seul constat ne peut suffire à remettre en cause la pertinence de la méthode de reconstitution mise en œuvre par l'administration. Enfin, eu égard au fait que la méthode mise en œuvre par l'administration permet de tenir compte de façon exhaustive des recettes réalisées auprès des clients de l'établissement au cours de la période vérifiée et de les rapprocher des coûts et charges correspondants, par ailleurs appréhendés par le service, il n'y a pas lieu d'appliquer des réductions supplémentaires pour tenir compte de la consommation du personnel ou pour pertes, casses ou offerts, M. A... n'apportant d'ailleurs aucun élément permettant de cerner la réalité de ses pratiques sur ces points. Compte-tenu de l'argumentation que le requérant présente ainsi à leur soutien, les moyens tirés de ce que la méthode de reconstitution mise en œuvre par l'administration serait radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire doivent être écartés.
En ce qui concerne le caractère exagéré des suppléments d'impôt, ainsi que de contributions sociales et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige :
18. Par la reconstitution qu'elle a mise en œuvre selon les modalités qui ont été exposées au point 16 et dont la pertinence n'est pas utilement contestée, ainsi qu'il a été dit au point 17, l'administration, qui supporte la charge de la preuve comme il a été dit au point 15, doit être regardée comme établissant l'existence de la minoration des chiffres d'affaires déclarés par M. A... au titre de son activité, en ce qui concerne la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, de même que l'insuffisance des bénéfices imposables portés par l'intéressé sur ses déclarations des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. Pour les motifs exposés au point précédent, M. A... ne réfute pas utilement la démonstration ainsi apportée par l'administration en invoquant le procès-verbal de constat d'huissier et les copies de notes de clients qui ne couvrent pas l'intégralité de la période vérifiée, sans proposer d'ailleurs, à partir de ces éléments, aucun calcul alternatif à celui retenu par l'administration pour asseoir les suppléments d'impôt et de contributions sociales, ainsi que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. M. A... soutient cependant que les chiffres d'affaires reconstitués par l'administration en ce qui concerne les ventes de boissons alcoolisées s'appuieraient exclusivement sur un prix unitaire extrapolé de l'année 2013 et qu'ils ne tiendraient pas compte des prix de vente unitaires effectivement pratiqués dans l'établissement au cours de la période vérifiée, ni de l'évolution du prix de vente de certains produits durant cette période. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 16 que le service n'a fait qu'exploiter les données contenues dans le logiciel de la caisse enregistreuse équipant le restaurant de M. A..., qui sont les données de l'exploitation de cet établissement et qui tiennent compte des prix effectivement pratiqués au cours de chacune des années en cause. En outre, l'extrapolation opérée par le service pour l'exercice clos en 2010 a seulement consisté, en l'absence d'enregistrement de recettes au cours des mois de juillet à novembre de cette année, à évaluer la part que représentait la vente de boissons alcoolisées par rapport au chiffre d'affaires total réalisé au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et à faire application du taux moyen ainsi obtenu au chiffre d'affaires reconstitué au titre de l'exercice clos en 2010. Ainsi et contrairement à ce que soutient M. A..., cette extrapolation ne fait pas abstraction des prix de vente unitaires effectivement pratiqués dans l'établissement au cours de la période vérifiée, ni de l'évolution du prix de vente de certains produits durant cette période. En revanche, si, ainsi qu'il a été dit au point 17, M. A... établit, par les copies des notes de clients qu'il produit devant la cour, que les prix de vente unitaires pris en compte par l'administration, en ce qui concerne huit boissons alcoolisées, sont légèrement supérieurs à ceux effectivement pratiqués dans l'établissement, l'administration a tenu compte de ce point pour prononcer le dégrèvement en matière de taxe sur la valeur ajoutée mentionné au point 3. Ainsi, par les seuls éléments qu'il invoque, M. A... ne démontre pas que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée demeurant en litige après ce dégrèvement présenteraient un caractère exagéré.
19. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. ".
20. Il résulte de ce qui a été dit au point 18 que, d'une part, l'administration était fondée à tenir compte, pour la détermination des suppléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. A..., du profit sur le Trésor résultant des insuffisances de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée collectée constatées, mais que, d'autre part, ce chef de rectification doit être ajusté pour tenir compte du dégrèvement prononcé en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Le ministre est toutefois fondé à demander, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, que la réduction du montant des rehaussements des bénéfices imposables correspondant au profit sur le Trésor soit compensée avec l'augmentation corrélative de même montant des rehaussements de bénéfice portant sur les recettes omises. Il y a donc lieu de faire droit à cette demande et, par suite, d'écarter le moyen tiré de ce que les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige présenteraient un caractère exagéré.
En ce qui concerne les écritures en compte de l'exploitant :
21. Au cours du contrôle dont l'activité de restauration exploitée par M. A... a fait l'objet, la vérificatrice a constaté que les sommes de 67 900 euros au titre de l'exercice clos en 2010, de 81 368 euros au titre de l'exercice clos en 2011 et de 82 784 euros au titre de l'exercice clos en 2012, avaient été inscrites au compte 108 de l'exploitant. M. A... n'a cependant pu apporter aucune justification à ces écritures, ni, en particulier, justifier que les sommes ainsi portées sur ce compte provenaient de ses comptes bancaires personnels et qu'elles auraient ainsi la nature d'apports. M. A... soutient que ces écritures auraient eu pour objet de réintégrer dans la comptabilité de son établissement des recettes dont la comptabilisation avait été omise et en déduit que les sommes correspondantes ont, en conséquence de la reconstitution de recettes à laquelle l'administration s'est livrée, fait l'objet d'une double imposition. Toutefois, il ressort des écritures du ministre, non contredites sur ce point, d'une part, que la vérificatrice, après avoir déterminé les recettes omises à partir des données issues du logiciel de caisse, a ensuite soustrait du montant des écritures en compte de l'exploitant non justifiées, toutes les rectifications effectuées en ce qui concerne les recettes non déclarées et les charges d'honoraires non justifiées, ainsi qu'en ce qui concerne une subvention non comptabilisée en produit, d'autre part, qu'elle n'a imposé, à titre d'apports non justifiés en compte de l'exploitant, que le reliquat de cette soustraction. Ainsi, le moyen tiré de la double imposition doit être écarté comme non fondé.
22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A..., d'une part, est seulement fondé à demander l'annulation du jugement du 28 mars 2019 du tribunal administratif d'Amiens, en tant qu'il omet de se prononcer sur la contestation du bien-fondé du chef de rectification afférent aux écritures d'apport en compte de l'exploitant, d'autre part, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Les conclusions dirigées, devant le tribunal administratif d'Amiens, contre les suppléments d'impôt et de contributions sociales issus du rehaussement afférent aux écritures en compte de l'exploitant doivent être rejetées. Il doit en être de même du surplus des conclusions de la requête d'appel de M. A... à fin de décharge des suppléments d'impôt et de contributions sociales, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions que M. A... présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu, à concurrence du dégrèvement de 479 euros prononcé, en droits et pénalités, en cours d'instance, de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.
Article 2 : Le jugement n° 1602490 du 28 mars 2019 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions afférentes au chef de rectification concernant les écritures d'apport non justifiées en compte de l'exploitant.
Article 3 : Les conclusions correspondantes de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Amiens et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°19DA01259