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05/10/2021 | FRANCE | N°20DA01483

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 05 octobre 2021, 20DA01483


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 23 novembre 2018 de la directrice du centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin prononçant à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an à compter du 1er septembre 2016.

Par un jugement n° 1900221 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre

2020, le centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin, représenté par Me Gregory ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 23 novembre 2018 de la directrice du centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin prononçant à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an à compter du 1er septembre 2016.

Par un jugement n° 1900221 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2020, le centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin, représenté par Me Gregory Berkovicz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif d'Amiens ;

3°) de mettre une somme de 3 500 euros à la charge de M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, première conseillère,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... F..., ouvrier professionnel qualifié titulaire depuis le 1er septembre 2007, exerçant les fonctions de cuisinier au centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin, a fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an par une décision du 24 août 2016 de la directrice de cet établissement. A la suite de l'annulation de cette décision pour insuffisance de motivation, par un jugement du 25 septembre 2018 du tribunal administratif d'Amiens, la directrice de ce centre hospitalier a, par une nouvelle décision du 23 novembre 2018, réitéré la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an à l'encontre de l'intéressé. Le centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin relève appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de M. F..., annulé cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le centre hospitalier soutient que les premiers juges n'ont pas statué sur le moyen tiré du caractère abusif du recours formé par M. F... qu'il avait présenté dans son mémoire en défense enregistré le 25 février 2019. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le centre hospitalier s'est borné, dans ses écritures présentées en défense, à demander le rejet de la requête de M. F... en soutenant qu'il estimait celle-ci abusive sans présenter de conclusions à ce titre. En tout état de cause, la faculté prévue par les dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative d'infliger à l'auteur d'une requête une amende pour recours abusif constitue un pouvoir propre du juge. Par suite, en ne statuant pas sur ce moyen en défense qui était sans incidence sur la recevabilité de la demande et sur son bien-fondé, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.

3. En second lieu, si le centre hospitalier soutient que les premiers juges ont entaché le jugement attaqué de dénaturation des faits de l'espèce, ce moyen, qui a trait au bien-fondé du jugement du tribunal administratif d'Amiens, est sans incidence sur sa régularité.

Sur le motif d'annulation retenu par le jugement contesté :

4. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins d'un mois (...) ".

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

Sur la matérialité des faits et leur qualification :

6. Il ressort des pièces du dossier que le centre hospitalier a été saisi de plusieurs réclamations émanant de familles d'usagers quant à la qualité des repas servis le week-end des 28 et 29 mai 2016 et alerté sur une suspicion de toxi-infection alimentaire collective en raison de plusieurs cas de patients atteints de diarrhées constatés pendant trente-six heures. Le responsable du service restauration a effectué un signalement le 30 mai 2016 et rédigé un rapport le lendemain, faisant état du non-respect des normes HACCP de traçabilité de la température des réfrigérateurs, du non-respect des règles de traçabilité des denrées servies le week-end avec une quasi inexistence de repas témoins, d'un nettoyage des locaux n'ayant pas été fait dans les règles de l'art avec la présence de déchets dans les " égouts plonge " des secteurs froid et chaud et de stockage de produits périmés dans le réfrigérateur dans le secteur des préparations froides. Le rapport du 31 mai 2016 indique que M. F... a travaillé le week-end concerné jusqu'à 14 heures avec un jeune contractuel, M. H... et fait aussi état d'un comportement déplacé de M. F... vis-à-vis d'une jeune femme, agent des services hospitaliers qualifié. Si M. H... fait valoir qu'il était seul responsable de la préparation des plats le week-end concerné et que M. F... avait quitté son service à 14 heures, il incombait toutefois à M. F..., en sa qualité d'ouvrier professionnel qualifié, en fonction depuis le 1er septembre 2007 et assurant la responsabilité de la restauration de l'établissement, d'encadrer M. H..., uniquement recruté dans le cadre d'un contrat d'avenir, mais aussi de veiller au respect des règles d'hygiène, de traçabilité des denrées servies aux patients et d'avoir un comportement exemplaire vis-à-vis de ses collègues de travail. La matérialité des faits reprochés à M. F... est ainsi établie et ceux-ci constituent des manquements à ses obligations professionnelles de nature à justifier une sanction disciplinaire. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision en litige était entachée d'erreurs sur la matérialité des faits.

7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les faits litigieux n'ont concerné qu'un seul week-end, celui des 28 et 29 mai 2016 alors que M. F..., en vingt ans d'ancienneté, n'avait pas fait l'objet de procédure disciplinaire, hormis le prononcé d'un blâme le 29 juillet 2015 pour des faits de manquement aux devoirs d'obéissance et de réserve. Il suit de là que le centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin, en décidant de sanctionner l'intéressé par une exclusion temporaire de fonction d'une durée d'un an qui est l'une des sanctions les plus graves du troisième groupe, alors qu'il disposait d'une modulation de la durée de cette exclusion, a prononcé à l'encontre de l'intéressé une sanction disproportionnée par rapport aux faits qui pouvaient lui être reprochés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision en litige.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge des ayants droit de M. F..., qui ne sont pas la partie perdante à l'instance, la somme que réclame à ce titre le centre hospitalier de Chaumont-en-Vexin. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Chaumont-en-Vexin le versement aux ayants droit de M. F... d'une somme au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumont-en-Vexin est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par les ayants droit de M. E... F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Bertinot Juel de Chaumonten-Vexin, à Mme B... G..., à M. D... F..., à M. A... F... et à Mme C... F....

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01483
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL GB2A

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-05;20da01483 ?
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