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23/09/2021 | FRANCE | N°20DA01060

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 23 septembre 2021, 20DA01060


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision par laquelle le maire de La Gorgue lui a implicitement refusé le bénéfice du régime indemnitaire mis en place par la délibération du conseil municipal du 2 octobre 2017 et d'enjoindre à la commune de lui attribuer l'indemnité de fonction, de sujétion et d'expertise, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1801977 du 31 mars 2020, le tribunal administratif de Lille a

annulé la décision implicite par laquelle le maire de La Gorgue a refusé le bénéf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision par laquelle le maire de La Gorgue lui a implicitement refusé le bénéfice du régime indemnitaire mis en place par la délibération du conseil municipal du 2 octobre 2017 et d'enjoindre à la commune de lui attribuer l'indemnité de fonction, de sujétion et d'expertise, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1801977 du 31 mars 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision implicite par laquelle le maire de La Gorgue a refusé le bénéfice de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à M. A... et a enjoint au maire de lui attribuer cette indemnité à compter d'octobre 2017, dans un délai de deux mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2020, la commune de La Gorgue, représentée par Me Eric Forgeois, demande à la cour:

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A..., la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendu au cours de l'audience publique:

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara , rapporteur public,

- et les observations de Me Fabrice Savoye pour la commune de La Gorgue et de Me Henri-François Cattoir pour M. A....

1. M. B... A... est adjoint technique principal de première classe de la commune de La Gorgue depuis le 1er octobre 1985. Par délibération du 2 octobre 2017, le conseil municipal de cette commune a mis en place, à compter du 1er octobre 2017, un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel pour l'ensemble du personnel communal. Constatant qu'il ne bénéficiait pas de ce régime, M. A... a saisi le maire par courrier du 22 novembre 2017. Faute de réponse, il a saisi le tribunal administratif de Lille qui, par jugement du 31 mars 2020, a annulé la décision implicite par laquelle le maire de La Gorgue a refusé d'accorder l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à M. A... et a enjoint au maire de cette commune de lui attribuer cette indemnité à compter du mois d'octobre 2017, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire. La commune de La Gorgue relève appel de ce jugement.

2. La commune de La Gorgue réitère en cause d'appel la fin de non-recevoir qu'elle avait opposée en première instance et tirée, selon les termes mêmes de sa requête du " défaut de décision attaquable ". Toutefois, la commune ne conteste pas que M. A... ne bénéficie d'aucun versement au titre de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise. Dès lors il existe une décision implicite de refus de lui attribuer une telle prime et l'intéressé peut demander l'annulation d'une telle décision qui lui fait grief. La commune conteste par ailleurs que le courrier du 22 novembre 2017 adressé par M. A... au maire constitue un recours gracieux. Ce courrier du 22 novembre 2017 faisait état de ce que M. A... estime être éligible pour l'octroi de cette indemnité et mentionnait qu'il attendait une réponse de l'autorité territoriale. Ce courrier constitue bien un recours gracieux, implicitement rejeté par le maire de La Gorgue. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de La Gorgue et tirée de l'absence de décisions attaquées ne peut qu'être écartée.

3. Eu égard à la teneur des écritures de la commune de La Gorgue en première instance puis en appel, le refus implicite d'attribuer l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à M. A... doit être regardé comme motivé tant par l'absence d'éligibilité de l'intéressé à cette prime que par la décision de ne lui accorder aucun montant indemnitaire au regard des critères retenus par le conseil municipal.

4. Aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa version applicable : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l'Etat. ". Par la délibération du 2 octobre 2017, prise en application de ces dispositions, la commune de La Gorgue a institué un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel pour l'ensemble des agents communaux qu'ils soient titulaires, stagiaires ou contractuels, selon les termes mêmes de cette délibération. L'article 1er de cette délibération dispose que : " le montant individuel attribué au titre de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise, et le cas échéant au titre du complément indemnitaire annuel sera librement défini par l'autorité territoriale, par voie d'arrêté individuel ". L'article 2 indique que les adjoints techniques territoriaux et les agents de maîtrise territoriaux bénéficient de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise comme du complément indemnitaire annuel, leur montant étant différent selon qu'ils aient plus ou moins de cinq ans d'expérience professionnelle. Enfin, ce même article précise que " l'expérience professionnelle des agents sera appréciée au regard des critères suivants : -nombre d'années d'expérience dans l'emploi occupé au sein de la commune et chez d'autres employeurs, nombre d'années dans le domaine d'activité, capacité de transmission des savoirs et compétences auprès d'autres agents ou partenaires... ; formation suivie ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'ensemble des agents communaux, notamment les adjoints techniques, est éligible à ce régime indemnitaire. Dès lors, le maire de La Gorgue ne pouvait exclure M. A... de l'attribution de cette prime au motif qu'il n'y serait pas éligible. Par suite, la commune de La Gorgue n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé pour ce motif d'erreur de droit, la décision implicite refusant à M. A..., l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise.

6. Si le maire était libre de fixer le montant de l'indemnité versée à chaque agent, il ne pouvait le faire que dans le respect des critères fixés par le conseil municipal et sous le contrôle restreint du juge de l'excès de pouvoir. Alors qu'aucun arrêté individuel n'est venu fixer le montant attribué à M. A..., même pour lui attribuer un montant nul, la commune soutient qu'au regard du critère de l'expérience professionnelle, ce dernier ne peut prétendre à aucun versement. Mais il ressort des pièces du dossier que M. A... exerçait depuis trente-deux ans au sein de la commune des fonctions de la filière technique, ce qui justifie de son expérience dans son domaine d'activité. Il établissait également en première instance qu'il avait suivi douze formations entre le 19 septembre 2005 et le 13 septembre 2013. Si la commune soutenait en première instance que les formations suivies les plus récentes étaient en lien avec les fonctions syndicales de l'intéressé, il ressort des pièces du dossier qu'une seule formation pouvait être liée au mandat de représentation de M. A..., celle sur le comité d'hygiène et de sécurité de juin 2011 alors que la plupart étaient en lien direct avec ses fonctions au sein de la collectivité comme par exemple celles sur la prévention des risques liées à l'activité physique du personnel technique suivie en septembre 2011, ou sur la signalisation des chantiers de juin 2010. Enfin, si M. A... bénéficie d'une décharge pour l'exercice d'activités syndicales, il a néanmoins droit, durant l'exercice de son mandat syndical, au versement de l'ensemble des primes et indemnités qui lui sont attribuées au titre des fonctions qu'il continue d'exercer, au taux déterminé pour les fonctions effectivement exercées appliqué sur la base d'un temps plein, à l'exception, pour la partie du temps de travail accompli en décharge, des indemnités représentatives de frais et des indemnités destinées à compenser des charges et contraintes particulières, tenant notamment à l'horaire, à la durée du travail ou au lieu d'exercice des fonctions, auxquelles le fonctionnaire n'est plus exposé du fait de la décharge de service. Compte tenu de ces éléments, le maire de La Gorgue ne pouvait sans commettre une erreur manifeste d'appréciation, refuser à M. A... le versement du moindre montant au titre de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la commune de La Gorgue ne peut qu'être rejetée.

8. M. A... doit être regardé comme demandant à la cour que l'injonction prononcée en première instance soit assortie d'une astreinte. Mais dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte et ces conclusions doivent être rejetées.

Sur les frais non liés aux dépens :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de La Gorgue demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la commune de La Gorgue la somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de La Gorgue est rejetée.

Article 2 : Les conclusions à fin d'astreinte présentées par M. A... sont rejetées.

Article 3 : La commune de La Gorgue versera la somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Gorgue et à M. B... A....

N°20DA01060 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01060
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03-001 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers. - Primes de rendement.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-09-23;20da01060 ?
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