Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 à hauteur d'un montant total de 109 682 euros.
Par un jugement n° 1701730 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juillet 2019 et le 22 novembre 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge à hauteur de la somme de 109 682 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Binand, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 et 2012 à l'issue duquel l'administration, par une proposition de rectification du 11 février 2014, a taxé d'office, sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, perçus par le contribuable au titre de l'année 2012, la somme de 177 700 euros qu'elle a regardée comme présentant le caractère de revenus d'origine indéterminée. Le 30 avril 2016, l'administration, qui n'a pas entendu suivre l'avis rendu le 16 octobre 2015 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, a mis en recouvrement les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui en ont résulté. Par un jugement du 16 mai 2019, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il été soumis, à ce titre, à hauteur d'un montant total de 109 682 euros.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 71 du livre des procédures fiscales : " En l'absence de réponse ou à défaut de réponse suffisante aux demandes d'informations ou de justifications prévues à l'article L. 23 C dans les délais prévus au même article, la personne est taxée d'office dans les conditions prévues à l'article 755 du code général des impôts. " L'article R. 71-1 de ce livre dispose : " La décision de mettre en oeuvre la taxation d'office prévue au premier alinéa de l'article L. 71 est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire, qui vise à cet effet la notification de la proposition de rectification. ". Aux termes de l'article 755 du code général des impôts : " Les avoirs figurant sur un compte ou un contrat d'assurance-vie étranger et dont l'origine et les modalités d'acquisition n'ont pas été justifiées dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales sont réputés constituer, jusqu'à preuve contraire, un patrimoine acquis à titre gratuit assujetti, à la date d'expiration des délais prévus au même article L. 23 C, aux droits de mutation à titre gratuit au taux le plus élevé mentionné au tableau III de l'article 777. ". Il résulte de la lettre même de ces dispositions, invoquées explicitement par l'appelant, que le visa de la proposition de rectification par un agent satisfaisant aux prescriptions de l'article R. 71-1 du livre des procédures fiscales ne concerne que le cas, qui n'est pas celui de l'espèce, dans lequel l'administration entend assujettir aux droits de mutation, par la procédure de la taxation d'office, les avoirs figurant sur un compte ou un contrat d'assurance-vie étranger. Si la procédure de taxation d'office ainsi prévue par l'article L. 71 du livre des procédures fiscales présente des similitudes avec la procédure de taxation d'office à l'impôt sur le revenu prévue par l'article L. 69 du même livre, sur le fondement de laquelle l'imposition en litige a été établie, dès lors que, dans l'un et l'autre cas, sa mise en oeuvre est la conséquence de la réponse insuffisante apportée par le contribuable à une demande d'éclaircissements adressée par l'administration, le principe d'égalité de traitement n'implique pas, contrairement à ce que soutient l'appelant, que ces contribuables, placés, au regard de la loi fiscale, dans des situations différentes, soient assujettis à l'impôt en respectant des garanties procédurales équivalentes. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'administration, en ne mettant pas en oeuvre la garantie prévue par l'article R. 71-1 du livre des procédures fiscales, qui n'est pas applicable à l'imposition en litige, aurait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ". L'article L. 16 A du même livre dispose que : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de manière insuffisante aux demandes d'éclaircissements et de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Enfin, selon l'article L. 69 de ce livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".
4. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, lorsque l'administration a demandé des justifications à un contribuable sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, elle est fondée à l'imposer d'office, sans mise en demeure préalable, à raison des sommes au sujet desquelles il s'est abstenu de répondre dans le délai requis ou n'a apporté que des réponses imprécises ou invérifiables, sans les assortir d'éléments de justification. Pour les sommes au sujet desquelles il a apporté des éléments de réponse jugés insuffisants, l'administration est en revanche tenue de lui adresser, préalablement, la mise en demeure prévue par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales, dont l'objet principal est d'informer le contribuable sur la nature exacte des précisions qui sont exigées de lui, sur le délai complémentaire de trente jours qui lui est imparti pour apporter ces précisions et sur les conséquences qui s'attacheraient à un défaut de réponse de sa part. Il en va ainsi quelle que soit la teneur des indications mentionnées par l'administration dans la demande de justifications notifiée au contribuable, dès lors que les garanties prévues par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales complètent, sans se confondre avec elles, celles que le contribuable tire des dispositions de l'article L. 16 du même livre.
5. Il résulte de l'instruction que, par courrier présenté le 12 juin 2014, l'administration a demandé à M. C... de lui apporter des éclaircissements et des justifications sur les vingt-six mouvements créditeurs d'un montant total de 189 712 euros, opérés en 2012 sur ses comptes bancaires par remise de chèques ou d'espèces, dès lors que ces sommes excédaient de plus du double les revenus, d'un montant de 23 123 euros, qu'il avait déclarés. En réponse, M. C... a apporté des précisions sur les remises de chèques bancaires, que le vérificateur a prises en compte, et s'agissant des remises d'espèces, qui s'élevaient à un montant de 177 700 euros, a indiqué qu'elles provenaient du reliquat de quatre retraits d'espèces, dont il a justifié, effectués à partir du compte personnel de son épouse, de janvier à mars 2006, peu avant le décès de celle-ci. M. C... a ajouté, notamment, qu'il avait conservé à son domicile les sommes ainsi retirées, d'un montant total de 410 000 euros, provenant à hauteur de 195 800 euros de la vente en 2004 de biens immobiliers à sa fille et, pour le surplus, de dons manuels non formalisés reçus de son épouse, afin d'éviter que ces avoirs ne soient appréhendés par les créanciers de son entreprise générale de bâtiment, auxquels il avait été condamné à verser près de 525 000 euros par une décision de la cour d'appel de Rouen en date du 4 avril 2004, ce qui avait conduit à l'ouverture en juin 2006 d'une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation dès le mois suivant. En réponse au courrier du 26 septembre 2012, par lequel le vérificateur l'a mis en demeure, sur le fondement de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales, de justifier du lien entre ces retraits et les versements opérés, six ans après, sur ses comptes bancaires, M. C... s'est borné à indiquer que ces sommes avaient contribué à pourvoir à ses dépenses personnelles et à rembourser à sa fille les mensualités de l'emprunt bancaire, d'un montant de 450 000 euros, qu'elle avait souscrit afin d'apurer elle-même la dette de l'entreprise de son père et que, après la conclusion au mois de juillet 2012, d'un protocole transactionnel mettant fin au litige avec ses créanciers, il avait décidé d'abonder son compte bancaire par les espèces encore à sa disposition. Toutefois, M. C..., au soutien de ses allégations, ne produit aucun élément de nature à établir que les crédits bancaires sur l'origine desquels il a été interrogé par l'administration auraient pour origine, comme il le soutient, le reliquat des fonds retirés du compte personnel de son épouse en 2006, ni du réemploi allégué de ces fonds. Par suite, compte tenu du caractère difficilement vérifiable de la réponse qu'il a ainsi apportée, sans l'assortir de justifications quant à l'origine des crédits bancaires en cause, l'administration était fondée à imposer d'office ces revenus.
6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
7. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales et de l'article L. 193 du même livre que M. C..., qui était, ainsi qu'il a été dit précédemment, en situation d'être taxé d'office, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition qu'il conteste, quand bien même l'administration ne peut se prévaloir d'un avis favorable de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.
8. Afin d'établir que la somme de 177 700 euros créditée en 2012 sur son compte bancaire provient du produit de la vente d'immeubles et de dons manuels reçus de son épouse, M. C... verse différents documents relatifs à la vente d'immeubles à sa fille en 2004, au retrait de fonds opéré sur le compte de son épouse en 2006, ainsi qu'aux condamnations judiciaires et aux mesures de recouvrement forcé prises pour leur exécution dont il a fait l'objet. Toutefois, ni ces éléments, ni le tableau d'amortissement théorique non daté, d'un emprunt d'un montant de 450 000 euros au nom de sa fille relatif, sans autre indication, à un bien incorporel, ni le protocole transactionnel conclu le 12 juillet 2012 entre sa fille et ses créanciers, par lequel ceux-ci renoncent à leurs créances en contrepartie d'une indemnité forfaitaire de 250 000 euros, ne suffisent à établir que les remises d'espèces d'un montant de 177 700 euros en 2012, intervenues d'ailleurs pour partie avant la conclusion de ce protocole d'accord, constitueraient le reliquat de ces fonds après leur réemploi allégué, et non établi, en l'absence de toute formalisation, au remboursement de cette indemnité à sa fille. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a regardé ces sommes comme présentant le caractère de revenus d'origine indéterminée et les a soumises, en conséquence, à l'impôt sur les revenus et aux prélèvements sociaux correspondants.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°19DA01719