Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. A... C... et Mme H... E... épouse C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 par lequel le maire d'Orainville les a mis en demeure d'évacuer les déchets abandonnés sur un terrain sis à Orainville, lieu-dit Le Terroir du Ham, section ZC n° 7, et de les faire éliminer dans une installation dûment agréée à cet effet dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit arrêté.
Par un jugement n°1803811 du 27 mars 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 mai 2020 et le 18 janvier 2021, M. et Mme C..., représentés par Me J... D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 du maire d'Orainville ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Orainville le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le règlement sanitaire départemental de l'Aisne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... F..., première conseillère,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me J... D..., représentant M. et Mme C..., et de Me G... I..., représentant la commune d'Orainville.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 16 octobre 2018, le maire d'Orainville a mis en demeure M. et Mme C..., nus-propriétaires d'un terrain sis à Orainville, lieu-dit Le Terroir du Ham section ZC n°7, d'évacuer les déchets abandonnés sur ce terrain, et de les faire éliminer dans une installation dûment agréée à cet effet dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit arrêté. Mme et M. C... relèvent appel du jugement du 27 mars 2020, par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions en annulation de l'arrêté du 16 octobre 2018 :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 541-2 du code de l'environnement : " Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre.// Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers.//Tout producteur ou détenteur de déchets s'assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. ".
3. Aux termes de l'article L. 541-3 du même code : " I.- Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé.(...) "
4. D'autre part, l'article 84 du règlement sanitaire départemental de l'Aisne dispose, dans son premier alinéa, que tout dépôt sauvage d'ordures ou de détritus de quelque matière que ce soit est interdit, et dans son deuxième alinéa, qu'après mise en demeure, les dépôts existants sont supprimés selon la procédure prévue par le code de la santé publique.
5. Pour mettre en demeure M. et Mme C... d'évacuer les déchets se trouvant sur le terrain sus-évoqué, le maire d'Orainville s'est fondé, en droit, sur les dispositions précitées du code de l'environnement et du règlement sanitaire départemental de l'Aisne, et, en fait, sur la seule circonstance que les remblais apportés sur le terrain sus-évoqué occasionneraient des nuisances pour l'environnement et le voisinage et seraient de nature à porter atteinte à la salubrité publique, en raison de dépassements de seuil d'acceptation en installations de stockage de déchets inertes s'agissant de la teneur en sulfates et de valeur de qualité des sols s'agissant des teneurs en cuivre, en zinc et en mercure constatés par un " diagnostic de la qualité des remblais " réalisé par la société EnvirEauSol le 5 juillet 2018 à la demande de la commune.
6. Cependant, s'agissant du dépassement en sulfates relevé pour un échantillon, sur les quinze sondages effectués au total, ce rapport indique que les autres paramètres respectant les critères applicables pour les installations de stockage de déchets inertes, le remblai sera assimilé à un terrain inerte. S'agissant du dépassement en plomb affectant trois des échantillons, le rapport indique que les teneurs restent inférieures aux seuils de vigilance et d'intervention. Si l'ensemble des échantillons analysés par EnvirEausol révèlent un dépassement relatif au cuivre et deux d'entre eux un dépassement relatif au mercure et au zinc, le rapport n'indique à aucun moment que les dépassements détectés seraient dangereux.
7. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport effectué par la société EACM, en novembre 2020 à la demande des appelants, et portant également sur la qualité environnementale des sols, éclairé par un courriel en date du 3 décembre 2020 adressé par cette même société à M. C..., que le référentiel d'analyses utilisé par la société EnvirEausol ne correspond pas au référentiel dit ASPITET défini par l'institut national de la recherche agronomique, qu'un document élaboré conjointement par le ministère de la transition écologique et solidaire et l'institut national de l'environnement industriel et des risques, présente comme le seul référentiel national reconnu pour les sols ordinaires, qui constituent les remblais en litige. A l'aune de ce référentiel ASPITET, il ressort de ces mêmes documents que les échantillons prélevés par EnvirEauSol ne présentent pas d'anomalies significatives.
8. Enfin, l'absence de nocivité des remblais ressort également d'autres pièces versées au dossier, notamment d'un rapport de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement établi le 21 janvier 2019, après une inspection du site réalisée le 14 décembre 2018 par l'inspecteur de l'environnement spécialité " installations classées " qui qualifie les matériaux mis en place sur le terrain de matériaux inertes.
9. Dès lors, et comme le soutiennent les appelants, en se fondant uniquement sur la nocivité des déchets utilisés pour les dépôts effectués sur le terrain de M. et Mme C..., le maire d'Orainville a entaché la décision prise d'une erreur de fait.
10. En outre, si la décision litigieuse a également pour motif la réalisation non autorisée de remblais et d'un défrichement, ces faits ne sauraient légalement fonder la mise en oeuvre de l'article L. 541-3 du code de l'environnement.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et alors que la commune d'Orainville ne fait explicitement valoir devant la présente cour aucun autre motif de fait susceptible de fonder légalement l'arrêté en litige en le substituant à celui retenu de manière erronée, que les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'appeler en la cause le préfet de l'Aisne, il y a lieu d'annuler ce jugement et la décision en litige.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
12. D'une part, les dispositions de l'article L. 761 1 du code justice administrative font obstacle à ce que les appelants, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, versent à la commune d'Orainville la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
13. D'autre part, sur le fondement de ces mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune d'Orainville la somme demandée par les appelants au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement rendu par le tribunal administratif d'Amiens le 27 mars 2020 et l'arrêté pris le 16 octobre 2018 par le maire d'Orainville sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et Mme H... E... épouse C... et à la commune d'Orainville.
Copie pour information en sera adressée au préfet de l'Aisne.
N°20DA00712 2