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22/06/2021 | FRANCE | N°20DA00267

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 22 juin 2021, 20DA00267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser, d'une part, la somme de 416 402,11 euros, assortie des intérêts au taux légal, en remboursement des débours exposés à raison de l'infection nosocomiale contractée par M. D... F... lors de son hospitalisation dans cet établissement en juin 2009 et, d'autre part, celle de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaita

ire de gestion.

Par un jugement n° 1702973 du 5 décembre 2019, le tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens à lui verser, d'une part, la somme de 416 402,11 euros, assortie des intérêts au taux légal, en remboursement des débours exposés à raison de l'infection nosocomiale contractée par M. D... F... lors de son hospitalisation dans cet établissement en juin 2009 et, d'autre part, celle de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1702973 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir mis hors de cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 février 2020 et 12 avril 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime, représentée par Me E... C..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens-Picardie à lui verser une somme de 416 402,11 euros au titre des débours définitifs, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et une somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Amiens-Picardie une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., alors âgé de trente-huit ans, souffrant de douleurs thoraciques, a été admis le 5 juin 2009 au service des urgences du centre hospitalier universitaire d'Amiens. Il a subi le jour même une intervention chirurgicale en urgence à la suite de la pose du diagnostic de dissection aortique de type I avec suspicion d'ischémie digestive. Il a présenté le 22 juin 2009 une infection à " Candida albicans " associée au cathéter veineux central qui lui a été posé lors de son intervention. A la suite du diagnostic d'un faux anévrisme de l'aorte descendante d'allure septique, une reprise chirurgicale a été effectuée le 20 avril 2010 pour le remplacement de sa prothèse. Atteint notamment de séquelles neurologiques, M. F... a saisi, le 24 juin 2013, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux qui a diligenté une expertise. Par un avis du 17 juin 2014, la commission a estimé que l'infection contractée par M. F... liée à un cathéter veineux central présentait un caractère nosocomial et a retenu un déficit fonctionnel permanent de 40 %, dont 30 % est directement imputable à l'infection nosocomiale. Elle a estimé que les conséquences dommageables subis par M. F... sur le plan neurologiques et psychiatriques devaient être mises à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à hauteur de 60 %, les 40 % restant étant imputables à l'état antérieur de M. F.... L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a fait une offre d'indemnisation à hauteur de 258 898,06 euros qui a été acceptée par M. F.... La caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime relève appel du jugement du 19 décembre 2019 du tribunal administratif d'Amiens, en tant qu'après avoir mis hors de cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, il a rejeté sa demande tendant au remboursement de ses débours exposés pour M. F... et au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur la mise hors de cause de l'ONIAM :

2. Il n'est pas contesté que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales doit être mis hors de cause dès lors qu'en application des dispositions des articles L. 1142-1-1 et L. 1142-22 du code de la santé publique, s'il doit indemniser au titre de la solidarité nationale les victimes des infections nosocomiales les plus graves, il ne peut être regardé comme le responsable des dommages que ces infections occasionnent. Ainsi, la caisse, qui a versé des prestations à la victime de cette infection, ne peut exercer un recours subrogatoire contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Amiens-Picardie :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. II. Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, d'un service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. "

4. Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) ".

5. Il ressort du rapport de l'expertise médicale du 7 avril 2014 réalisée à la demande de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux que M. F..., lors de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 5 juin 2009 d'une durée totale de cinq heures et trente minutes, dont un temps de trois heures et trente-huit minutes de circulation extracorporelle, a contracté une infection qui présente un caractère nosocomial en l'absence de cause étrangère à celle-ci. Cette infection nosocomiale, mise en évidence le 22 juin 2009, est liée au cathéter veineux central mis en place lors de cette intervention chirurgicale, qui a été traitée par un antifongique approprié. Alors que les experts ont constaté l'absence de toute faute d'asepsie de la part du centre hospitalier, cette infection s'est compliquée d'une localisation sur la prothèse aortique qui a nécessité une seconde intervention chirurgicale encore plus importante, le 20 avril 2010, d'une durée totale de huit heures et quarante minutes dont un temps de circulation extracorporelle de cinq heures, en vue du remplacement de la prothèse, suivie d'un traitement antifongique prolongé. A la suite de ces deux interventions chirurgicales particulièrement lourdes, M. F... demeure atteint, après consolidation de son état de santé, d'un déficit fonctionnel permanent globalisé de 40 % se traduisant essentiellement par des troubles neurologiques. Il ressort du rapport d'expertise que l'essentiel de ces troubles neurologiques sont imputables à la seconde intervention chirurgicale nécessitée par l'infection nosocomiale, en raison du temps de circulation extracorporelle particulièrement long avec une hypothermie plus profonde que la première fois. C'est la raison pour laquelle la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux a estimé, dans son avis du 17 juin 2014 non contesté sur ce point, qu'en ce qui concerne ce déficit fonctionnel permanent de 40 %, 30 % était imputable à l'infection nosocomiale, les 10 % restant étant liés à un accident médical non fautif indépendant de l'infection. L'infection nosocomiale est ainsi responsable de 75 % du déficit fonctionnel permanent dont reste atteint M. F.... Si cette commission a également estimé, au vu du rapport d'expertise, que l'ensemble des conséquences dommageables subi par M. F... à la suite de ces deux interventions chirurgicales avait pour origine, d'une part, l'infection nosocomiale à hauteur de 60 % et, d'autre part, son état antérieur à hauteur de 40 %, cette circonstance est sans incidence sur le taux de 30 % de déficit fonctionnel permanent directement imputable à la seule infection nosocomiale. Ce taux étant ainsi supérieur au taux de 25 % fixé par les dispositions précitées de l'article L.1142-1-1 du code de la santé publique, l'indemnisation des préjudices résultant du dommage subi par M. F... incombe à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et non au centre hospitalier universitaire d'Amiens. Dès lors, la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Seine-Maritime n'est pas fondée à demander que le remboursement de ses débours soit mis à la charge du centre hospitalier universitaire d'Amiens sur le fondement du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Seine-Maritime n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Seine-Maritime, au centre hospitalier universitaire d'Amiens-Picardie, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes, des infections nosocomiales et à M. D... F....

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N°20DA00267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00267
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux - Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Modalités de la réparation - Solidarité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : CABINET BJMR

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-22;20da00267 ?
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