Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 avril 2020 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.
Par un jugement n° 2003633 du 27 janvier 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mars 2021 et 2 avril 2021, Mme C..., représentée par Me A... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté du 16 avril 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 jours par jour de retard.
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante kosovare née le 4 mai 1987, serait, selon ses déclarations, entrée en France en 2008. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 30 juin 2009 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 1er juin 2012 de la Cour nationale du droit d'asile. Elle a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 15 février 2013, à laquelle elle n'a pas déféré. A compter du 8 janvier 2016, Mme C... s'est vu délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, lequel lui a été régulièrement renouvelé. Le 30 juillet 2019, elle en a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 16 avril 2020, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure. Mme C... relève appel du jugement du 27 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prises en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., qui souffre de troubles psychiatriques post-traumatiques, suit un traitement médicamenteux et bénéficie d'un suivi psychiatrique dans un centre médico-psychologique. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à Mme C... sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord a estimé, en s'appuyant notamment sur l'avis du 17 décembre 2019 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque. Pour contester cette appréciation, Mme C... produit, d'une part, plusieurs certificats médicaux établis entre 2010 et 2017, lesquels se bornent à constater ses troubles dépressifs et la nécessité de la poursuite des soins psychiatriques. Ils ne comportent aucune indication quant aux conséquences médicales éventuelles qu'engendrerait un arrêt du traitement dont elle bénéficie. Elle verse, d'autre part, quatre certificats plus récents des 19 juillet 2019, 5 mai 2020, 18 décembre 2020 et 16 mars 2021, dont trois postérieurs à la décision en litige, lesquels se limitent à faire état pour l'essentiel de son traitement médicamenteux et de la nécessité d'un " suivi régulier au long cours ". S'agissant du dernier certificat médical de son psychiatre établi le 16 mars 2021, il est fait état, pour la première fois et presqu'un an après la décision en litige, d'un " risque de décompensation suicidaire " en cas de retour dans son pays. Mme C... soutient avoir subi des violences en raison de son appartenance à la communauté rom et que ses trois enfants ont été enlevés. Toutefois, hormis quelques certificats médicaux, elle n'apporte aucun élément permettant de corroborer la réalité du lien direct et certain entre sa pathologie psychiatrique et les événements qu'elle allègue avoir subi au Kosovo avant son arrivée en France il y a plus de douze ans alors qu'au demeurant, le juge de l'asile n'a pas tenu pour établis les évènements décrits par Mme C.... En outre, elle ne justifie pas, en tout état de cause, par la production d'un rapport général de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés ne portant pas précisément sur les médicaments de Mme C... qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine. Dans ces conditions, eu égard aux termes des certificats médicaux et alors même que Mme C... a pu bénéficier précédemment de titres de séjour en raison de son état de santé, ces pièces ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation de l'autorité préfectorale sur l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
7. Mme C... se prévaut de sa présence en France depuis douze ans et soutient que le couple qu'elle forme avec M. C..., qui est de nationalité macédonienne avec qui elle est mariée religieusement, ne peut se reconstituer en Kosovo. Elle fait valoir que ce dernier est par ailleurs le père d'une enfant de nationalité roumaine, né le 28 juin 2015 et qui vit en France. Toutefois, Mme C... doit être regardée comme célibataire, en l'absence de mariage civil, ou à tout le moins en concubinage. Elle n'a pas d'enfant à sa charge. Son compagnon est par ailleurs lui-même en situation irrégulière sur le territoire français et ne justifie pas par ses allégations qu'il détiendrait d'un droit au séjour compte tenu de sa qualité de père d'un enfant de nationalité roumaine scolarisée en France. Si elle n'est pas en mesure de justifier d'une insertion professionnelle particulière compte tenu de son handicap reconnu par la maison départementale des personnes handicapées, elle ne justifie pour autant d'aucune insertion sociale notable dans la société française en dépit de ses années de présence. Elle n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale au Kosovo, où résident ses parents ainsi que son frère et sa soeur. Eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de Mme C..., la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme C....
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'illégalité.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que Mme C... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
10. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de Mme C... ne peuvent qu'être écartés.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 12 que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
Sur la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que Mme C... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire.
14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
15. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Mme C... allègue qu'elle ne pourra pas accéder à un traitement au Kosovo. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, le défaut de prise en charge de son état de santé ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité. En tout de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que la poursuite de sa prise en charge médicale au Kosovo exposerait Mme C... à une dégradation de son état de santé. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
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N°21DA00613
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