Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2019 par lequel le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2003745 du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté du 13 novembre 2019.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2020, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... C..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., ressortissant algérien né le 27 octobre 1985, est entré en France le 14 décembre 2013. Il s'est vu délivrer un certificat de résidence algérien valable du 18 mai 2017 au 17 mai 2018 sur le fondement du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le 3 mai 2018, il a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence algérien. Par un arrêté du 13 novembre 2019, le préfet du Nord a refusé le renouvellement de son certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet du Nord interjette appel du jugement du 27 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. B..., annulé son arrêté du 13 novembre 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui se prévaut des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Pour refuser la délivrance d'un certificat de résidence à M. B... sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet du Nord a estimé, en s'appuyant sur l'avis établi par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 5 décembre 2018, que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre de schizophrénie qui se traduit par des troubles psychotiques avec automatisme mental et hallucination visuelle et qu'il bénéficie d'un suivi médical spécialisé et d'un lourd traitement médicamenteux composé de Risperdal, Tercian, Temesta, Théralène et Mianserine. M. B... produit plusieurs certificats médicaux aux termes desquels il " ne peut en aucun cas arrêter les soins spécialisés psychiatriques en cours actuellement, sous peine de mettre en danger son intégrité physique, voire d'engager son pronostic vital ". Ces certificats sont, dans les circonstances de l'espèce, de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur les conséquences d'un défaut de prise en charge.
6. S'agissant de la disponibilité d'un traitement approprié en Algérie, s'il ressort de la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine, actualisée au 30 janvier 2019, publiée par le ministère de la santé, de la population et de la réforme hospitalière de la République algérienne démocratique et populaire que le Temesta, le Risperdal et la Mianserine sont disponibles en Algérie, il est constant que le Tercian et le Théralène n'y figurent pas. S'agissant du Tercian, antipsychotique dont la substance active est la cyamémazine, le préfet soutient qu'un autre médicament comportant de la lévomépromazine, disponible en Algérie, pourrait s'y substituer. Toutefois, si la lévomépromazine est un neuroleptique, ayant des propriétés antipsychotiques dont les effets sont similaires au Tercian, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ce médicament pourrait convenir à M. B..., ni être combiné avec les autres médicaments qui composent son traitement. De même, il n'est pas établi que le Théralène, dont la substance active est l'alimenazine dérivée de la phéniothazine, pourrait être remplacé par un autre médicament de même classe thérapeutique à base de prométhazine. Dès lors, et à défaut de produire une étude médicale de nature à établir que M. B... pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé pour erreur de droit et erreur manifeste d'appréciation l'arrêté du 13 novembre 2019.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du préfet du Nord doit être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
8. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Clément, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Clément la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord, à M. D... B... et à Me Norbert Clément.
N°20DA01917 2