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25/05/2021 | FRANCE | N°20DA00478

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 25 mai 2021, 20DA00478


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... K... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 juin 2019 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 1910467 du 19 février 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Nord de délivrer à Mme K... une carte de séjour temporaire portant la ment

ion " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... K... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 juin 2019 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 1910467 du 19 février 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Nord de délivrer à Mme K... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mars 2020, le préfet du Nord, représenté par Me A... F..., demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme K... devant le tribunal administratif de Lille.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... C..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 19 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a, à la demande de Mme K..., née le 18 septembre 1984, ressortissante congolaise, annulé son arrêté du 21 juin 2019 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.

Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application des dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ses compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition, par l'enfant, de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. Pour annuler l'arrêté du 21 juin 2019 contesté au motif que les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avaient été méconnues, les premiers juges ont relevé que les circonstances, à les supposer établies, que la relation entre l'enfant et le père serait inexistante et que ce dernier ne participerait pas effectivement à son entretien et à son éducation ne sauraient établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité. Ils ont également estimé qu'il en était de même des circonstances notamment que la requérante n'avait pas cherché à régulariser sa situation depuis son arrivée en France en 2012, que les propos tenus par Mme K... et M. M'J... lors de leurs entretiens respectifs en préfecture étaient imprécis et contradictoires et que l'intéressé avait reconnu quatre enfants nés de trois mères différentes les 28 octobre 2014, 14 décembre 2014 et 12 août 2015. Le tribunal a retenu également qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'une action en contestation de la filiation ait été engagée par le ministère public, ni un signalement au Procureur de la république.

5. Toutefois, il ressort des pièces circonstanciées et concordantes du dossier que la reconnaissance de paternité de l'enfant de Mme K... par M. M'J..., ressortissant français, a eu pour but exclusif de permettre à l'intéressée d'obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français alors que les parents n'ont justifié d'aucune communauté de vie, que le père déclaré, ayant quitté la région lilloise et vivant en région parisienne, n'a jamais participé à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, qu'aucun élément n'a permis de déterminer la date de conception de l'enfant au cours du séjour de Mme K... en France et que cette personne, qui a reconnu la paternité de l'enfant, a fait l'objet d'un signalement par le préfet du Nord au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lille le 21 décembre 2017 pour des soupçons de reconnaissance de paternité frauduleuse, ayant reconnu quatre enfants de quatre mères différentes en situation irrégulière en 2014 et 2015, procédure qui a abouti à un jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 16 janvier 2020 qui a annulé cette reconnaissance de paternité. Par suite, au vu de ce faisceau d'indices précis et concordants, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le motif rappelé précédemment pour annuler l'arrêté du 21 juin 2019 en litige.

6. Toutefois, il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme K... tant en première instance qu'en appel.

Sur la légalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :

7. L'arrêté attaqué a été signé par Mme I... G..., cheffe du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière, qui bénéficiait à cet effet d'une délégation de signature du préfet du Nord en vertu d'un arrêté du 26 février 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du Nord n° 46 du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence dont serait entaché l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

8. Mme K..., entrée en France le 16 juin 2012, est célibataire et mère d'un enfant né sur le territoire le 4 mai 2017. Elle dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa mère et où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. En outre, elle ne justifie d'aucune intégration particulière au sein de la société française. Dans ces conditions, alors que la requérante ne fait état d'aucune autre attache personnelle ou familiale, le préfet du Nord n'a pas, en prenant le refus de séjour attaqué, porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. La décision de refus de titre de séjour, qui n'a pas pour conséquence de séparer l'enfant, âgé de deux ans à la date de la décision en litige, de sa mère, n'a pas porté à l'intérêt supérieur de celui-ci une atteinte méconnaissant les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

11. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme K... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. Si Mme K... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, il résulte toutefois de ce qui a été dit aux points 8 et 10 du présent arrêt que ces moyens doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 21 juin 2019. Par voie de conséquence, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme K... devant le tribunal administratif de Lille ainsi que ses conclusions d'appel.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamné à verser à Me B... la somme qu'il réclame au titre de ces dispositions et sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1910467 du 19 février 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme K... devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme H... K... et à Me E... B....

Copie sera adressée au préfet du Nord.

2

N°20DA00478


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00478
Date de la décision : 25/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-25;20da00478 ?
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