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20/05/2021 | FRANCE | N°19DA00842

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 20 mai 2021, 19DA00842


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Jim Boileau a demandé au tribunal administratif d'Amiens, de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2013, d'autre part, de l'amende pour distribution occulte qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, et de mettre à la charge de l'Etat la som

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Jim Boileau a demandé au tribunal administratif d'Amiens, de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2013, d'autre part, de l'amende pour distribution occulte qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1602476 du 28 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge de l'amende infligée à la SAS Jim Boileau sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 avril 2019, et par un mémoire, enregistré le 9 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) de limiter à un montant de 524 euros la décharge de l'amende infligée à la SAS Jim Boileau sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;

2°) de remettre à la charge de la SAS Jim Boileau le surplus de cette amende, soit les montants de 120 431 euros, au titre de la période allant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, et de 75 794 euros, au titre de la période allant du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 ;

3°) de réformer en ce sens le jugement attaqué et d'annuler ce jugement en tant qu'il met une somme à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) d'ordonner à la SAS Jim Boileau de procéder au reversement de la somme de 1 500 euros mise à la charge de l'Etat à ce titre.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Jim Boileau, qui a son siège à Saint-Quentin-la-Motte-Croix-au-Bailly (Somme), exerce une activité de vente en gros de denrées et de matériels destinés notamment aux boulangeries, ainsi qu'aux hôtels et aux restaurants. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013. A l'issue de ce contrôle, au cours duquel le vérificateur a estimé devoir écarter la comptabilité de la société comme dépourvue de caractère sincère et probant, l'administration a envisagé de rectifier le chiffre d'affaires déclaré par la SAS Jim Boileau au titre de la période vérifiée, après avoir estimé, en conséquence du constat de sorties exceptionnelles de stock non justifiées, que celle-ci avait minoré son chiffre d'affaires dans les déclarations qu'elle avait souscrites. L'administration a en conséquence adressé à la SAS Jim Boileau, le 15 décembre 2014 et le 9 février 2015, deux propositions de rectification. Par la seconde proposition de rectification, l'administration a fait connaître à la société qu'elle envisageait de regarder une partie des sorties de stock non justifiées comme correspondant à des distributions occultes de revenus et lui a imparti, en application de l'article 117 du code général des impôts, un délai de trente jours pour désigner les bénéficiaires de ces distributions. La SAS Jim Boileau a formulé des observations, par lesquelles elle a notamment désigné son ancien dirigeant et un ancien salarié, licencié à raison de faits de vol de marchandises, comme étant les bénéficiaires des revenus regardés comme distribués. Le 30 juillet 2015, le vérificateur a informé la SAS Jim Boileau que, celle-ci ayant été regardée comme ayant donné, dans ses observations, une réponse insuffisamment précise à la demande de désignation des bénéficiaires des sommes regardées comme distribuées qui était contenue dans la proposition de rectification du 9 février 2015, il avait été décidé de lui infliger l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts à hauteur de 100 % des sommes réputées distribuées, soit 120 431 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et 76 318 euros au titre de l'exercice clos en 2013. Ces sommes ont été mises en recouvrement le 29 avril 2016, de même que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qui s'élèvent, en droits et pénalités, à 54 895 euros.

2. Sa réclamation ayant été rejetée, la SAS Jim Boileau a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquels elle a ainsi été assujettie au titre de la période allant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2013, d'autre part, de l'amende pour distribution occulte qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 28 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge de l'amende qui avait été infligée à la SAS Jim Boileau sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de cette société. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement et demande à la cour de limiter à un montant de 524 euros la décharge de l'amende infligée à la SAS Jim Boileau sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, de remettre à la charge de la SAS Jim Boileau le surplus de cette amende et de réformer en ce sens le jugement attaqué.

3. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Aux termes de l'article 1759 de ce code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ". Lorsqu'une société est invitée par l'administration à désigner le bénéficiaire de sommes réintégrées dans ses résultats, la réponse qu'elle donne ne peut être assimilée à un défaut de réponse lorsqu'elle est suffisamment précise et qu'elle n'est pas dénuée de vraisemblance.

4. Il résulte de l'instruction que, par un courrier daté du 8 avril 2015, la SAS Jim Boileau, à l'approche du terme du délai supplémentaire de trente jours dont elle avait bénéficié pour ce faire, a formulé des observations sur la proposition de rectification qui lui avait été adressée le 9 février 2015 et qu'elle avait reçue le 12 février 2015. Par ce courrier, elle a notamment apporté, dans le délai qui lui avait ainsi été imparti, une réponse à la demande, que contenait cette proposition de rectification, de désignation, en application des dispositions précitées de l'article 117 du code général des impôts, du ou des bénéficiaires des sommes regardées comme distribuées. En effet, après avoir exposé les raisons pour lesquelles elle estimait que les sorties exceptionnelles de stock relevées par le vérificateur ne correspondaient pas à des distributions occultes de revenus, mais qu'elles pouvaient trouver leur explication, d'une part, dans les pertes de marchandises récurrentes qu'elle indiquait avoir subies en raison de la vétusté de l'entrepôt qu'elle occupait alors, de l'action d'animaux nuisibles, des méfaits de salariés ou de livreurs indélicats ou de la destruction de marchandises lors du déménagement vers un nouvel entrepôt, d'autre part, dans des défaillances de son logiciel comptable, la SAS Jim Boileau a ajouté que, pour éviter l'application, dans l'hypothèse où les rehaussements seraient maintenus en dépit de ses observations, de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, elle désignait comme bénéficiaires son ancien dirigeant, ainsi qu'un ancien salarié licencié pour des faits de vol commis dans son entrepôt, en précisant le nom, le prénom et l'adresse de chacun des intéressés.

5. Eu égard aux fonctions exercées, au sein de l'entreprise, par l'ancien dirigeant de la SAS Jim Boileau et par l'ancien salarié, que cette dernière avait d'ailleurs licencié à raison de faits de vol de marchandises qui avaient, en outre, justifié qu'elle dépose une plainte pénale à son encontre, la réponse ainsi apportée par la SAS Jim Boileau à la demande de désignation des personnes bénéficiaires présentée par l'administration n'était pas dénuée de vraisemblance, quand bien même celle-ci précisait, dans sa réponse, qu'elle procédait à la désignation des intéressés afin d'échapper à l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts. En outre, dès lors que la mention de l'identité et de l'adresse des personnes désignées comme bénéficiaires permettait à l'administration d'identifier celles-ci et d'engager à leur égard les procédures qu'elle pouvait estimer nécessaires, cette réponse ne peut être regardée comme entachée d'une imprécision la rendant assimilable à un défaut de réponse, alors même qu'elle ne comportait aucun élément d'information afférent au montant et à la répartition entre les intéressés des sommes distribuées, ni à leur rattachement à chacun des exercices comptables concernés.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir estimé que l'administration n'avait pu infliger à bon droit à la SAS Jim Boileau, l'amende prévue, en cas de distribution occulte, par les dispositions, citées au point 3, de l'article 1759 du code général des impôts, a prononcé la décharge de cette amende et a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Jim Boileau. Par voie de conséquence, les conclusions du ministre de l'action et des comptes publics tendant à ce que la cour prescrive le reversement de cette somme par la SAS Jim Boileau doivent, en tout état de cause, être rejetées. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SAS Jim Boileau en cause d'appel.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS Jim Boileau la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la SAS Jim Boileau.

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N°19DA00842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00842
Date de la décision : 20/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04-02 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations. Pénalités pour distribution occulte de revenus.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL HORRIE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-20;19da00842 ?
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