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11/05/2021 | FRANCE | N°19DA01334

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 11 mai 2021, 19DA01334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au tribunal administratif d'Amiens :

1°) de condamner la commune de Nogent l'Artaud à lui verser une somme de 9 845,76 euros pour la réparation d'un muret situé le long de la voie publique, une somme de 6 073,20 euros pour construire une barrière en limite de propriété le long de la voie publique, une somme de 7 300 euros correspondant à un tiers du coût de 21 900 euros représenté par le portail à installer en limite de propriété, une somme de 5 100 euros en réparati

on de son préjudice de jouissance et une somme de 25 500 euros en réparation du préj...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au tribunal administratif d'Amiens :

1°) de condamner la commune de Nogent l'Artaud à lui verser une somme de 9 845,76 euros pour la réparation d'un muret situé le long de la voie publique, une somme de 6 073,20 euros pour construire une barrière en limite de propriété le long de la voie publique, une somme de 7 300 euros correspondant à un tiers du coût de 21 900 euros représenté par le portail à installer en limite de propriété, une somme de 5 100 euros en réparation de son préjudice de jouissance et une somme de 25 500 euros en réparation du préjudice de jouissance occasionné par les déversements d'eau pluviale provenant de la voie publique au niveau de la limite de propriété avec les époux A... ;

2°) d'enjoindre à la commune de Nogent l'Artaud, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'effectuer les travaux prescrits par l'expert Érard selon le devis Lhoste Roger du 12 février 2016, d'effectuer les travaux de correction de l'instabilité de la voirie au niveau des propriétés A... et F... préconisés par l'expert Érard selon le devis Chris maçonnerie du 25 juillet 2016 et de mettre en place un système d'évacuation des eaux pluviales rue de la Fontaine des Saules, dans un délai de 6 mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de condamner la commune de Nogent l'Artaud à lui verser une somme de 4 791,60 euros pour la démolition du mur existant et les travaux de terrassement et 7 012,80 euros pour l'élévation d'un muret en béton, soit au total 11 804,40 euros toutes taxes comprises pour empêcher les eaux pluviales d'aller dans le trou d'eau ;

4°) d'enjoindre à la commune de Nogent l'Artaud en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de prescrire aux époux C... de sécuriser le trou d'eau situé en limite de leur propriété et de la sienne dans des conditions techniques identiques à celles préconisées par l'expert dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de condamner la commune de Nogent l'Artaud à lui payer une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant d'un sentiment d'injustice et d'impuissance face à une situation anormale ;

6°) de condamner la commune à lui payer une somme de 500 euros en réparation des fautes commises ;

7°) d'assortir les sommes allouées des intérêts légaux et de capitaliser ces intérêts ;

8°) de condamner la commune de Nogent l'Artaud à payer les frais de l'expertise effectuée par l'expert Erard ;

9°) de mettre à la charge de la commune de Nogent l'Artaud une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603505 du 26 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juin 2019, Mme F..., représentée par Me B... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Nogent l'Artaud à lui verser la somme totale de 15 600 euros en indemnisation de ses préjudices, augmentée des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nogent l'Artaud l'intégralité des frais d'expertise ainsi que la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- les observations de Me B... D..., représentant Mme F....

Une note en délibéré, présentée pour Mme F..., a été enregistrée le 22 avril 2021 et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... est propriétaire d'une parcelle située 3 rue de la Fontaine des Saules dans la commune de Nogent l'Artaud. La parcelle de Mme F..., composée d'une maison d'habitation et d'un jardin, est située en contrebas de la voie publique et est bordée par un mur de soutènement qui la sépare de la chaussée. Par courriers des 9 juin 2011, 3 février, 13 février et 6 avril 2012, Mme F... a informé le maire de Nogent l'Artaud du mauvais état de la chaussée, dont la déformation entraîne le ruissellement des eaux pluviales vers sa propriété ainsi que la dégradation du muret de soutènement. Estimant qu'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public est à l'origine des désordres affectant sa parcelle, elle a saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Nogent l'Artaud à lui verser une somme totale de 73 123,36 euros en indemnisation des préjudices subis. Mme F... interjette appel du jugement du 26 mars 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité sans faute de la commune de Nogent l'Artaud :

2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde, peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

3. Un mur destiné à soutenir une voie publique constitue l'accessoire de la voie publique et présente le caractère d'un ouvrage public, alors même qu'il serait implanté dans sa totalité sur un terrain privé. En l'espèce, il résulte de l'instruction et, notamment, des photographies produites par l'appelante et du rapport d'expertise du 11 août 2016 que le muret de pierre qui longe la parcelle de Mme F..., située en contrebas de la chaussée, constitue un muret de soutènement de la voie publique. Ce mur constitue ainsi l'accessoire indispensable de cette voie et présente un caractère d'ouvrage public dont l'entretien incombe à la commune de Nogent l'Artaud.

4. Par ailleurs, il résulte du rapport d'expertise susvisé que la chaussée de la rue de la Fontaine des Saules présente des défectuosités et, notamment, un " délitement de la couche d'enrobé qui se manifeste par la présence de gravillons, de trous et de déformations de la géométrie de la route que l'on repère par des flaques d'eau ". S'agissant du mur de soutènement qui sépare la parcelle de Mme F... de la chaussée, l'expert relève qu'il est " totalement déformé " et estime que les désordres dont se plaint Mme F... résultent de l'absence de système de collecte des eaux pluviales et de la forme de la chaussée. Ces conclusions sont corroborées par un constat d'huissier dressé le 2 mars 2021, dont il résulte que " le revêtement goudronné de la chaussée est en très mauvais état, avec présence d'innombrables et importants nids de poule sur la longueur " ainsi que par les photographies et vidéos produites à l'instance. Toutefois, si la responsabilité sans faute de la commune de Nogent l'Artaud est susceptible d'être engagée en raison de la qualité de tiers de Mme F..., celle-ci doit démontrer l'existence d'un préjudice anormal et spécial.

5. A cet égard, si le mauvais état de la chaussée génère le déversement des eaux pluviales sur la parcelle de Mme F... et la chute de petites pierres composant le mur de soutènement, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait eu à supporter des gênes ou désagréments importants, ni qu'elle ait été empêchée de jouir de sa parcelle dans des conditions normales, alors qu'il ressort du rapport d'expertise que lors des dernières précipitations de mai et juin 2016, il n'y a pas eu d'inondations dans son jardin. En outre, à supposer même que la commune de Nogent l'Artaud puisse être tenue pour responsable de l'entretien de la portion de voie servant de place de stationnement devant la propriété de M. A... et du muret y attenant permettant de séparer cette voie avec la propriété de Mme F..., il ne résulte pas de l'instruction et, notamment, des photographies produites à l'instance que la requérante aurait déjà été exposée à la venue accidentelle d'un véhicule dans sa propriété. Par suite, Mme F... ne démontre pas l'existence d'un préjudice anormal et spécial dont elle pourrait demander réparation. Sa demande tendant à la condamnation de la commune de Nogent l'Artaud à lui verser la somme de 5 100 euros au titre de son préjudice de jouissance doit donc être rejetée.

Sur la responsabilité pour faute de la commune de Nogent l'Artaud :

6. Si Mme F... invoque la faute de la commune qui n'aurait pas répondu à ses multiples demandes tendant à ce qu'elle entretienne la voie publique au droit de sa propriété, il résulte de l'instruction qu'une expertise amiable a été diligentée le 21 décembre 2012 entre la commune, Mme F... et M. A... et que la société Polyexpert, après avoir reconnu l'état de vétusté du muret et du soubassement de la voirie, a conclu à l'absence de dommage aux biens chez Mme F..., en lui conseillant, compte tenu de la situation de sa propriété en contrebas de la voirie, de mettre en oeuvre un système d'assainissement sur la rampe d'accès de son garage pour canaliser les eaux. Puis, par une délibération en date du 4 octobre 2013, la commune de Nogent l'Artaud a retenu une entreprise pour faire des travaux de voirie et de drainage dans la rue de la Fontaine des Saules. C'est à la suite de l'envoi d'un courrier de Mme F... reçu le 4 mars 2014, dans lequel elle se plaignait que les travaux prévus ne permettraient pas de consolider le soubassement de la chaussée, que le conseil municipal a décidé, le 10 mars suivant, d'arrêter les travaux et de saisir une nouvelle fois l'expert de la compagnie d'assurance. A la suite d'autres courriers de Mme F..., le conseil municipal, par une délibération du 28 avril 2014, a décidé de ne pas réaliser les travaux sur la rue de la Fontaine des Saules et d'établir un projet d'avenant au marché pour annuler les travaux budgétés. Il suit de là que Mme F... n'est pas fondée à se prévaloir de l'absence de réponse de la commune à ses demandes d'intervention sur la voirie de la rue de la Fontaine des Saules.

7. Si la requérante se prévaut de l'illégalité des décisions d'interrompre les travaux de réfection de la voirie, elle ne l'établit pas en se bornant à soutenir qu'il appartient à la commune de faire les travaux de voirie. Si elle estime aussi qu'il a été porté atteinte à son honneur et à sa probité par la publication de la délibération du 10 mars 2014 la rendant responsable de l'interruption des travaux de voirie, cette délibération se borne à évoquer le courrier de l'intéressée reçu le 4 mars 2014 et l'arrêt consécutif des travaux. Enfin, si Mme F... fait valoir l'absence totale de sécurisation et de signalisation de la voirie au droit de sa propriété, elle n'établit l'existence d'aucun dommage qui aurait eu lieu en raison de cette absence de sécurisation ou de signalisation.

8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme F... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice moral au titre des différents manquements qu'elle invoque. Par suite, il n'y a pas lieu de condamner la commune de Nogent l'Artaud à lui verser une indemnité à ce titre.

9. Les conditions d'engagement de la responsabilité de la commune n'étant pas remplies, la demande de Mme F... tendant à la réparation de son préjudice financier d'un montant de 500 euros résultant du coût des envois de courriers recommandés adressés au maire, au demeurant non assortie de pièces justificatives, doit être rejetée.

10. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Nogent l'Artaud, que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les frais d'expertise :

11. Par une ordonnance du 21 septembre 2016, le président du tribunal administratif d'Amiens a taxé et liquidé les frais d'expertise à la somme de 10 634,40 euros toutes taxes comprises. Il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, d'infirmer le jugement sur ce point et de mettre la moitié de ces frais à la charge de Mme F... et l'autre moitié, à la charge de la commune de Nogent l'Artaud.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Nogent l'Artaud, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Nogent l'Artaud présentées au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 10 634,50 euros sont mis pour moitié à la charge de Mme F... et pour l'autre moitié à la charge de la commune de Nogent l'Artaud.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 26 mars 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Nogent l'Artaud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F... et à la commune de Nogent l'Artaud.

N°19DA01334 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01334
Date de la décision : 11/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics. Victimes autres que les usagers de l'ouvrage public. Tiers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Seulin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : DETREZ-CAMBRAI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-11;19da01334 ?
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