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06/05/2021 | FRANCE | N°19DA00517

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 06 mai 2021, 19DA00517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Escoort a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, pour un montant total de 15 390 euros.

Par un jugement n° 1603307 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoir

es, enregistrés le 28 février 2019, le 28 février 2020 et le 6 octobre 2020, la SAS Escoort, représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Escoort a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, pour un montant total de 15 390 euros.

Par un jugement n° 1603307 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 février 2019, le 28 février 2020 et le 6 octobre 2020, la SAS Escoort, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les dépens de l'instance.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre la France et le grand-duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Paris le 1er avril 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me A..., représentant la SAS Escoort.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Escoort, dont le siège social est situé à Rouen, exerce une activité de commissionnaire de transport et propose également des prestations de location de camions avec chauffeur, de stockage et de transport express de colis. Elle exerce ces activités en France, mais les a aussi exercées au Luxembourg, par l'intermédiaire d'une succursale luxembourgeoise qu'elle avait créée en 2011 et qui a cessé ses activités le 31 octobre 2012. Au cours de l'année 2014, la SAS Escoort a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er juillet 2010 au 30 juin 2013. A l'issue de ce contrôle, l'administration a notifié à la SAS Escoort, par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 12 juin 2014, des rectifications en ce qui concerne la prise en compte, pour la détermination de ses bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés en France, des résultats de sa succursale luxembourgeoise. Ces rectifications ont été maintenues malgré les observations formulées par la SAS Escoort. A la demande de cette dernière, le différend l'opposant à l'administration a été soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui, à l'issue de sa séance du 2 juin 2015, a émis un avis favorable au maintien des rehaussements notifiés. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en résultant au titre des exercices clos en 2012 et 2013 ont été mises en recouvrement le 21 juillet 2015, à hauteur d'une somme totale de 15 390 euros en droits et pénalités. Sa réclamation ayant été rejetée, la SAS Escoort a porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen et a demandé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013. Elle relève appel du jugement du 21 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. En vertu du I. de l'article 209 du code général des impôts, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles applicables à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

3. Pour la détermination des bénéfices imposables de ses exercices clos en 2012 et 2013, la SAS Escoort a entendu tenir compte des déficits dégagés par son établissement luxembourgeois. Elle a, à cette fin, porté les sommes respectives de 56 039 euros et de 36 551 euros en déduction du résultat de ses exercices clos le 30 juin 2012 et le 30 juin 2013. Cependant, dans le cadre de la vérification de comptabilité dont la SAS Escoort a fait l'objet, le vérificateur a eu accès aux liasses fiscales de sa succursale luxembourgeoise, lesquelles faisaient mention d'un déficit de 56 669 euros au titre de son exercice clos le 31 décembre 2011 et d'un déficit de 80 679 euros au titre de son dernier exercice, clos le 31 octobre 2012. Le vérificateur a ainsi constaté que les retraitements comptables effectués par la SAS Escoort afin de rapporter ces déficits à chacun de ses propres exercices comptables étaient erronés et a, en conséquence, estimé qu'il y avait lieu de rehausser d'une somme de 630 euros son résultat comptable de l'exercice clos en 2012 et d'une somme de 44 128 euros son résultat comptable de l'exercice clos en 2013.

4. Dans les observations qu'elle a formulées le 20 août 2014 sur la proposition de rectification que l'administration lui avait adressée le 12 juin 2014 afin de porter à sa connaissance les rehaussements ainsi envisagés de ses résultats imposables, la SAS Escoort a soutenu que l'écart de 44 128 euros constaté par le vérificateur en ce qui concerne son exercice clos en 2013 correspondait, en réalité, non à un déficit, mais à des opérations qui auraient été réalisées par sa succursale luxembourgeoise et que celle-ci n'aurait pas été en mesure de facturer avant la clôture, le 31 octobre 2012, de son dernier exercice. Elle a également indiqué que les règles comptables en vigueur au Luxembourg faisaient obstacle à ce que ces opérations non facturées soient portées dans la comptabilité de ce dernier exercice, mais que les règles comptables françaises lui imposaient de déduire, pour la détermination du résultat imposable de son exercice clos le 30 juin 2013, le montant de ces opérations, imposables au Luxembourg.

5. Toutefois, si la SAS Escoort, à qui il incombe de justifier tant du montant des sommes qu'elle a entendu déduire de ses résultats imposables que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, verse à l'instruction la copie de quatre courriers électroniques adressés, en septembre et en octobre 2012, à sa succursale luxembourgeoise par une entreprise cliente afin de lui demander de procéder à des livraisons conformément au contrat conclu, ces documents ne peuvent suffire à justifier de l'exécution effective des opérations auxquelles ils se rapportent. Il en est de même des quarante documents intitulés " facture ", qu'elle verse à l'instruction, qui ne comportent aucune en-tête au nom de son établissement luxembourgeois, ni aucune mention permettant d'identifier ce dernier comme étant l'émetteur de ces documents et, par suite, le fournisseur des prestations auxquelles ceux-ci se rapportent. D'ailleurs, onze de ces documents sont datés du mois de novembre 2012 et sont, par suite, insusceptibles d'avoir été régulièrement émis par cet établissement, qui avait clos son dernier exercice comptable le 31 octobre 2012. Dans ces conditions, la SAS Escoort ne peut être tenue comme apportant, au soutien de ses allégations, qu'elle reprend en appel, selon lesquelles la somme de 44 128 euros correspondrait à des opérations réalisées par sa succursale luxembourgeoise et aurait été réintégrée à tort au résultat imposable de son exercice clos en 2013, des éléments de nature à permettre d'en justifier le bien-fondé. Dès lors, l'administration était fondée à réintégrer cette somme, en application des dispositions, rappelées au point 2, du I. de l'article 209 du code général des impôts, dans le résultat imposable de la SAS Escoort au titre de son exercice clos en 2013.

Sur l'invocation de la convention fiscale franco-luxembourgeoise :

6. Aux termes de l'article 4 de la convention entre la France et le grand-duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 1er avril 1958, modifié par l'avenant du 24 novembre 2006 : " 1. Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable. / (...) ".

7. La SAS Escoort soutient que ces stipulations faisaient obstacle à ce que la somme de 44 128 euros qu'elle indique correspondre à des opérations réalisées par son établissement implanté au Luxembourg soit regardée comme imposable en France. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, les pièces qu'elle a versées à l'instruction ne sont pas de nature à justifier de la réalisation effective de telles opérations par sa succursale luxembourgeoise. Dès lors, la SAS Escoort n'est pas fondée à invoquer les stipulations précitées du 1. de l'article 4 de la convention fiscale conclue entre la France et le Luxembourg.

Sur l'invocation de l'interprétation de la loi fiscale par l'administration :

8. La SAS Escoort invoque, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les prévisions des paragraphes n°250 et n°500 de la doctrine publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-IS-CHAMP-60-10-40, qui énoncent respectivement, d'une part, qu'une entreprise française, possédant des succursales à l'étranger et retraçant dans un bilan unique le résultat d'ensemble de ses opérations, est fondée, pour déterminer son bénéfice imposable en France, à retrancher de son bénéfice global la fraction dudit bénéfice qui correspond aux opérations effectuées par ses succursales étrangères, d'autre part, que les résultats d'une entreprise imposable en France ne sauraient être affectés, sous quelque forme que ce soit, par les pertes et déficits qui se rattachent à une exploitation étrangère dont les profits échappent à l'impôt français. Toutefois, comme il a été dit au point 5, la SAS Escoort n'établit pas que la somme de 44 128 euros, dont elle critique la réintégration dans le résultat imposable de son exercice clos en 2013, correspondrait au produit d'opérations réalisées par sa succursale luxembourgeoise. Ainsi, et en tout état de cause, la SAS Escoort n'est pas fondée à invoquer ces extraits de doctrine, dans les prévisions desquels elle n'établit pas entrer.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Escoort n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Il en est de même, en tout état de cause, de ses conclusions afférentes à la charge des dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Escoort est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Escoort et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°19DA00517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00517
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-06;19da00517 ?
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