La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/04/2021 | FRANCE | N°18DA00438

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 22 avril 2021, 18DA00438


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Saga tertiaire a demandé au tribunal administratif d'Amiens à titre principal de condamner le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui verser la somme de 1 978 294,76 euros toutes taxes comprises correspondant au solde du lot n° 7 du marché de restructuration et d'extension du centre hospitalier Laennec à Creil, assortie des intérêts moratoires au taux contractuel. A titre subsidiaire, elle a demandé la désignation d'un expert ayant pour mission de fournir tous éléments permettant d

e déterminer son préjudice tant au titre de la prolongation des délais de ré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Saga tertiaire a demandé au tribunal administratif d'Amiens à titre principal de condamner le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui verser la somme de 1 978 294,76 euros toutes taxes comprises correspondant au solde du lot n° 7 du marché de restructuration et d'extension du centre hospitalier Laennec à Creil, assortie des intérêts moratoires au taux contractuel. A titre subsidiaire, elle a demandé la désignation d'un expert ayant pour mission de fournir tous éléments permettant de déterminer son préjudice tant au titre de la prolongation des délais de réalisation de la première phase du marché qu'à celui de la résiliation des phases 2 et 3, ainsi que d'établir le solde de ce marché.

Par un jugement n° 1502710 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a condamné le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à verser à la société Saga tertiaire une somme de 402 647,14 euros toutes taxes comprises en règlement du solde du lot n° 7 du marché de restructuration et d'extension du centre hospitalier Laennec à Creil, avec intérêts moratoires au taux de 7,05 % à compter du 29 mars 2015. Il a également rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 février 2018, le 13 mai 2019, le 19 août 2019 et le 29 avril 2020, le groupe hospitalier public du sud de l'Oise, représenté par la société civile professionnelle Sur-Mauvenu, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de la société Saga tertiaire ;

3°) de fixer le solde du décompte général de la société Saga tertiaire à la somme de 68 705,67 euros ;

4°) de mettre à la charge de la société Saga tertiaire la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n°76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me B... D... pour le groupe hospitalier public du sud de l'Oise.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier Laennec de Creil, aujourd'hui partie du groupe hospitalier public du sud de l'Oise, a décidé la restructuration et l'extension de ses locaux. Dans ce cadre, la société Saga tertiaire a été attributaire du lot n°7 " plomberie-sanitaire " par acte d'engagement du 10 mars 2010. Le décompte général et définitif lui a été notifié le 16 décembre 2014. La société Saga tertiaire a saisi le tribunal administratif d'Amiens, qui, par jugement du 29 décembre 2017, a condamné le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui verser la somme de 402 647,14 euros toutes taxes comprises, avec intérêts moratoires au taux de 7,05% à compter du 29 mars 2015, en règlement du solde du lot n°7. Le groupe hospitalier du sud de l'Oise relève appel de ce jugement et demande à ce que le solde du lot n°7 soit fixé à la somme de 68 705,67 euros. Par la voie de l'appel incident, la société Saga tertiaire demande que le décompte général du lot n° 7 soit fixé à la somme de 5 713 237,75 euros toutes taxes comprises et qu'en conséquence le groupe hospitalier public du sud de l'Oise soit condamné à lui verser la somme de 1 928 294,76 euros toutes taxes comprises.

Sur les pénalités dues par la société Saga tertiaire :

2. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

En ce qui concerne le retard dans l'exécution des travaux :

3. Aux termes de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par le décret du 21 janvier 1976 et applicable au marché : " Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre. " et aux termes de l'article 4. 3 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Les dispositions suivantes sont appliquées pour chaque phase, à l'Entrepreneur titulaire ou à l'Entrepreneur mandataire du groupement, en cas de retard, dans l'exécution des travaux, comparativement au calendrier détaillé d'exécution élaboré et éventuellement modifié comme il a été indiqué au 4.1.2 a) ci-avant. /.../ 4.3.1 - Retard sur le délai contractuel d'exécution / Il est fait application de la pénalité journalière indiquée au 4.3.4 ci-après. /.../ 4.3.2 - Retard sur les délais particuliers correspondant aux interventions successives autres que la dernière de l'Entrepreneur sur le chantier et de remise des plans d'exécution. / Du simple fait de la constatation d'un retard par le Maître d'oeuvre, l'Entrepreneur encourt la retenue journalière provisoire indiquée au 4.3.4 ci-après. / Cette retenue est transformée en pénalité définitive si l'une des deux conditions suivante est remplie : / Ou l'Entrepreneur n'a pas achevé les travaux qui lui incombent dans le délai d'exécution propre à son lot, par phase. / Ou l'Entrepreneur, bien qu'ayant terminé ses travaux dans ce délai, a perturbé la marche du chantier ou provoqué des retards dans le déroulement des travaux relatifs aux autres lots, par phase. ".

4. Le groupe hospitalier se fonde principalement sur le rapport final du titulaire de la mission ordonnancement-pilotage-coordination pour réclamer des pénalités de retard à la société Saga tertiaire du fait de retards d'exécution de la phase 1 de son lot. Ce rapport note des retards cumulés en cours d'exécution des travaux des différentes entreprises, dont 1094 jours pour la société Saga tertiaire et, calcule les pénalités en effectuant un prorata entre ces retards cumulés et le retard réel de fin des travaux pour toutes les entreprises qu'il chiffre à 72,3 jours pour en déduire des pénalités de 39,92 jours à charge de la société Saga tertiaire. Ce calcul théorique ne correspond ainsi nullement aux modalités d'application des pénalités rappelées au point 3 qui exigent que soient individualisés des retards comparativement au calendrier détaillé d'exécution sur la base de retards précisément datés et constatés par le maître d'oeuvre.

5. Pour la première fois en cause d'appel, le groupe hospitalier produit des comptes rendus des réunions de coordination du chantier et des fiches de travaux modificatifs, qui notent des retards sur le lot n° 7. Toutefois, il résulte de l'instruction que le calendrier détaillé d'exécution a été notifié par l'ordre de service du 16 juillet 2020 avec fin de la phase 1 fixée au 31 octobre 2011. Un ordre de service du 26 juin 2012 a reporté la fin des travaux au 30 octobre 2012 puis, un autre du 10 décembre 2012 l'a décalée au 31 janvier 2013. Enfin, un autre ordre de service du 23 janvier 2013 a fixé la date de livraison au 15 février 2013. Aucun élément du dossier ne permet de démontrer l'existence de retards d'exécution à cette date. Le centre hospitalier se fonde sur l'absence de potabilité de l'eau dans le réseau construit par Saga tertiaire pour lui attribuer le report de la date de réception initialement proposée par le maître d'oeuvre au 19 février 2013 et finalement réalisée le 7 juin 2013. Toutefois, le centre hospitalier n'établit pas que cette absence de potabilité soit à l'origine du report de la réception. En effet, la société Saga tertiaire a fait procéder, avant la date initialement retenue pour la réception du 19 février 2013, à de nouvelles analyses transmises le 6 février 2013, établissant que la potabilité était respectée. Les analyses négatives de la potabilité de l'eau postérieures à cette date du 19 février 2013, initialement retenue pour la réception, ne démontrent pas que la société Saga tertiaire soit responsable du report de la date de réception alors que dans le courrier du maître d'ouvrage du 27 mars 2013 expliquant sa décision de report comme dans le courrier du maître d'oeuvre du 4 avril 2013 informant de la réception imminente des travaux, il n'est fait aucune mention de la question des analyses d'eau. De même, si l'expert désigné par le tribunal administratif d'Amiens dans un autre lot, note que la décision de faire dépendre la réception de l'assurance d'avoir des réseaux non pollués lui paraît justifiée, cette seule affirmation ne permet pas de démontrer que le report de la date de réception soit imputable à la société Saga tertiaire alors que celle-ci justifie avoir informé le maître d'oeuvre de la régularisation de ce point avant la date initialement retenue pour la réception. Ainsi, ni rapport final du titulaire de la mission ordonnancement-pilotage-coordination, ni les autres pièces du dossier ne démontrent que la société Saga tertiaire n'ait pas achevé les travaux dans le délai contractuel, soit au 15 février 2013, et n'ait pas livré à cette date un ouvrage conforme aux règles de l'art, et qu'elle soit responsable de la décision de report de la date de réception. Le groupe hospitalier n'est donc pas fondé à soutenir que des pénalités de retard soient justifiées ni au regard du point 4.3.1 - " Retard sur le délai contractuel d'exécution " du cahier des clauses administratives particulières, ni au regard de son point 4.3.2 - " Retard sur les délais particuliers " qui exige un retard dans le calendrier global d'exécution pour la fixation d'une pénalité définitive. Les éléments du dossier ne permettent pas plus de démontrer que la société Saga tertiaire aurait perturbé la marche du chantier ou provoqué des retards dans le déroulement des travaux des autres lots qui est la seconde des deux conditions alternatives posées par l'article 4. 3. 2 du cahier des clauses administratives particulières du marché pour fixer une pénalité définitive. Ainsi, il n'est pas établi que cette société soit à l'origine de retards devant donner lieu à la perception de pénalités et sur ce point les conclusions du groupe hospitalier doivent donc être rejetées.

En ce qui concerne l'absence aux réunions de maîtrise d'oeuvre et de coordination :

6. Aux termes de l'article 4.3.6 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " En cas d'absence à un rendez-vous de chantier ou d'un retard supérieur à 30 minutes à une réunion de chantier, d'études, de coordination, une visite de chantier ou une convocation du Maitre d'oeuvre ou de l'ordonnancement-pilotage-coordination, l'entrepreneur subira une pénalité égale à 400 euros hors taxes. (...) ".

7. Par les comptes-rendus des réunions de maîtrise d'oeuvre et d'ordonnancement-coordination-pilotage qu'il produit pour la première fois en appel, le groupe hospitalier établit l'absence de la société Saga tertiaire à douze réunions de maîtrise d'oeuvre et à huit réunions d'ordonnancement-pilotage-coordination. Si la société conteste avoir été convoquée à ces réunions, il résulte des termes mêmes de ces comptes-rendus que ceux-ci comportent une convocation à la réunion suivante dont ils précisent la date, l'heure et le lieu. De même, si la société Saga tertiaire indique sans l'établir qu'elle était présente à toutes les réunions qui la concernaient directement, elle ne justifie pas ainsi de son absence aux réunions où elle était convoquée alors que les dispositions contractuelles lui imposaient d'être présente à toutes les réunions. Par suite, le groupe hospitalier public du sud de l'Oise est fondé à demander la condamnation de la société Saga tertiaire à lui payer la somme de 8 000 euros hors taxes au titre de pénalités pour absence à des réunions. Le jugement du tribunal administratif d'Amiens doit donc être réformé sur ce point.

En ce qui concerne le retard dans la remise de devis :

8. Aux termes de l'article 4.3.6 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " (...) Pénalités pour retard dans la fourniture de devis de travaux modificatifs par rapport à la date fixée par le maître d'oeuvre au compte rendu de chantier : par jour calendaire 150 euros hors taxes. ".

9. Pour justifier du montant des pénalités réclamées à ce titre, le groupe hospitalier, à qui il revient d'établir la réalité de sa créance, se bornait, en première instance, à se référer au rapport sommaire de l'ordonnancement-pilotage-coordination qui se contente de faire état de jours de retard sans préciser les devis concernés. Il produit pour la première fois en appel un tableau qui précise les fiches de travaux modificatifs concernées par ces retards de devis et les dates de remises de devis. Il soutient également, sans être contesté sur ce point, que les devis devaient être remis quinze jours après l'émission de la fiche modificative de travaux. La société Saga tertiaire ne conteste pas sérieusement avoir remis ces devis avec retard mais fait valoir que la production de ces devis nécessitait des études significatives et que le maître d'ouvrage a lui-même émis les ordres de service correspondant à ces devis très tardivement. La société ne saurait s'exonérer ainsi de son retard, alors qu'aux termes de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché, cité au point 3, les pénalités sont exigibles dès leur constat. Par suite, la société Saga tertiaire ne saurait soutenir que c'est à tort qu'une pénalité de 134 jours de retard lui a été appliquée pour la production avec retard des devis. Le montant des pénalités à ce titre doit être fixé à la somme de 20 100 euros hors taxes, eu égard au taux de 150 euros par jour calendaire fixé par l'article 4.3.6 du cahier des clauses administratives particulières, somme à substituer à celle de 26 800 euros retenue à tort par le décompte général sur la base d'un taux erroné et admise par le tribunal. Le jugement du tribunal administratif d'Amiens doit donc aussi être réformé sur ce point.

En ce qui concerne la pénalité pour retard dans la remise du dossier des ouvrages exécutés :

10. La société Saga tertiaire ne conteste pas sérieusement la mise à sa charge d'une pénalité de retard de 5 700 euros hors taxes pour le retard dans la remise du dossier d'exécution des ouvrages et n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le jugement de première instance qui a confirmé cette pénalité.

En ce qui concerne la retenue pour dégradations :

11. Le groupe hospitalier se borne à indiquer que cette pénalité fixée à la somme de 4 467 euros hors taxes résulte de dégradations d'ouvrages de peinture de la société Eliez par les travaux réalisés par la société Saga tertiaire. Toutefois, il ne précise pas le fondement contractuel d'une telle pénalité qui n'apparaît pas prévue par les documents du marché. Le groupe hospitalier n'établit pas plus que cette dégradation lui ait causé un préjudice. Au surplus il n'a fourni aucun élément précis permettant de déterminer la réalité et l'ampleur de la dégradation, se contentant de fournir un tableau indiquant l'étage et l'entreprise concernée par la dégradation. Il n'apporte aucun élément nouveau en cause d'appel, sur ce point.

En ce qui concerne la modulation des pénalités :

12. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. En l'espèce, le montant des pénalités n'apparaît ni manifestement excessif, ni manifestement dérisoire eu égard au montant des marchés en cause. Si la société requérante doit être considérée comme sollicitant une réduction du montant excessif des pénalités en soulignant par exemple que ses absences aux réunions étaient marginales, sa demande ne peut qu'être rejetée.

Sur le préjudice résultant de l'allongement de la durée du chantier :

13. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

14. La société Saga tertiaire soutient que la prolongation de la durée du chantier résulte d'une faute du maître d'ouvrage. Elle s'appuie sur les conclusions de l'expert désigné par le tribunal administratif d'Amiens dans des litiges portant sur d'autres lots. L'expert note les indications limitées données par la maîtrise d'ouvrage dans les documents du marché sur les installations existantes qui étaient pourtant affectées par le projet, les nombreuses modifications de programme ainsi que le choix d'une réception tous corps d'état qui a ralenti la livraison des travaux entre le 19 février 2013 et le 7 juin 2013. Toutefois, il n'est pas démontré par la société Saga tertiaire que ces constats de l'expert s'appliquent au lot plomberie alors qu'ils visent d'autres lots. En particulier, la société n'établit pas que le groupe hospitalier ait commis une faute dans l'estimation des besoins ou dans la conception du lot plomberie, ou dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché en litige, alors qu'il n'est pas sérieusement contesté que la résiliation des phases 2 et 3 qui a contribué à l'allongement du chantier résulte d'une remise en cause du projet en cours d'exécution par l'agence régionale de santé. De même, si la société Saga tertiaire reproche au groupe hospitalier d'avoir différé la réception, il résulte de l'instruction que la réception devait être prononcée à tous corps d'Etat à une date unique et que le report résulte d'une non-conformité constatée sur d'autres lots ainsi que de l'absence de production de l'attestation de conformité aux normes électriques. La faute alléguée à reporter la réception n'est donc pas établie et au surplus, son lien avec le préjudice réclamé par la société Saga tertiaire n'est pas non plus démontré. Par suite, cette société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens, par le jugement contesté, a rejeté sa demande d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité pour faute du maître d'ouvrage.

15. La société Saga tertiaire n'établit pas non plus avoir rencontré des difficultés exceptionnelles, imprévisibles et extérieures aux parties qui auraient eu pour effet de bouleverser l'économie du marché. Ses conclusions relatives au préjudice résultant de l'allongement de la durée du chantier doivent donc être rejetées.

Sur l'indemnisation du préjudice résultant de la résiliation :

16. Aux termes de l'article 46. 1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par le décret du 21 janvier 1976 et applicable au marché : " Il peut être mis fin à l'exécution des travaux faisant l'objet du marché avant l'achèvement de ceux-ci par une décision de résiliation du marché qui en fixe la date d'effet./ .../ Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 47 et 49, l'entrepreneur a droit à être indemnisé, s'il y a lieu, du préjudice qu'il subit du fait de cette décision. / (...) " et aux termes de l'article 46. 2 du même document : " En cas de résiliation, il est procédé, l'entrepreneur ou ses ayants droit, tuteur, curateur ou syndic dûment convoqués aux constatations relatives aux parties d'ouvrage exécutés, .... Il est dressé procès-verbal de ces opérations. / L'établissement de ce procès-verbal emporte réception des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés avec effet à la date d'effet de la résiliation. ". Le préjudice réparé en cas de résiliation comprend les pertes subies et les bénéfices nets, avant impôt sur les sociétés, dont le titulaire du marché a pu être privé pour la période du contrat restant à couvrir.

17. En l'espèce, les phases 2 et 3 du marché ont été résiliées de manière unilatérale par le maître d'ouvrage le 18 mai 2011. Il résulte de l'instruction que par procès-verbal du 31 mai 2011, établi en application des dispositions rappelées au point 13, le maître d'oeuvre a constaté que les travaux pour la colonne sèche de la tour d'incendie du bâtiment C et pour la chambre témoin ont été réalisés en exécution des phases 2 et 3. Le même procès-verbal constatait également que les documents d'étude listés en annexe de ce document avaient été réalisés. Si le groupe hospitalier fait valoir qu'il n'a pas validé ce procès-verbal, il n'apporte aucun élément probant de nature à le remettre en cause. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à payer à la société Saga tertiaire, les sommes de 145 970 euros hors taxes au titre des frais d'étude et de 7 970 euros hors taxes au titre des travaux exécutés pour les phases 2 et 3. De son côté, la société Saga tertiaire n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le jugement du tribunal administratif sur ces deux points.

18. Le manque à gagner sur le bénéfice escompté de la société Saga tertiaire a été fixé par le tribunal administratif à la somme de 39 377,00 euros. Cette somme n'est pas contestée en cause d'appel.

19. Par la voie de l'appel incident, la société Saga tertiaire demande également à être indemnisée de la perte de couverture des frais généraux et des frais du groupe Vinci. La société se fonde uniquement sur les conclusions de l'expert désigné par le tribunal administratif d'Amiens qui a proposé l'indemnisation de la baisse de chiffre d'affaires et des pertes liées aux charges fixes dans un litige relatif à un autre lot du même marché. Toutefois, ce seul élément qui ne résulte que de conclusions partielles de l'expert judiciaire dans un autre litige et ne suffit pas à justifier les demandes de la société Saga tertiaire. Cette dernière se fonde sur des données théoriques pour fixer un taux de 12,3% pour la perte de couverture de frais généraux et de 2,2 % pour les frais de groupe. Elle ne démontre pas la réalité de ses préjudices et leur lien avec la résiliation des phases 2 et 3 du marché. Son appel incident ne peut qu'être rejeté sur ce point.

20. La société Saga tertiaire doit être considérée comme demandant l'indemnisation des autres pertes subies du fait de la résiliation en renvoyant à son mémoire de réclamation produit à la suite de la notification du décompte général et final. Toutefois, elle ne justifie pas des tâches précisément effectuées au titre des phases 2 et 3 par le responsable d'affaires et par le chef de chantier pour demander l'indemnisation du temps passé par ces encadrants. De même, elle ne fournit aucun élément démontrant la perte de remises consenties par ses fournisseurs qui résulterait directement selon elle de la diminution du volume d'affaires résultant de la résiliation. Elle n'établit pas plus le temps consacré à son sous-traitant pour des tâches exclusivement liées aux phases 2 et 3. Ses demandes à ce titre ne peuvent donc qu'être rejetées.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le groupe hospitalier public du sud de l'Oise est seulement fondé à soutenir que les sommes de 8 000 euros hors taxes au titre de pénalités pour absence à des réunions et de 20 100 euros hors taxes pour des pénalités de retard dans la remise de devis doivent être ajoutées au débit du décompte de la société Saga tertiaire. Le solde du lot n°7 fixé par le tribunal administratif d'Amiens à la somme de 402 647,14 euros toutes taxes comprises doit donc être fixé à la somme de 374 547,14 euros toutes taxes comprises en faveur de la société Saga tertiaire. La condamnation du groupe hospitalier public du sud de l'Oise doit donc être ramenée à cette somme et l'appel incident de la société Saga tertiaire être rejeté.

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du groupe hospitalier public du sud de l'Oise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Saga tertiaire demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions au même titre du groupe hospitalier public du sud de l'Oise.

DÉCIDE :

Article 1er : Le solde du lot n° 7 et la condamnation du groupe hospitalier public du sud de l'Oise sont ramenés à la somme de 374 547,14 euros toutes taxes comprises, à verser à la société Saga Tertiaire. Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 29 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 2 : L'appel incident de la société Saga tertiaire et le surplus des conclusions des parties sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile professionnelle Sur-Mauvenu pour le groupe hospitalier public du sud de l'Oise et à Me C... A... pour la société Saga tertiaire.

1

2

N°18DA00438

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00438
Date de la décision : 22/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Pénalités de retard.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP SUR-MAUVENU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-04-22;18da00438 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award