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15/04/2021 | FRANCE | N°18DA01719

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 15 avril 2021, 18DA01719


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Manu a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1600099 du 21 juin 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2018 et régularisée le 24 août 2018

, et par un mémoire, enregistré le 23 avril 2020, la SARL Manu, représentée par Me A..., demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Manu a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1600099 du 21 juin 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2018 et régularisée le 24 août 2018, et par un mémoire, enregistré le 23 avril 2020, la SARL Manu, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et de prescrire le reversement des sommes acquittées par elle à ce titre.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Manu, dont le siège est situé à Marest-Dampcourt (Aisne), exerce les activités de transport de personnes et de colis, ainsi que d'achat et de revente de véhicules. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, au cours duquel la SARL Manu n'a pas été en mesure de produire les documents comptables requis en ce qui concerne la période vérifiée, l'administration a envisagé de mettre à sa charge, notamment, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Ces rehaussements ont été notifiés, selon la procédure de taxation d'office, à la SARL Manu par une proposition de rectification, en date du 31 octobre 2014, et ont été maintenus en dépit de ses observations. Les impositions en résultant ont été mises en recouvrement le 16 mars 2015. Après le rejet de sa réclamation, la SARL Manu a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. Elle relève appel du jugement du 21 juin 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la régularité de l'exercice par l'administration de son droit de communication :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

3. Il est constant qu'au cours de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL Manu, le vérificateur a fait connaître, de façon verbale, au gérant de cette dernière qu'une demande avait été adressée à l'établissement bancaire détenteur du compte courant de la société afin d'obtenir l'ensemble de ses relevés de compte bancaire afférents à la période vérifiée. Il résulte de l'instruction que l'établissement bancaire a répondu à cette demande en communiquant une nouvelle édition, effectuée le 1er juillet 2014, de ces relevés de compte. Le gérant de la SARL Manu a, par ailleurs, remis au vérificateur les relevés de compte bancaire dont il disposait, mais, comme il l'a rappelé dans les observations qu'il a formulées le 30 novembre 2014 au nom de la société, en réponse à la proposition de rectification en date du 31 octobre 2014, il n'a pu lui remettre l'intégralité des relevés de compte se rapportant à la période vérifiée, certains n'étant pas en sa possession. Dans ces conditions, la reconstitution des recettes de la SARL Manu, opérée au vu notamment des relevés de compte bancaire émis au titre de la période vérifiée, doit être regardée, comme le soutient l'appelante, comme fondée, au moins pour partie, sur les documents obtenus par l'administration dans le cadre de l'exercice, auprès de l'établissement bancaire, de son droit de communication.

4. Toutefois, les termes dans lesquels les observations formulées le 30 novembre 2014 par la SARL Manu sont rédigées révèlent que celle-ci avait été informée de la nature et de l'origine des documents obtenus par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, ce qui lui a permis d'en demander, dans ces mêmes observations, une copie, qui lui a été adressée par l'administration en annexe à la réponse apportée à ces observations le 23 décembre 2014, avant la mise en recouvrement, le 16 mars 2015, des impositions en litige. Ainsi, alors même qu'il n'est pas établi que la SARL Manu aurait été informée, avant d'obtenir une copie des pièces obtenues par l'administration, de la teneur de ces pièces, elle ne peut être regardée comme ayant été privée de la garantie, instituée par les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, consistant en la possibilité d'avoir accès, à sa demande, à ces pièces avant la mise en recouvrement des impositions contestées. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la procédure serait entachée d'une irrégularité de nature à justifier la décharge des impositions en litige doit être écarté.

En ce qui concerne l'information relative aux recours administratifs :

5. Il est constant que la SARL Manu a été informée par l'avis de vérification qui lui a été initialement adressé le 21 mai 2014 et qu'elle a finalement reçu le 20 juin 2014, à la suite d'un nouvel envoi effectué par le service le 11 juin 2014, de la possibilité, qui lui était ouverte, de saisir, pour le cas où des difficultés surgiraient au cours du contrôle ou au sujet des conclusions de celui-ci, le supérieur hiérarchique du vérificateur ou, si le différend persistait, l'interlocuteur fiscal départemental, dont les noms et coordonnées lui ont été précisés. Cet avis était d'ailleurs accompagné d'un exemplaire de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, qui rappelle notamment l'existence de ces garanties et les conditions dans lesquelles elles peuvent être mises en oeuvre. La réponse apportée par l'administration, le 23 décembre 2014, aux observations formulées par la SARL Manu refuse expressément d'accorder à cette dernière, au motif qu'elle fait l'objet d'une taxation d'office, le délai supplémentaire de trente jours qu'elle avait sollicité afin de réunir des pièces qu'elle estimait utiles à son argumentation selon laquelle elle avait opté pour le régime d'imposition applicable aux sociétés de capitaux, et ne rappelle pas à la SARL Manu qu'elle conserve la possibilité de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur de même que l'interlocuteur fiscal départemental. Toutefois, cette réponse, alors même qu'elle ne fait aucune référence à ces garanties et lui indique qu'il lui appartient de produire toute pièce utile au soutien d'une réclamation, ne peut être regardée comme ayant été de nature à induire la SARL Manu en erreur sur l'étendue de ses droits dans le cadre de la procédure de rectification dont elle faisait l'objet et à la priver de l'exercice effectif de ces garanties, ni à révéler un manquement de l'administration à son devoir de loyauté à son égard.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

6. Si la SARL Manu soutient, comme elle l'indiquait déjà dans ses observations, qu'elle a opté, dès l'exercice clos en 2011, pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés et que la caisse du régime social des indépendants retient d'ailleurs qu'elle a exercé cette option, cette assertion, qui concerne le rehaussement qui lui a par ailleurs été notifié en matière de bénéfices industriels et commerciaux, est sans incidence sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, seuls en litige.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / (...) ".

8. Pour justifier l'application aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées du b. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts, le ministre fait valoir que la SARL Manu n'a pas déposé les déclarations de chiffre d'affaires afférentes aux périodes couvrant les années 2011, 2012 et 2013 malgré les mises en demeure, qui lui ont été adressées le 26 mai 2014, lui impartissant un délai de trente jours pour ce faire, et qui lui rappelaient les conséquences susceptibles de résulter d'un défaut de réponse dans le délai imparti, en reproduisant notamment les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts.

9. La SARL Manu, qui ne conteste pas avoir reçu ces mises en demeure, ni les termes dans lesquels celles-ci étaient rédigées, et qui ne conteste pas davantage ne pas y avoir donné suite dans le délai imparti, soutient que l'administration, en lui adressant de nouveau, après une première tentative de notification infructueuse, un avis de vérification le 11 juin 2014, soit après l'envoi de ces mises en demeure, l'a induite en erreur sur l'intérêt d'apporter une réponse à ces mises en demeure à l'approche d'un contrôle qui lui permettrait de présenter tous documents et explications utiles, et a ainsi manqué, à son égard, à son devoir de loyauté. Toutefois, aucune disposition législative ni réglementaire n'interdit à l'administration de mettre en demeure une société, à l'approche d'une vérification de comptabilité ni même au cours de celle-ci, de se conformer à ses obligations déclaratives. En outre, la lettre du 11 juin 2014, par laquelle l'administration a fait parvenir à la SARL Manu une copie de l'avis de vérification qu'elle lui avait adressé le 21 mai 2014, ne fait aucune mention des mises en demeure précédemment envoyées. Dans ces conditions, ni la succession de ces envois, ni l'annonce du contrôle dont elle ferait prochainement l'objet ne peuvent être regardées comme ayant été de nature à induire la SARL Manu en erreur sur la nécessité d'apporter une réponse, dans le délai imparti, aux mises en demeure dont elle avait été rendue destinataire, de même que sur les conséquences susceptibles de résulter de l'absence ou de la tardiveté de souscription de ces déclarations. Enfin, dès lors que l'avis de vérification, qu'elle a reçu le 20 juin 2014, en temps utile pour organiser sa représentation en vue de la première intervention du vérificateur, prévue le 3 juillet 2014, l'informe de ce qu'elle a la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix au cours du contrôle, le fait que ces mises en demeure ne comportent pas cette information n'est, en tout état de cause, pas de nature à en entacher la régularité.

10. Dans ces conditions, l'administration a pu régulièrement, et à bon droit, assortir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas d'absence de dépôt d'une déclaration dans le délai imparti par une mise en demeure, par les dispositions précitées du b. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Manu n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente aux fins de remboursement des sommes qu'elle indique avoir versées en paiement des impositions en litige doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Manu est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Manu et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°18DA01719


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