Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le GAEC du Coudrier a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2018 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé de l'autoriser à exploiter des parcelles de terres d'une superficie de 42 ha 26 a 87 ca situées sur le territoire des communes de Saint Quentin des Prés, Hecourt, Sully, Escames et Molagnies.
Par un jugement n° 1900585 du 13 mars 2020, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 mai 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par le GAEC du Coudrier devant le tribunal administratif d'Amiens.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le GAEC du Coudrier a demandé, dans le cadre d'un agrandissement, l'autorisation d'exploiter des parcelles de terres d'une superficie de 42 ha 26 a 87 ca situées sur le territoire des communes de Saint Quentin des Prés, Hecourt, Sully, Escames et Molagnies, qui étaient jusque-là mises en valeur par l'EARL Delphine et Olivier B.... Par un arrêté du 13 décembre 2018, le préfet de la région Hauts-de-France lui a refusé l'autorisation d'exploiter ces terres. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du jugement du 13 mars 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande du GAEC du Coudrier, annulé cet arrêté.
2. Le schéma directeur des exploitations agricoles en Picardie étant entré en vigueur le 29 juin 2016 et la demande d'autorisation d'exploiter ayant été formulée par le GAEC du Coudrier le 20 août 2018, la décision attaquée doit être examinée au regard des dispositions du code rural et de la pêche maritime dans leur version en vigueur après la publication de la loi du 13 octobre 2014.
Sur le motif d'annulation retenu par le jugement contesté :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative (...) vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée. " Aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 29 juin 2016 établissant le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie : " Ordre de priorités (...) Les priorités s'entendent des cas ou opérations qui n'induisent pas de démembrement d'une exploitation qui compromettrait la viabilité économique d'une exploitation agricole soit en la ramenant en dessous du seuil de surface fixé à l'article 4, soit en la privant d'une partie essentielle à son fonctionnement (...) ". Aux termes de l'article 1er du même arrêté : " Autres définitions : / Partie essentielle au fonctionnement de l'exploitation agricole : elle s'apprécie en fonction de l'activité de l'exploitation agricole ; il peut s'agir d'un bâtiment ou d'un équipement spécifique, d'un accès ou d'un terrain sans lequel une partie de l'activité de l'entreprise ne pourrait plus être exercée ou subirait un impact économique significativement défavorable (...) ".
5. Pour annuler l'arrêté du 13 décembre 2018 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé d'accorder au GAEC du Coudrier l'autorisation d'exploiter les terres demandées, les premiers juges ont estimé que la seule circonstance qu'une exploitation se trouverait privée d'une partie de la surface qu'elle exploite ne suffisait pas à caractériser la perte d'une partie essentielle à son fonctionnement, contrairement à ce qu'avait estimé le préfet. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet de la région Hauts-de-France, après avoir retenu que l'EARL Delphine et Olivier B... comprenait deux associés et exploitait 140 ha en polyculture avec un atelier lait, a estimé que la privation de 42 ha 26 a 87 ca de surface représenterait une perte conséquente de 30 % pour l'exploitation lui faisant atteindre 97 ha 73 a 13 ca par unité de travail annuel non salariée et que la viabilité économique de cette EARL serait compromise car elle serait privée d'une partie essentielle à son fonctionnement. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a estimé que cette reprise de terres réduirait la rentabilité de l'exploitation de l'EARL Delphine et Olivier B..., preneur en place, alors que cette exploitation bénéficiait déjà, du fait de sa fragilité, du plan de soutien à l'élevage mis en place en 2015 et reconduit en 2016. Le préfet a aussi estimé que la viabilité économique de l'exploitation serait compromise, comme cela ressortait d'une étude du Cerfrance selon laquelle la reprise de terres entraînerait un excédent brut d'exploitation négatif de l'ordre de 17 000 euros et rendrait une poursuite d'exploitation très difficile, compromettant le projet d'installation d'un des enfants de M. et Mme B.... Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le préfet de la région Hauts-de-France ne s'est pas fondé sur la seule perte de superficie pour refuser l'autorisation demandée et a suffisamment caractérisé, pour l'exploitation du preneur en place, la perte d'une partie essentielle à son fonctionnement. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté préfectoral refusant d'accorder au GAEC du Coudrier l'autorisation d'exploiter des parcelles de terres d'une superficie de 42 ha 26 a 87 ca par le motif qu'ils ont retenu.
6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le GAEC du Coudrier devant le tribunal administratif d'Amiens et la cour.
7. Par un arrêté du 6 juillet 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Hauts-de-France du 24 juillet 2018, Mme G... F..., cheffe du service régional de la performance économique et environnementale des entreprises de la direction régionale de l'alimentation et de la forêt des Hauts-de-France, a reçu délégation de M. A... E..., directeur régional de l'alimentation et de la forêt des Hauts-de-France aux fins de signer l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit être écarté.
8. Le GAEC du Coudrier se borne à soutenir qu'il n'a pas pu vérifier la régularité de la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture en l'absence du procès-verbal de cette commission. Toutefois, le préfet de la région Hauts-de-France a justifié de la régularité de la composition de cette commission en produisant le procès-verbal de la réunion de celle-ci. Par suite, le moyen manque en fait et doit être écarté.
9. Enfin, aux termes de l'article 3 de l'arrêté relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie relatif à l'ordre des priorités : " Les autorisations d'exploiter sont délivrées selon un ordre de priorité établi en prenant en compte : la nature de l'opération, au regard des objectifs de contrôle des structures et des orientations définies par le présent schéma ; l'intérêt économique et environnemental de l'opération, selon les critères tels que définis à l'article 5 / (...). Les priorités s'entendent des cas ou opérations qui n'induisent pas de démembrement d'une exploitation qui compromettrait la viabilité économique d'une exploitation agricole soit en la ramenant en dessous du seuil de surface fixé à l'article 4, soit en la privant d'une partie essentielle à son fonctionnement (...) 2° Installation ou confortement d'une exploitation pour atteindre ou maintenir le seuil de contrôle (inclus) après reprise, le cas échéant. (...) 5° Agrandissement et maintien de la surface entre 1 et 1, 5 fois (inclus) UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant (...). "
10. Le GAEC du Coudrier soutient que sa demande d'autorisation d'exploiter relève du 2ème rang de priorité du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le GAEC, qui exploite 232 ha 43 a 45 ca en polyculture avec un atelier bovin, atteindrait après reprise 274 ha 70 a 32 ca soit 91 ha 56 a 77 ca par unité de travail non salarié. Il est composé de M. H... D..., de son épouse et de leur fils, C... D... et a déposé une demande dans le cadre d'un agrandissement afin de conforter l'installation de ce dernier. Cette demande relève ainsi du rang de priorité n° 5 du schéma directeur et non du rang de priorité n° 2 de ce schéma qui concerne l'installation ou le confortement d'une exploitation pour atteindre ou maintenir le seuil de contrôle (inclus) après reprise. Par suite, le moyen soulevé par le GAEC doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le GAEC du Coudrier n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2018 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé de l'autoriser à exploiter des parcelles de terres d'une superficie de 42 ha 26 a 87 ca.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante à l'instance, soit condamné à verser au GAEC du Coudrier la somme qu'il réclame à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900585 du 13 mars 2020 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le GAEC du Coudrier devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du GAEC du Coudrier tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, au GAEC du Coudrier et à l'EARL Delphine et Olivier B....
Copie sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.
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N°20DA00732