Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 octobre 2019 et 3 février 2021, la société par actions simplifiée Les Vents du Solesmois 2, représentée par Me A... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 16 août 2019 par lequel le préfet du Nord a rejeté la demande d'autorisation environnementale qu'elle avait présentée en vue d'exploiter le parc éolien dit " Extension de la chaussée Brunehaut ", composé de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison, situé sur le territoire des communes de Saulzoir, Haussy et Vendegies-sur-Ecaillon ;
2°) à titre principal, de délivrer, en tant que juge de l'autorisation environnementale, un avis de recevabilité du dossier de demande d'autorisation et de son caractère complet et régulier, et d'enjoindre au préfet du Nord d'en reprendre l'instruction ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Nord, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer un avis de recevabilité du dossier de demande actant son caractère complet et régulier, et d'en reprendre l'instruction ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son bénéfice de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me B... F..., représentant la société Les Vents du Solesmois 2.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. Le 30 juillet 2018, la société Les Vents du Solesmois 2 a déposé une demande, complétée le 12 avril 2019, en vue d'obtenir l'autorisation environnementale d'exploiter un parc éolien, dénommé " Extension de la Chaussée Brunehaut ", composé de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison et situé sur les territoires des communes de Saulzoir, Haussy et Vendegies-sur-Ecaillon. Le préfet du Nord a rejeté cette demande par un arrêté du 16 août 2019, dont la pétitionnaire demande l'annulation.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 181-9 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases : 1° Une phase d'examen ; 2° Une phase d'enquête publique ; 3° Une phase de décision. / Toutefois, l'autorité administrative compétente peut rejeter la demande à l'issue de la phase d'examen lorsque celle-ci fait apparaître que l'autorisation ne peut être accordée en l'état du dossier ou du projet. (...) ".
3. D'autre part, le chapitre " Autorisation environnementale " du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement comporte une section " Demande d'autorisation " qui précise le contenu de la demande d'autorisation environnementale, son article R. 181-13 disposant ainsi que cette demande " comprend (...) 5° (...) lorsque la demande se rapporte à un projet soumis à évaluation environnementale, l'étude d'impact réalisée en application des articles R. 122-2 et R. 122-3, s'il y a lieu actualisée dans les conditions prévues par le III de l'article L. 122-1-1 ", puis une section " Instruction " qui comporte notamment un article R. 181-34 ainsi rédigé : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier ; (...) / La décision de rejet est motivée. ".
4. Enfin, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement alors applicable : " I. Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) 3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement et de leur évolution en cas de mise en oeuvre du projet, dénommée "scénario de référence", et un aperçu de l'évolution probable de l'environnement en l'absence de mise en oeuvre du projet, dans la mesure où les changements naturels par rapport au scénario de référence peuvent être évalués moyennant un effort raisonnable sur la base des informations environnementales et des connaissances scientifiques disponibles ; 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : (...) la biodiversité (...) ; 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement (...) 10° Une description des méthodes de prévision ou des éléments probants utilisés pour identifier et évaluer les incidences notables sur l'environnement ; (...) VII. Afin de veiller à l'exhaustivité et à la qualité de l'étude d'impact : (...) c) Si nécessaire, l'autorité compétente demande au maître d'ouvrage des informations supplémentaires à celles fournies dans l'étude d'impact, mentionnées au II et directement utiles à l'élaboration et à la motivation de sa décision sur les incidences notables du projet sur l'environnement prévue au I de l'article L. 122-1-1 ".
5. Il résulte de l'arrêté litigieux, comme des écritures de l'administration, que le préfet a rejeté la demande présentée par la pétitionnaire, sur le fondement de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, au motif que cette demande était irrégulière en raison de la qualité insuffisante de l'étude d'impact qui y était jointe.
6. Selon l'arrêté, la qualité insuffisante de l'étude d'impact, au sens et pour l'application de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, résultait d'abord d'une sous- évaluation de la sensibilité à l'éolien du busard cendré et du faucon pèlerin, ensuite d'une caractérisation de l'état initial de l'avifaune effectuée à partir d'inventaires non probants, dès lors que " compte tenu de l'ancienneté des inventaires réalisés en 2009 et 2020, ceux-ci sont obsolètes et ne sont donc pas de nature à compléter les inventaires réalisés en 2017 et 2018 pour caractériser de manière satisfaisante l'état initial " et dès lors " qu'au regard des enjeux pressentis, le nombre de sorties pertinentes n'est pas proportionné aux enjeux, et que ceci constitue une insuffisance pour évaluer de manière satisfaisante les enjeux avifaunistiques ".
7. Toutefois, en premier lieu, il ne résulte d'aucune pièce versée au dossier que la sous-évaluation par l'étude d'impact de la sensibilité à l'éolien du busard cendré et du faucon pèlerin, que le préfet a invoquée en se référant notamment aux recommandations d'un guide régional des impacts chiroptérologiques et avifaunistiques par lui-même dépourvu de valeur réglementaire, ait conduit à sous-estimer de manière significative l'impact du projet en litige sur ces espèces, eu égard aux caractéristiques du site et aux populations observées, l'administration reconnaissant elle-même que la sensibilité d'une espèce à l'éolien et l'impact d'un projet éolien particulier sur cette espèce constituent deux notions distinctes.
8. En deuxième lieu, si selon l'administration l'étude d'impact ne pouvait valablement utiliser des inventaires avifaunistiques réalisés en 2009 et 2010 pour caractériser l'état initial du site, des inventaires ont aussi été réalisés en 2017 et 2018. S'agissant de ces derniers, il ne résulte d'aucun élément versé au dossier propre à la zone d'implantation du projet que les 12 sorties effectuées, qui étaient réparties sur un cycle biologique complet, aient été insuffisantes, ce nombre s'inscrivant d'ailleurs dans la fourchette de 10 à 21 sorties, selon la sensibilité du site, recommandée par le guide national relatif à l'élaboration des études d'impact des projets de parcs éoliens mis à jour par le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer en décembre 2016.
9. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le préfet ne pouvait, sans erreur d'appréciation, estimer que les insuffisances ou les inexactitudes de l'étude d'impact présentée par la société Les Vents du Solesmois 2 caractérisaient une incomplétude ou une irrégularité du dossier de demande au sens et pour l'application de l'article R. 181-34 du code de l'environnement.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la société Les Vents du Solesmois 2 est fondée à demander l'annulation de l'arrêté en litige.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (... )".
12. Eu égard au motif qui fonde l'annulation qu'il prononce, le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet du Nord de reprendre la phase d'examen de l'instruction de la demande d'autorisation, sans que cette reprise d'instruction doive être précédée de la délivrance sollicitée d'un " avis de recevabilité " de la demande, lequel ne constitue pas une pièce de la procédure d'instruction.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige demandés par la société Les Vents du Solesmois 2.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté susvisé du 16 août 2019 du préfet du Nord est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de reprendre la phase d'examen de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale présentée par la société Les Vents du Solesmois 2.
Article 3 : L'Etat versera à la société Les Vents du Solesmois 2 une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... E... pour la société Les Vents du Solesmois 2, au préfet du Nord et au ministre de la transition écologique.
N°19DA02384 2