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30/03/2021 | FRANCE | N°19DA01500

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 30 mars 2021, 19DA01500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la société par actions simplifiée Vents de Picardie a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer l'autorisation unique d'exploiter le parc éolien du Moulin Blanc composé de huit aérogénérateurs et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Marcelcave, Lamotte-Warfusée, Wiencourt-L'Equipée et Bayonvillers, ensemble la lettre du 3 mars 2017 par laquel

le la même autorité a répondu à sa demande de communication des motifs de cett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la société par actions simplifiée Vents de Picardie a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer l'autorisation unique d'exploiter le parc éolien du Moulin Blanc composé de huit aérogénérateurs et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Marcelcave, Lamotte-Warfusée, Wiencourt-L'Equipée et Bayonvillers, ensemble la lettre du 3 mars 2017 par laquelle la même autorité a répondu à sa demande de communication des motifs de cette décision implicite, d'autre part, l'arrêté du 7 avril 2017 par lequel le même préfet a explicitement refusé l'autorisation unique demandée.

Par un jugement n° 1700691,1701593 du 30 avril 2019, le tribunal administratif d'Amiens a joint puis rejeté ces deux demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2019, et des mémoires, enregistrés les 8 juillet 2020 et 20 janvier 2021, la société Vents de Picardie, représentée par Me B... H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté du 7 avril 2017 ;

3°) de délivrer l'autorisation sollicitée ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Somme de délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... F..., première conseillère,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me J... A..., représentant la société Vents de Picardie, et de Me G... D..., représentant l'association Contre Vents et Marchés.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société Vents de Picardie a sollicité, le 23 juillet 2015, une autorisation unique pour la construction et l'exploitation du parc éolien dit du Moulin Blanc composé de huit éoliennes et trois postes de livraison et situé sur le territoire des communes de Marcelcave, Lamotte-Warfusée, Wiencourt-L'Equipée et Bayonvillers. Le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer cette autorisation par un arrêté du 7 avril 2017 qui a remplacé un refus implicite né le 5 février 2017. La société a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler cet arrêté mais, par un jugement du 30 avril 2019 dont elle relève appel, le tribunal a rejeté cette demande.

Sur l'intervention de l'association Contre Vents et Marchés :

2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. (...) Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction ordonne, s'il y a lieu, que ce mémoire en intervention soit communiqué aux parties et fixe le délai imparti à celles-ci pour y répondre. Néanmoins, le jugement de l'affaire principale qui est instruite ne peut être retardé par une intervention ".

3. Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction, d'un mémoire émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans le mémoire, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

4. Il résulte de l'instruction que l'exception tirée du défaut d'habilitation du représentant légal de l'association Contre Vents et Marchés a été soulevée par la société Vents de Picardie dans son mémoire du 8 juillet 2020, reçu par le conseil de l'association le 29 septembre 2020. Par une lettre d'information relative à la mise en oeuvre de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, datée du 20 novembre 2020 et reçue par l'association le 8 décembre 2020, les parties ont été informées de ce qu'une ordonnance de clôture d'instruction était susceptible d'être émise à compter du 15 janvier 2021. La clôture d'instruction avec effet immédiat est intervenue le 1er mars 2021.

5. Alors que ses statuts ne contenaient aucune disposition habilitant un de ses membres ou organes à la représenter ou à agir en justice en son nom, l'association intervenante, qui n'a informé la cour d'aucun obstacle à la régularisation de sa demande avant la clôture de l'instruction, n'a produit que postérieurement à cette clôture, le 2 mars 2021, une délibération adoptée le même jour par son assemblée générale habilitant son président à ester en justice. Une telle production n'a pas été de nature, compte tenu de sa tardiveté, à régulariser la fin de non-recevoir opposée par l'appelante et l'intervention de l'association Contre Vents et Marchés n'est donc pas recevable.

Sur le cadre juridique du litige :

6. D'une part, l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement a prévu que, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, plusieurs types de projets, notamment les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumises à autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, seraient autorisés par un arrêté préfectoral unique dénommé " autorisation unique ", celle-ci valant autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, autorisation de défrichement au titre des articles L. 214-13 et L. 341-3 du code forestier, autorisation d'exploiter au titre de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, approbation au titre de l'article L. 323-11 du même code et dérogation au titre du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

7. Sur le fondement de ces dispositions, le décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement a fixé le contenu du dossier de demande d'autorisation unique et les modalités de son instruction ainsi que de sa délivrance par le préfet.

8. D'autre part, les dispositions de l'ordonnance du 26 janvier 2017, codifiées aux articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement, ont institué une autorisation environnementale dont l'objet est de permettre qu'une décision unique tienne lieu de plusieurs décisions auparavant distinctes dans les conditions qu'elles précisent.

9. L'article 15 de cette ordonnance a précisé les conditions de son entrée en vigueur : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; (...) ".

10. Sous réserve des dispositions de cet article 15, l'article 16 de la même ordonnance abroge les dispositions de l'ordonnance du 20 mars 2014 relatives à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement.

11. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement issu de l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise, comme l'autorisation unique l'était avant elle ainsi que les autres autorisations mentionnées au 1° de l'article 15 de cette même ordonnance, à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle l'autorité administrative statue sur cette demande et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.

Sur la légalité de la décision attaquée :

12. L'article L. 511-1 du code de l'environnement dispose : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. / (...) ".

13. Pour statuer sur une demande d'autorisation unique, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas l'exigence de protection des intérêts patrimoniaux, paysagers et naturels visés par les dispositions précitées. Pour rechercher si une atteinte à ces intérêts est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

En ce qui concerne les atteintes aux intérêts patrimoniaux et paysagers :

S'agissant de la qualité du site :

14. En premier lieu, les huit éoliennes projetées, d'une hauteur totale en bout de pale de 156 mètres, prendront place en ligne droite, parallèlement à l'autoroute A29. Le paysage aux alentours est une plaine agricole doucement vallonnée, composée de champs cultivés, d'espaces boisés et de villages. Ces derniers villages recèlent des bâtiments protégés au titre des monuments historiques, notamment les églises de Lamotte-Warfusée, Harbonnières et Caix, qui sont classées depuis 2005 pour la première et depuis 1906 pour les deux autres et qui sont toutes trois situées à moins de quatre kilomètres du projet.

15. En deuxième lieu, deux mémoriaux liés à la première guerre mondiale se trouvent dans les environs du projet.

16. D'une part, le plus ancien de ces mémoriaux, édifié en 1938 et inscrit au titre des monuments historiques depuis 2017, est celui de Villers-Bretonneux. Il constitue un des principaux sites de commémoration en France de l'Australian and New Zealand Army Corps (ANZAC). A 6,5 kilomètres du projet, il présente un aspect monumental et se compose notamment d'un cimetière militaire accueillant plus de 2 000 tombes, traversé d'une large allée aboutissant à un vaste mur portant les noms de plus de 10 000 soldats australiens tués entre 1916 et 1918. Le mur est borné à ses extrémités par deux pavillons et dominé en son centre par une tour belvédère, offrant sur le théâtre des combats un panorama de près de 360 degrés.

17. D'autre part, le plus récent de ces mémoriaux, inauguré en 1998 et situé à 4,5 kilomètres du projet, est celui du Hamel, qui évoque plus particulièrement la bataille du même nom où l'ANZAC s'est illustré en juillet 1918. Il se compose d'un parcours pédagogique bordé de pupitres explicatifs conduisant à un monument constitué de trois pans de murs en pierre sombre.

18. Les sites de Villers-Bretonneux et du Hamel avec leurs perspectives ont fait l'objet d'un classement sur le fondement des articles L. 341-1 et suivants du code de l'environnement par décret du 24 août 2018. Ces lieux de mémoire constituent ainsi une composante notable des intérêts à protéger au titre des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans un paysage qui, en lui-même, ne présente pas un intérêt remarquable.

S'agissant de l'impact du projet sur les mémoriaux de Villers-Bretonneaux et du Hamel :

19. En ce qui concerne le mémorial de Villers-Bretonneux, il résulte de l'instruction que les éoliennes ne seront visibles que depuis le sommet de la tour, du côté opposé au cimetière et dans un axe différent de celui reliant ce mémorial au site du Hamel. Contrairement à ce que soutient l'administration, il ne résulte pas des photomontages versés au dossier que ces aérogénérateurs, certes plus proches du mémorial que ceux des parcs éoliens existants, présenteraient un caractère excessivement prégnant dans le paysage, l'éloignement de l'ensemble de ces éoliennes ne permettant pas non plus de constater un effet de saturation ou d'encerclement.

20. En ce qui concerne le mémorial du Hamel, si les éoliennes du projet seront visibles depuis le monument et le cheminement menant à la stèle de pierre sombre, ce site de mémoire, qui ne recherche pas la monumentalité et ne comprend aucune tombe ni même de noms gravés, invite plus à la réflexion par sa dimension pédagogique qu'à la contemplation du paysage environnant.

21. Par ailleurs, le projet se trouve en dehors du périmètre incluant les perspectives des deux mémoriaux qui ont été protégées par le classement opéré par le décret du 24 août 2018. Si l'étude qui a conduit à ce classement, à laquelle l'autorité environnementale s'est référée dans son avis du 5 avril 2016, préconisait de conserver une distance d'au moins 5 kilomètres entre le périmètre du futur classement et toute implantation d'éoliennes, il ne résulte pas de l'instruction que cette recommandation, sans portée normative, justifierait en l'espèce un refus d'autorisation.

22. Dans ces conditions, et en dépit des divers avis défavorables dont la demande a pu faire l'objet, le préfet de la Somme a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet porterait atteinte au caractère et à l'intérêt de ces sites mémoriels.

23. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que les motifs tirés des atteintes portées aux mémoriaux de Villers-Bretonneux et du Hamel suffisaient à justifier le refus d'autorisation opposé par le préfet à la demande d'autorisation présentée par la société Vents de Picardie.

S'agissant de l'impact du projet sur d'autres sites :

24. Pour refuser l'autorisation sollicitée, le préfet a également estimé dans l'arrêté en litige que le projet de parc éolien impacterait fortement les églises, mentionnées au point 14 du présent arrêt, des villages de Lamotte-Warfusée, d'Harbonnières et de Caix, ainsi que la vallée de la Luce.

25. En premier lieu, si une distance de 1,6 kilomètre seulement sépare le projet de l'église Saint Pierre de Lamotte-Warfusée et si le projet et l'église sont en situation de covisibilité depuis deux des routes départementales permettant l'accès au village, il ne résulte des photomontages versés au dossier aucun effet de surplomb ni d'écrasement du clocher, avec lequel le projet n'entre pas en concurrence visuelle directe.

26. En deuxième lieu, si le projet et l'église Saint Martin d'Harbonnières, distants l'un de l'autre de 2,6 kilomètres, sont également en situation de covisibilité depuis deux des routes départementales permettant l'accès au village et si les photomontages versés au dossier montrent une certaine concurrence du projet avec le clocher, d'autres éléments verticaux, déjà présents dans le paysage, diminuent l'impact du projet et les photomontages produits ne permettent pas d'identifier un effet d'écrasement ou de surplomb du clocher.

27. En troisième lieu, si une covisibilité existe dans le paysage entre le projet et l'église Sainte Croix de Caix, la distance de près de quatre kilomètres du projet les séparant empêche en l'espèce, du fait de cet éloignement entre les aérogénérateurs et le monument, une concurrence visuelle directe et un effet d'écrasement ou de surplomb.

28. En quatrième lieu, si le préfet fait état d'une situation de surplomb du parc éolien vis-à-vis de la vallée de la Luce, aucun document versé au dossier ne permet d'identifier un impact du projet sur cette vallée.

29. Il résulte de ce qui précède que les impacts limités du projet sur les trois églises classées des environs et sur la vallée de la Luce ne peuvent pas être regardés comme caractérisant des atteintes de nature à justifier le refus d'autorisation en litige. En retenant ces motifs pour refuser le projet, le préfet de la Somme a donc commis une erreur d'appréciation.

30. Ainsi qu'il vient d'être dit, le projet aura un impact très limité sur le paysage, que la société pétitionnaire souhaite réduire davantage par une mesure compensatoire consistant à mettre en place des aménagements paysagers au niveau des postes de livraison. Dans ces conditions, la circonstance que la société n'aurait justifié ni de la faisabilité ni de l'efficacité ni de la durabilité de cette mesure compensatoire ne saurait fonder le refus de la demande d'autorisation unique.

En ce qui concerne l'impact du projet sur les oiseaux et les chauves-souris :

31. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis de l'autorité environnementale, que le parc devant être réalisé sur des terres de grandes cultures, le projet aura un impact faible sur la faune et la flore, notamment sur la population de chiroptères et sur plusieurs espèces d'oiseaux à enjeu patrimonial.

32. D'autre part, la société pétitionnaire a prévu des mesures de comptage des impacts dont serait victime l'avifaune, la mise en place éventuelle d'un bridage des machines et un suivi du peuplement des oiseaux remarquables et des chiroptères. Au regard de l'impact faible attendu sur la faune, le préfet ne pouvait pas dans son arrêté, sans commettre une erreur d'appréciation, estimer sans autre précision que " cela ne constitue pas un moyen acceptable au regard de la séquence Eviter Réduire Compenser édictée à l'article R. 122-5 II 5° du code de l'environnement ".

33. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des motifs invoqués par l'administration ne peut légalement fonder le refus de d'autorisation unique en litige.

34. Dès lors, la société Vents de Picardie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 30 avril 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2017 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer l'autorisation unique en vue de la construction et de l'exploitation du parc éolien du Moulin Blanc.

Sur les conclusions à fin de délivrance de l'autorisation et à fin d'injonction :

35. Dans le cadre d'un litige relevant d'un contentieux de pleine juridiction, comme en l'espèce, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 de ce code. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée puis, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.

36. Or la ministre n'a invoqué aucun motif d'irrégularité de la procédure mise en oeuvre, ni aucune atteinte autre que celles sus-analysées aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans des conditions qui rendraient l'implantation des huit éoliennes et de leurs postes de livraison incompatible avec les dispositions applicables au projet relatives à l'urbanisme et à l'environnement.

37. Dans ces conditions et eu égard au motif d'annulation retenu au présent arrêt, il y a lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction, d'une part, en délivrant à la société pétitionnaire l'autorisation unique relative au parc éolien du Moulin Blanc, d'autre part, en la renvoyant devant la préfète de la Somme pour fixer les prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, enfin, en enjoignant à la préfète de fixer ces prescriptions dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

38. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais liés au litige demandés par la société Vents de Picardie.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association " Contre Vents et Marchés " n'est pas admise.

Article 2 : Le jugement du 30 avril 2019 du tribunal administratif d'Amiens et l'arrêté du 7 avril 2017 par lequel le préfet de la Somme a refusé de délivrer à la société Vents de Picardie l'autorisation unique en vue de la construction et de l'exploitation du parc éolien du Moulin Blanc sur le territoire des communes de Marcelcave, Lamotte-Warfusée, Wiencourt-l'Equipée et Bayonvillers sont annulés.

Article 3 : L'autorisation unique pour la construction et l'exploitation du parc éolien du Moulin Blanc est accordée à la société Vents de Picardie. Elle sera assortie des prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement qui seront fixées par la préfète de la Somme. Il est enjoint à cette autorité de fixer ces prescriptions dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société Vents de Picardie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... H... pour la société Vents de Picardie, à la ministre de la transition écologique et à Me I... C... pour l'association " Contre Vents et Marchés ".

Copie en sera transmise à la préfète de la Somme.

N°19DA01500 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01500
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Hélène Busidan
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : GREENLAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-30;19da01500 ?
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