Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C..., Mme E... A... épouse C... et la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2018 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a accordé au groupement foncier agricole du Château de Landifay l'autorisation d'exploiter une superficie de 134 hectares 71 ares 62 centiares de terres situées sur les communes de Landifay-et-Bertaignemont et Puisieux-et-Clanlieu.
Par un jugement n° 1803104 du 6 mars 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 avril 2020 et 22 janvier 2021, M. et Mme C... et la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette, représentés par la SCP C. Pinchon-S. Cacheux-A. Berthelot, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2018 du préfet de la région Hauts-de-France ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le groupement foncier agricole du Château de Landifay a demandé, le 20 mars 2018, l'autorisation d'exploiter une superficie de 134 hectares 71 ares 62 centiares de terres situées sur les communes de Landifay-et-Bertaignemont et Puisieux-et-Clanlieu, dans le département de l'Aisne, qui étaient jusque-là mises en valeur par la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette. M. D... C... a également présenté une demande d'autorisation d'exploiter portant partiellement sur les mêmes terres pour une superficie de 227 hectares 99 ares 42 centiares dans le cadre de son installation au sein de la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette. M. et Mme C... et la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette relèvent appel du jugement du 6 mars 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 septembre 2018 du préfet de la région Hauts-de-France accordant au groupement foncier agricole du Château de Landifay l'autorisation d'exploiter les terres demandées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Le schéma directeur des exploitations agricoles de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie étant entré en vigueur le 29 juin 2016 et la demande d'autorisation d'exploiter ayant été formulée par le groupement foncier agricole du Château de Landifay le 20 mars 2018, soit après cette date, la décision en litige doit être examinée au regard des dispositions du code rural et de la pêche maritime dans leur version en vigueur après la publication de la loi du 13 octobre 2014.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative (...) vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée. " Aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; 3° Si l'opération conduit à un agrandissement ou à une concentration d'exploitations au bénéfice d'une même personne excessifs au regard des critères définis au 3° de l'article L. 331-1 et précisés par le schéma directeur régional des structures agricoles en application de l'article L. 312-1, sauf dans le cas où il n'y a pas d'autre candidat à la reprise de l'exploitation ou du bien considéré, ni de preneur en place ; 4° Dans le cas d'une mise à disposition de terres à une société, lorsque celle-ci entraîne une réduction du nombre d'emplois salariés et non salariés, permanents ou saisonniers, sur les exploitations concernées (...) ".
4. D'autre part, aux termes du 2° de l'article 5 de l'arrêté du 29 juin 2016 portant schéma directeur des exploitations agricoles en Picardie : " Pour l'application de l'article L. 331-1 1°, la dimension économique viable d'une exploitation à encourager est équivalente à la surface définie à l'article 4 ". Aux termes de l'article 4 du même arrêté : " Fixation des seuils de contrôle : / Seuils de surface : Le seuil retenu correspond à 94 % de la SAU moyenne régionale toutes productions confondues. Il est de 90 ha après opération (...) ".
5. Pour accorder au groupement foncier agricole du Château de Landifay l'autorisation demandée, le préfet de la région Hauts-de-France, qui a retenu que la demande pour une superficie de 134 hectares 71 ares 62 centiares s'inscrivait dans le cadre de la constitution du groupement, a relevé que la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette comptait deux associés exploitants, soit deux unités de travail annuel (UTANS), participant à deux autres sociétés pour une surface totale de 363 hectares, qu'elle exploitait 227 hectares 99 ares 42 centiares et qu'elle disposerait après la reprise de terres envisagée d'une surface totale qui serait supérieure au seuil de viabilité économique de 90 hectares fixé par le schéma directeur.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'après la reprise des terres envisagée, la surface totale d'exploitation restante de la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette sera de 93 hectares, supérieure au seuil de viabilité défini par le schéma directeur. Les requérants soutiennent que la reprise de terres envisagée, qui représente 60 % de la superficie exploitée par la société, va compromettre la viabilité économique de l'exploitation et que cette perte va diminuer l'excédent brut de leur exploitation de près de 90 %. Ils produisent au soutien de leurs allégations une étude comptable réalisée en septembre 2019 par la société Fiducial expertise précisant que l'excédent brut d'exploitation correspondant à 227 hectares s'élève en moyenne à 233 321 euros et qu'il serait en moyenne, pour 94 hectares de production végétale, de 28 622 euros. Toutefois, si l'excédent brut d'exploitation de la production végétale diminuera du fait de la reprise de terres demandée, la société civile d'exploitation agricole exerce également une activité d'élevage qui dégage un excédent brut d'exploitation qui n'a pas été évalué dans le cadre de la réduction de superficie envisagée. Il suit de là que cette étude comptable, établie au demeurant postérieurement à l'arrêté contesté, si elle permet de constater une diminution de l'excédent brut d'exploitation quant à la production végétale, ne permet pas d'établir que la société ne dégagerait plus aucun excédent brut d'exploitation compte tenu de l'ensemble de ses productions végétale et animale, ni que son résultat net d'exercice deviendrait déficitaire. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la région Hauts-de-France aurait dû refuser l'autorisation demandée dès lors qu'il y aurait atteinte à la viabilité économique de l'exploitation de la société civile d'exploitation agricole.
7. Il résulte par ailleurs des termes mêmes de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime cités au point 3 que ces dispositions prévoient seulement une possibilité de refus dans l'une des hypothèses envisagées. Il suit de là que le préfet de la région Hauts-de-France, qui devait comparer la situation du demandeur et du preneur en place au regard de l'ordre des priorités du schéma directeur des exploitations agricoles de la région considérée, n'était, en tout état de cause, pas tenu de refuser au groupement foncier agricole du Château de Landifay l'autorisation demandée.
8. Les requérants soutiennent encore que la perte de superficie va entraîner la perte d'une partie de la main d'oeuvre salariée et qu'il s'agit d'un autre cas de refus d'autorisation au regard des dispositions du 4° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime. Toutefois, si les intéressés emploient effectivement un salarié ainsi que cela ressort du bulletin de salaire produit, ils n'établissent pas, par ce seul élément, que cet emploi salarié serait remis en cause du fait de la reprise de terres demandée.
9. Aux termes de l'article L. 331-1-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) Est qualifié d'exploitation agricole l'ensemble des unités de production mises en valeur, directement ou indirectement, par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont les activités sont mentionnées à l'article L. 311-1 ; (...) 3° Pour déterminer la superficie totale mise en valeur, il est tenu compte de l'ensemble des superficies exploitées par le demandeur, sous quelque forme que ce soit et toutes productions confondues, en appliquant les équivalences fixées par le schéma directeur régional des exploitations agricoles pour les différents types de production (...) ".
10. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie relatif à l'ordre des priorités : " Les autorisations d'exploiter sont délivrées selon un ordre de priorité établi en prenant en compte : la nature de l'opération, au regard des objectifs de contrôle des structures et des orientations définies par le présent schéma ; l'intérêt économique et environnemental de l'opération, selon les critères tels que définis à l'article 5 / (...) / Les priorités s'entendent des cas ou opérations qui n'induisent pas de démembrement d'une exploitation qui compromettrait la viabilité économique d'une exploitation agricole soit en la ramenant en dessous du seuil de surface fixé à l'article 4, soit en la privant d'une partie essentielle à son fonctionnement (...) 7° Autre situation. "
11. Il résulte de ces dispositions que le préfet de la région Hauts-de-France a pu légalement prendre en compte, pour déterminer le rang de priorité applicable au preneur en place, en plus de la situation de la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette, les situations individuelles de chacun des associés de cette société pour retenir que les deux associés exploitants participaient à deux autres sociétés pour une surface totale de 363 hectares. Dès lors, les consorts C... et la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette ne sont pas fondés à contester le classement de la société par le préfet au 7ème rang de priorité qui concerne les situations autres que les installations, réinstallation et les agrandissements.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts C... et la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du groupement foncier agricole du Château du Landifay, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que demandent à ce titre M. et Mme C... et la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. et Mme C... et de la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette le versement au groupement foncier agricole du Château de Landifay, de la somme réclamée au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête M. et Mme C... et de la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le groupement foncier agricole du Château de Landifay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme E... A... épouse C..., à la société civile d'exploitation agricole de la Vallée Rochette, au groupement foncier agricole du Château de Landifay et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.
2
N°20DA00657